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19/09/2006 | FRANCE | N°06-83963

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 septembre 2006, 06-83963


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf septembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BEAUVAIS, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, de Me SPINOSI, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Abderrahmane,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de GRENOBLE, en date du 12 mai 200

6, qui, dans l'information suivie contre lui pour meurtre, a confirmé l'ordonnance du...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf septembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BEAUVAIS, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, de Me SPINOSI, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Abderrahmane,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de GRENOBLE, en date du 12 mai 2006, qui, dans l'information suivie contre lui pour meurtre, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant l'action publique non prescrite ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 15 juin 2006, prescrivant lexamen immédiat du pourvoi ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 7, 75, 76, 77, 77-1 et 78, dans leur rédaction applicable à la cause issue des lois des 18 novembre 1985, 8 janvier 1958, 24 août 1993, 30 décembre 1985 et 5 janvier 1993, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé de constater que la prescription de l'action publique était acquise ;

"aux motifs qu'après avoir, le 12 septembre 2005, requis l'ouverture d'une information du chef de meurtre, le procureur de la République compétent a, par les réquisitions susvisées en date du 9 février 2006, sollicité du magistrat instructeur qu'il constate la prescription de l'action publique et prononce non-lieu aux motifs qu'un délai de plus de dix ans s'est écoulé sans l'accomplissement d'un acte d'enquête ; qu'il n'y a pas eu d'acte interruptif de prescription, que l'autopsie du squelette de la victime, au surplus, n'a pas permis d'établir la date de la mort de Magalie Y..., épouse X..., et qu'il existe des doutes sur la cause de la mort ;

que, par l'ordonnance entreprise, ce magistrat a considéré qu'il n'y avait pas lieu à constater ladite prescription ; que, d'une part, définie comme un "mode d'extinction de l'action publique résultant du non-exercice de celle-ci avant l'expiration du délai fixé par la loi dont la survenance résulte du seul écoulement du temps", la prescription de l'action publique a pour double fondement la grande loi de l'oubli intervenu depuis la commission des faits et l'idée que la négligence de la partie poursuivante lui a fait, au terme d'un certain délai, perdre son droit à agir ; que l'oubli ainsi mis en oeuvre suppose que l'opinion publique ait eu, ou pu avoir connaissance de la commission d'une infraction ; que, corrélativement, la négligence exonératrice implique, pour être caractérisée, que le procureur de la République ait été initialement informé de la commission d'une infraction, ou de l'éventualité de celle-ci ; que tel n'est pas le cas lorsque la commission d'un crime est demeurée ignorée de tous et, au premier chef, du procureur de la République compétent ; que, sous ce regard, s'applique à l'action publique, comme à toute autre, le principe général du droit aux termes duquel la prescription ne court pas contre celui qui n'a pas été en mesure d'agir ; que nul ne saurait opposer au procureur de la République la prescription d'une action publique qu'il n'avait pas été jusqu'alors en mesure d'exercer faute d'avoir eu connaissance de l'éventuelle commission d'une infraction ; qu'ainsi, ne s'applique pas à l'espèce l'arrêt du 8 août 1994 cité par le conseil du mis en examen dans son mémoire alors que, dans cette hypothèse, ayant été immédiatement informé de l'homicide involontaire d'un piéton par un automobiliste, le procureur de la République se trouvait, dès cet instant, en mesure d'entreprendre des investigations et d'engager l'action publique corrélative pour meurtre ; que, d'autre part, il apparaît contradictoire de soutenir qu'il s'est écoulé un délai supérieur à dix ans sans qu'aucun acte d'enquête n'ait été effectué et que la date du décès de la victime demeure inconnue ; qu'il résulte de l'examen du présent dossier que la mère de la victime a, le 23 août 1994, engagé une procédure de recherche dans l'intérêt des familles ; qu'entendu le 3 octobre 1994 dans ce cadre, Abderrahmane X... n'a nullement fait part d'une quelconque inquiétude qui aurait pu conduire les policiers à saisir le procureur de la République, se contentant de leur dire que, "dès qu'il saurait quelque chose pouvant intéresser l'enquête, il leur ferait savoir" ; qu'il ressort encore de la procédure que, comme pour mettre fin aux recherches, une personne désirant garder l'anonymat a, le 5 décembre 1994, signalé le fait que la victime avait été aperçue à Montélimar -courant octobre 1994- dans une pharmacie ; que, s'étant rendus en cet endroit, les policiers avaient pu, apparemment au vu du registre ad hoc, établir qu'une personne s'y était, le 3 octobre et le 20 octobre 1994, présentée sous ce nom et à son adresse du Teil, alors même qu'Abderrahmane X... affirme aujourd'hui, dans son mémoire, qu'il "est évident que (son épouse) est décédée de façon concomitante à sa disparition puisque nul ne l'a plus jamais revue après le signalement effectué auprès des services de police en date du 13 juillet 1994 ;

