AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 11 février 2004), que la société Velecta Paramount (société Velecta), titulaire d'un modèle de séchoir pour cheveux n° 813 572, déposé le 16 octobre 1981 auprès de l'Institut national de la propriété industrielle, a poursuivi judiciairement en contrefaçon de ce modèle, la société de droit italien Parlux fabriquant de deux modèles de sèche-cheveux et la société Comptoir d'achats et de représentation (société CAR) qui diffusait ces produits en France ; que ces sociétés ont reconventionnellement conclu à la caducité du dépôt du modèle ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Velecta fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en contrefaçon de modèle, alors, selon le moyen :
1 / qu'aux termes de l'article 7 de la loi du 14 juillet 1909 sur les dessins et modèles, dans sa rédaction applicable au litige, "la durée totale de la protection accordée par la présente loi au dessin ou modèle déposé est, sous la réserve et les conditions ci-après indiquées, de cinquante ans à partir de la date de dépôt; à l'expiration de la période des cinq premières années.... la boîte ou l'enveloppe renfermant sous scellés les objets pour lesquels la publicité n'a pas été requise avant ce terme, est restituée au déposant sur sa demande ; s'il veut maintenir son dépôt
... le déposant doit, avant l'expiration des susdites cinq années, requérir le maintien de ce dépôt" ; que l'article 26 du décret du 26 juin 1911, portant règlement d'administration publique pour l'exécution de la loi du 14 juillet 1909, disposait que les articles 12 à 18 de ce même décret étaient applicables aux réquisitions de prorogation de la durée des dépôts ; que l'article 12, alinéa 1, du décret susvisé prévoyait expressément la possibilité d'effectuer une réquisition "lors du dépôt" ;
qu'il se déduit des textes susvisés que la réquisition de prorogation pouvait être faite dès le dépôt ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 7 de la loi du 14 juillet 1909, ensemble les articles 12, 23 et 26 du décret du 26 juin 1911 ;
2 / que la déclaration de dépôt versée aux débats mentionnait clairement et précisément "durée.... du dépôt : réquisition de prorogation à vingt-cinq ans des dessins et modèles désignés ci-dessous" ; qu'en retenant que cette déclaration ne mentionnait que la perception d'une taxe de prorogation à 25 ans, et qu'ainsi la société Velecta ne justifiait pas avoir requis le maintien du dépôt avant l'expiration du délai de cinq ans prévu à l'article 7 de la loi du 14 juillet 1909, la cour d'appel a dénaturé la déclaration de dépôt susvisée et violé l'article 1134 du code civil ;
3 / que l'arrêt relève lui-même que la déclaration de dépôt mentionnait la perception d'une taxe de prorogation à vingt-cinq ans, ce dont il se déduisait nécessairement que la société Velecta avait requis cette prorogation ; qu'en jugeant néanmoins qu'elle ne justifiait pas avoir requis le maintien du dépôt avant l'expiration du délai de cinq ans prévu à l'article 7 de la loi du 14 juillet 1909, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé l'article 7 de la loi du 14 juillet 1909 ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 7, alinéa 3 , de la loi du 14 juillet 1909, applicable au dépôt litigieux, le déposant , s'il veut maintenir son dépôt, doit, avant l'expiration de la période des cinq premières années, requérir le maintien de ce dépôt ; qu'ayant déduit de ce texte que la formalité du dépôt n'accordait au déposant le bénéfice de la protection que pour une période de cinq ans, celui-ci ne pouvant dès ce dépôt, s'affranchir de la formalité de requérir le maintien de celui-ci par une première prorogation de vingt ans, peu important les demandes de publicité et de perception de la taxe de prorogation portée sur le formulaire de déclaration de dépôt, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui a constaté que la société Velecta qui n'avait pas sollicité le renouvellement du dépôt dans le délai légal, ne pouvait se prévaloir de la protection spécifique accordée aux modèles déposés conformément au texte susvisé, a statué comme elle a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Velecta fait encore reproche à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes en contrefaçon, alors, selon le moyen, que l'existence de ressemblances entre deux produits, de nature à caractériser une contrefaçon, s'apprécie in abstracto, et non du seul point de vue de professionnels ; qu'en jugeant que les produits litigieux n'auraient pas été contrefaisants, au motif inopérant pris de l'absence d'un risque de confusion dans l'esprit d'une clientèle de professionnels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-4 et L. 335-2 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que le risque de confusion s'appréciant au regard du consommateur auquel le produit est destiné, la cour d'appel, en retenant, après comparaison des produits en litige, que l'impression d'ensemble qui se dégageait de l'examen des modèles excluait tout risque de confusion dans l'esprit de la clientèle de professionnels auxquels ils étaient destinés, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que la société Velecta fait enfin grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable la demande qu'elle a formé à l'encontre du modèle dénommé "Parlux 3000", alors, selon le moyen, que les parties peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions pour faire juger les questions nées de la survenance ou de la révélation d'un fait ; qu'en jugeant que la demande concernant le modèle "Parlux 3000" était irrecevable, au motif qu'elle avait été formulée pour la première fois en appel, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce modèle avait été lancé "en cours de procédure" et s'il s'agissait ainsi de la survenance ou de la révélation d'un fait susceptible de rendre recevable un demande nouvelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 564 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que c'est à bon droit que la cour d'appel a déclaré irrecevable comme nouvelle la demande en contrefaçon du modèle Parlux 3000, modèle différent de ceux argués de contrefaçon, qui a été diffusé en cours de procédure ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Velecta Paramount aux dépens ;
Vu l'art. 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de la société Velecta Paramount, la condamne à payer aux sociétés Parlux SPA et CAR la somme globale de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille six.