AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six septembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de Me BLANC, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Eric,
- Y... Brigitte, épouse X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 4e chambre, en date du 13 décembre 2005, qui, pour tolérance habituelle de la prostitution dans un lieu ouvert au public, les a condamnés à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d'amende et a ordonné une mesure de fermeture d'établissement ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 225-10 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les époux X... coupables de tolérance habituelle de personnes se livrant à la prostitution ;
"aux motifs que les faits étaient parfaitement établis et entièrement reconnus par les deux prévenus ; qu'il résultait des surveillances effectuées et des déclarations de sept prostituées et quatre clients que les époux X... avaient toléré des faits de prostitution dans leur établissement ; que la fréquence de ces faits qui, loin d'être isolés, s'étaient déroulés de janvier à juin 2005, comme le nombre d'hommes en ayant été " gratifiés " contre rémunération, démontraient suffisamment leur caractère habituel ;
"alors, d'une part, que l'infraction suppose la connaissance par l'exploitant de l'hôtel de l'activité des personnes dont il aurait toléré habituellement la présence ; que, faute d'avoir caractérisé la connaissance par les prévenus de l'activité exercée par les personnes en question, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs ;
"alors, d'autre part, que les prévenus avaient, dans leurs conclusions, contesté avoir su que des personnes se livraient habituellement à la prostitution ; qu'en ayant énoncé que les faits poursuivis étaient entièrement reconnus par les prévenus, la cour d'appel a méconnu les termes du litige" ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de tolérance habituelle de la prostitution dans un lieu ouvert au public, les juges du second degré relèvent que les époux X... avaient fini par reconnaître au cours des débats avoir accepté, en toute connaissance de cause, de mettre des chambres de l'hôtel à la disposition de prostituées et de leurs clients, arguant de leurs difficultés financières pour justifier leur choix ;
Attendu qu'en cet état la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'ou il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles R. 51, 706-37 et 706-38 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la fermeture de l'hôtel " Le Normandie " pour une durée de six mois ;
"aux motifs qu'Eric X... était, lors des faits, président-directeur général de la société anonyme " Hôtel de Normandie ", propriétaire du fonds de commerce hôtelier ; que celle-ci n'avait pas à être citée par le ministère public en raison des poursuites engagées contre son propre président-directeur général avec indication de la nature des poursuites et de la possibilité pour le tribunal de prononcer la peine de fermeture de l'établissement ;
"alors que le ministère public doit faire connaître au propriétaire du fonds où est exploité l'établissement, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'engagement des poursuites et la décision intervenue ; qu'en ayant énoncé que la société anonyme " Hôtel de Normandie ", propriétaire du fonds de commerce, n'avait pas à être citée par le ministère public, étant précisé au surplus que, depuis le 28 septembre 2005, son président est la SAS D.L.U. et non plus Eric X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Vu l'article 706-38 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ce texte, les peines prévues par l'article 225-22 du code pénal, notamment la peine complémentaire de fermeture d'établissement, ne peuvent être prononcées que si la personne propriétaire du fonds a été citée à la diligence du ministère public ;
Attendu que, pour écarter le grief d'Eric X... qui faisait valoir que la société Hôtel de Normandie, propriétaire du fonds au moment de l'engagement des poursuites, n'avait pas été citée conformément aux dispositions de l'article 706-38 du code de procédure pénale, les juges du second degré énoncent que cette société n'avait pas à être citée par le ministère public dès lors que les poursuites étaient engagées contre son propre président-directeur général ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi alors que les auteurs des faits incriminés étaient des personnes physiques distinctes de la personne morale propriétaire du fonds, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, en date du 13 décembre 2005, en ses seules dispositions concernant la peine complémentaire de fermeture d'établissement , toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Chanet conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Corneloup conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;