qu'ainsi mis en examen, le mari de la victime ne saurait arguer de la prescription de l'action publique, alors qu'au temps de la disparition, le 13 juillet 1994, il s'est contenté d'une déclaration de main-courante au commissariat du Teil dont le procureur de la République ne pouvait, par hypothèse, être saisi ; qu'il a ainsi fait preuve d'une longue mais vigilante passivité qui l'a conduit à tenir le procureur de la République à l'écart de toute information sur l'éventualité d'un crime et d'une totale mais étonnante quiétude alors que venait de disparaître, dans des conditions dont il affirme aujourd'hui qu'elles étaient suspectes, son épouse, la mère de sa fille âgée de neuf mois ; que, dans ces circonstances, le procureur de la République n'a jamais été informé d'une disparition inquiétante d'un majeur ni, a fortiori, de l'éventuelle commission d'un crime ;

qu'au surplus, contrairement à ce que soutient le conseil du mis en examen, ce magistrat n'aurait pu légalement ordonner une enquête pour recherche des causes de la disparition inquiétante d'un majeur s'il en avait été avisé qu'à compter de la promulgation de la loi du 9 septembre 2002 qui a inséré, dans le code de procédure pénale, les dispositions de l'article 74-1 allégué ; qu'en cet état du droit et du fait, alors qu'il est patent que le procureur de la République n'a eu connaissance des faits de la cause qu'au temps de la découverte du cadavre de Magalie Y..., épouse X..., et n'a pas été en mesure d'agir antérieurement, la prescription de l'action publique a commencé à courir à cet instant ;

"1 ) alors qu'en matière de crime, l'action publique se prescrit par dix années révolues à compter du jour où le crime a été commis si, dans cet intervalle, il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite ; qu'en fixant le point de départ de la prescription à la date à laquelle le corps de Magalie Y..., épouse X..., a été découvert en raison de l'impossibilité d'agir dans laquelle le ministère public se serait trouvé antérieurement, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;

"2 ) alors que seul un obstacle de droit insurmontable est, éventuellement, de nature à suspendre la prescription de l'action publique ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, aucun obstacle de droit n'ayant placé le ministère public dans l'impossibilité d'agir à la suite du signalement le 13 juillet 1994 de la disparition de Magalie Y..., épouse X..." ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 8 septembre 2005, ont été découverts les ossements de Magalie Y..., épouse X..., dont la disparition avait été signalée aux services de police, par son mari, le 13 juillet 1994 ; que, le 12 septembre 2005, le ministère public a requis l'ouverture d'une information pour meurtre ; qu'Abderrahmane X... a été mis en examen de ce chef ; que le procureur de la République a saisi le juge d'instruction d'une demande tendant à constater la prescription de l'action publique au motif que plus de dix ans s'étaient écoulés sans qu'aucun acte de poursuite ou d'instruction ait été effectué ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction ayant rejeté cette demande, l'arrêt retient que le procureur de la République, ayant été tenu dans l'ignorance de la commission d'une éventuelle infraction, n'avait pas été en mesure d'exercer des poursuites avant le 8 septembre 2005 et ne pouvait dès lors se voir opposer la prescription de l'action publique ;

Attendu qu'en cet état, si c'est à tort que la chambre de l'instruction a retenu que le point de départ de la prescription avait été reporté à la date à laquelle le ministère public avait eu connaissance de la découverte du cadavre de Magalie X..., la censure n'est cependant pas encourue, dès lors qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que ni la date ni les causes de la mort de cette personne ne sont connues, de sorte que le point de départ de la prescription tel que fixé par l'article 7 du code de procédure pénale ne peut être déterminé à ce stade de l'information ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Beauvais conseiller rapporteur, M. Joly, Mme Anzani, MM. Beyer, Pometan, Mmes Palisse, Guirimand conseillers de la chambre, M. Valat, Mme Ménotti conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Charpenel ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-83963
Date de la décision : 19/09/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

HOMICIDE VOLONTAIRE - Action publique - Prescription - Délai - Point de départ.

PRESCRIPTION - Action publique - Délai - Point de départ - Homicide volontaire

ACTION PUBLIQUE - Extinction - Prescription - Délai - Point de départ - Homicide volontaire

Si c'est à tort qu'une chambre de l'instruction a retenu que le point de départ de la prescription de l'action publique avait été reporté à la date à laquelle le ministère public avait eu connaissance de la découverte du cadavre d'une personne dont la disparition avait été signalée plus de dix ans auparavant, la censure n'est cependant pas encourue, dès lors qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que ni la date ni les causes de la mort de cette personne ne sont connues, de sorte que le point de départ de la prescription tel que fixé par l'article 7 du code de procédure pénale ne peut être déterminé au stade initial de l'information ouverte pour meurtre.


Références :

Code de procédure pénale 7

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble (chambre de l'instruction), 12 mai 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 sep. 2006, pourvoi n°06-83963, Bull. crim. criminel 2006 N° 226 p. 796
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 226 p. 796

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Charpenel.
Rapporteur ?: M. Beauvais.
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, Me Spinosi.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:06.83963
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