AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, que Salim X..., âgé de 19 ans, alors qu'il se trouvait à bord d'un train de la SNCF, a ouvert une porte du convoi, après avoir actionné la manette permettant son déverrouillage, et a fait une chute mortelle sur la voie ferrée ; que sa mère ainsi que sa soeur et son frère (les consorts X...) ont assigné la SNCF en responsabilité et indemnisation devant le tribunal de grande instance, sur le fondement des articles 1147, 1382 et 1384, alinéa 1er, du code civil ;
Attendu que, pour débouter les consorts X... de leurs demandes fondées sur l'article 1384, alinéa 1er, du code civil, l'arrêt énonce que Salim X..., monté en gare de Rouen dans le train corail à destination de Paris, désirait descendre à la gare du Val de Reuil ; que, cependant, ce train était sans arrêt jusqu'à Paris ; que les passagers de la voiture où il se trouvait ont déclaré avoir vu, sur la plate-forme en bout de wagon, un jeune homme, alors qu'au moment où le train franchissait la gare de Val de Reuil, une sonnerie stridente se déclenchait ; qu'à l'arrivée en gare, il apparaissait que le système de plombage du verrou de la porte avait été forcé ; que le corps sans vie de Salim X... était découvert sur la voie ferrée peu après la gare de Val de Reuil, démuni de billet ; que l'enquête de gendarmerie a permis de penser que le jeune X... était parvenu à ouvrir cette porte et, soit avait voulu sortir volontairement du train, soit avait été happé par le souffle de l'air s'engouffrant dans le train à la vitesse retenue de 160 km/h à laquelle il circulait à cet instant ; que la SNCF, qui ne peut positionner devant chacune des portes des voitures un agent destiné à en surveiller l'ouverture ou la fermeture, a mis en place un système de fermeture automatique des portes qui ne peuvent s'ouvrir dès lors que le train a dépassé la vitesse de roulement de 7 km/h ; que cependant, et en cas de danger, elle a imaginé un système de neutralisation de cette fermeture automatique par un dispositif nécessitant de tirer sur une manette plombée placée sur la plate-forme près de la porte d'accès afin de permettre le déverrouillage de la porte ; qu'une alarme sonore avertit de la survenance de cette manoeuvre afin que le dispositif soit remis en service par la suite avec un nouveau plomb ; que les consorts X... ne rapportent pas la preuve que le système ainsi mis en place par la SNCF sur toutes les voitures de train corail présente un défaut de sécurité ou de conception, ce système ayant été conçu pour assurer la sécurité des voyageurs en cas de blocage des mécanismes électriques ; qu'en procédant à l'arrachage du plomb de protection alors qu'aucun danger n'était signalé sur ces portes ou dans le train, et en ouvrant volontairement ensuite la porte de la voiture pour en descendre alors que le train circulait à très grande vitesse, Salim X... a commis une faute qui est la cause exclusive de son dommage, son comportement revêtant pour la SNCF, gardien de la porte du train, les caractères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité de nature à l'exonérer de toute responsabilité ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs dont il résulte que le comportement de la victime ne présentait pas les caractères de la force majeure seule de nature à exonérer totalement la SNCF de sa responsabilité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 janvier 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée ;
Condamne la SNCF aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la SNCF à payer à la SCP Delaporte, Briard et Trichet la somme de 1 800 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille six.