AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six septembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DELBANO, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, et de Me COSSA, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X...
Y...
Z... Cornélis,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 23 juin 2005, qui, pour infractions à la législation sur le démarchage à domicile, l'a condamné à 3 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1984 et suivants du code civil, 111-4 du code pénal, L.121-21, L.121-23, L.121-26 et L.121-28 du code de la consommation, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Cornélis X...
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Z... coupable d'avoir démarché une personne à son domicile, d'avoir remis un contrat ne comportant pas l'ensemble des modalités d'exercice de la faculté de rétractation, et d'avoir exigé le paiement d'une somme avant l'expiration du délai de 7 jours suivant la commande de l'engagement et, en conséquence, l'a condamné pénalement et civilement ;
"aux motifs qu'en droit, les articles L.121-21 et suivants du code de la consommation soumettent à des exigences particulières les opérations de démarchage à domicile de personnes physiques, même à leur demande, pour leur proposer, entre autres, la fourniture de services ; que la loi fait obligation de prévoir dans les contrats ainsi proposés par démarchage à domicile, diverses mentions obligatoires et notamment un formulaire détachable permettant à la personne démarchée d'exercer sa faculté de renoncer au contrat ainsi proposé ; qu'enfin, selon l'article L.121-26 du même code, il ne doit être ni exigé, ni obtenu du client, sous quelque forme que ce soit, aucune contrepartie quelconque, ni engagement de quelque nature que ce soit ; que la loi ne distingue donc pas la nature des services susceptibles d'être rendus, qu'elle soit civile ou non et n'exclut pas les engagements qui prennent la forme du paiement d'une cotisation ; qu'en cela, la citation entre bien dans les prévisions du texte qu'elle vise ; que les moyens du prévenu tendant à contester ces points sont donc inopérants ; qu'il importe peu également que le prévenu ait agi à titre personnel ou pour le compte d'une association au sein de laquelle il aurait agi bénévolement, le fait d'agir comme organe ou représentant d'une personne morale n'excluant pas les poursuites exercées contre cet organe ou représentant recherché à titre personnel ; que l'article L.121-1 précité vise " quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage à
domicile ", ce qui n'exclut nullement une association à but non lucratif ; qu'en l'espèce, il est constant que suite à une lettre d'information envoyée à chacune des deux victimes identifiées, et celles-ci ayant répondu à cette offre de service, Cornélis X...
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Z... personnellement s'est rendu au domicile de ces personnes physiques et, au cours de cette rencontre, il leur a fait signer un engagement écrit sous forme d'un contrat ; qu'en cela, il y a bien démarchage à domicile, l'initiative de la visite ayant pour origine l'offre de services faite par l'association ; que ces contrats proposaient bien la fourniture de services, à savoir l'aide et l'assistance pour l'obtention d'une indemnisation après un accident de la circulation ; qu'il doit être relevé que les contrats ne prévoyaient pas une fourniture gratuite de services, mais incluaient une forme de rémunération, outre la cotisation d'adhésion ; qu'en outre, pour Mme A..., la convention a été signée au profit d'une société Euroconseil, créée et animée par Cornélis X...
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Z..., ce qui ne serait que le fruit d'un erreur de la part du prévenu, cette société Euroconseil n'ayant eu qu'une existence éphémère pour la simple obtention d'un crédit bancaire pour financer les premières dépenses de l'association ; qu'en ce sens, les contrats proposés sont bien soumis aux dispositions visées du code de la consommation ; qu'il est constant que les contrats signés ne répondent pas aux exigences du code de la consommation, ce qui n'est pas discuté ; notamment, ces contrats ne comportaient pas le formulaire détachable pour exercer la faculté de renonciation dans les sept jours de sa signature ; que le document séparé qui aurait pu en tenir lieu ne répond d'ailleurs pas aux exigences de ces textes, notamment quant aux mentions précises qu'il doit comporter ; qu'en cela, le prévenu s'est bien personnellement rendu coupable des faits, l'intention résultant de ce qu'il a agi après réflexion et après s'être entouré selon lui de conseils utiles ;
"1 / alors, d'une part, qu'au sens de l'article L.121-21 du code de la consommation, le démarchage implique la proposition de vente d'un bien ou la fourniture d'un service ; que la cotisation à une association destinée à financer le fonctionnement du groupement est exclusive de toute fourniture d'un service ; qu'en retenant que la loi n'exclurait pas les engagements qui prennent la forme du paiement d'une cotisation, la cour d'appel qui déclare Cornélis X...
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Z... coupable de l'infraction de démarchage et de perception d'une cotisation avant les délais légaux, a violé les articles visés au moyen ;
"2 / alors, d'autre part, qu'en outre, le démarchage est une recherche de clientèle dont le but poursuivi est nécessairement lucratif ; que ne constitue pas un démarchage la publicité faite par une association auprès de ses adhérents potentiels en vue de se faire connaître et leur proposer une souscription ; qu'en décidant que constituait le délit prévu et réprimé par l'article L.121-21 du code de la consommation le fait pour Cornélis X...
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Z... d'avoir envoyé des lettres d'information à des victimes identifiées, de s'être rendu, le cas échéant, à leur domicile, pour leur proposer d'adhérer à l'association d'Aide aux Victimes qu'il présidait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
"3 / alors enfin qu'aux termes de l'article 1984 du code civil, le mandat est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ; que le mandataire est tenu d'accomplir la mission qui lui est confiée, ce qui lui impose un devoir de conseil et de renseignement dont la violation est susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle ; qu'en assimilant les obligations qui s'imposent au mandataire à l'égard de son mandant à la fourniture d'un service dont la sollicitation serait soumise aux dispositions du code de la consommation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, violant les articles visés au moyen" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Cornélis X... der Z... est président d'une association qu'il a créée, sous la dénomination Adraco, et qui a pour objet l'information, l'assistance, la défense et le recours des accidentés de la circulation ou de leurs ayants droit ; que cette association se faisait connaître en exploitant les rubriques nécrologiques et les faits divers dans la presse locale et en adressant, au domicile des personnes intéressées, des courriers pour proposer ses services, action suivie, en cas de réponse positive, d'un déplacement s'accompagnant, le cas échéant, de la signature d'une "convention d'assistance et de gestion", elle-même assortie, soit d'une clause d'honoraires de résultats, soit d'une clause de "don de participation" ; que le montant de la cotisation versée par les adhérents de l'association qui signaient la convention d'assistance était fixé à 250 francs ; que le prévenu a été poursuivi pour avoir, en 2000 et 2001, d'une part, remis à deux personnes démarchées à leur domicile, un contrat ne comportant pas les mentions légales obligatoires, notamment le formulaire détachable de rétractation, d'autre part, reçu de ces personnes le versement d'une somme de 250 francs, avant l'expiration du délai de réflexion ; que le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen, d'où il résulte que le démarchage à domicile pratiqué par le prévenu, sous le couvert d'une activité associative, tendait à la conclusion de contrats de fourniture de services ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Que, dès lors, le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, M. Delbano conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;