AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que M. Cyril X..., né le 12 septembre 1981, a été reconnu successivement par son père, M. X... et par sa mère, Mme Y... ; que par requête du 31 janvier 2001, M. Cyril X..., devenu majeur, a saisi le juge aux affaires familiales aux fins d'obtenir la substitution du nom de sa mère à celui de son père sur le fondement de l'article 334-3 du code civil ;
Attendu que M. Cyril X... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 29 avril 2003) d'avoir déclaré irrecevable sa requête en changement de nom, alors, selon le moyen :
1 / que le juge statue en matière gracieuse lorsqu'en l'absence de litige il est saisi d'une demande dont la loi exige, en raison de la nature de l'affaire ou de la qualité du requérant, qu'elle soit soumise à son contrôle ; que l'enfant naturel devenu majeur peut dans les deux années de sa majorité demander son changement de nom au juge aux affaires familiales ; qu'en affirmant par a priori que seule la demande de changement de nom conjointement formée par les parents de l'enfant dans le cadre de l'article 334-2 du code civil présenterait un caractère gracieux et que "dans les autres cas de l'article 334-3 du code civil, l'objet de la demande de substitution du nom de l'un des parents par celui de l'autre est litigieux et présente un caractère contentieux", la cour d'appel a violé par refus d'application les dispositions de l'article 25 du nouveau code de procédure civile, ensemble et par fausse interprétation celles de l'article 334-3 du code civil ;
2 / que l'enfant naturel devenu majeur peut, dans les deux années de sa majorité, demander son changement de nom au juge aux affaires familiales ; qu'en l'espèce, il est constant que si Christian X... a reconnu son fils Cyril le jour même de sa naissance et avant que la mère de l'enfant ne le fasse, ce dernier n'a eu avec son père aucun contact ni lien affectif depuis l'âge de six ans ; qu'en déclarant dans ces conditions irrecevable la procédure gracieuse en changement de nom engagée par M. Cyril X..., désireux de porter le nom de sa mère, Béatrice Y..., sans rechercher si l'absence avérée de Christian X... durant toutes ces années n'était pas de nature à exclure toute éventualité de litige, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des dispositions de l'article 334-3 du code civil, ensemble celles de l'article 25 du nouveau code de procédure civile ;
3 / que M. Cyril X... exposait dans ses conclusions d'appel qu'il craignait légitimement qu'appelé à la procédure son père "ne se venge physiquement sur lui ou l'un de ses proches" ; qu'il soulignait en outre que le juge aux affaires familiales avait la possibilité, après analyse du dossier et s'il estimait effectivement nécessaire la présence du père à la procédure, d'entendre ce dernier ; qu'en s'abstenant de toute recherche à cet égard, qu'imposaient pourtant manifestement les spécificités de l'espèce et les risques de violences pouvant être sérieusement redoutés, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 25 et 27 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que si l'article 334-3 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 applicable à la cause permet à l'enfant naturel de solliciter, dans les deux années de sa majorité, la substitution du nom de l'un de ses parents à celui de l'autre, l'action, qui a pour objet de modifier le nom de famille résultant de l'ordre des reconnaissances, présente un caractère contentieux, le juge devant statuer en considération de l'ensemble des intérêts en cause ; qu'ayant constaté que M. Cyril X... avait sollicité le changement de son nom par voie de requête unilatérale en laissant délibérément son père dans l'ignorance de la procédure, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche invoquée au moyen, en a déduit à bon droit que cette demande était irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille six.