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04/07/2006 | FRANCE | N°04-19577

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 04 juillet 2006, 04-19577


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal de la Banque centrale populaire du Maroc que sur le pourvoi incident relevé par SCP Brouard Daude, liquidateur judiciaire de la société Etlafric ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que d'ordre de la société Etlafric, mise ultérieurement en liquidation judiciaire, la banque Barclays bank (la banque contre-garante) a émis, au profit de la Banque centrale populaire du Maroc (la BCPM) une contre-garantie autonom

e à première demande pour garantir la bonne exécution, par le donneur d'ord...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal de la Banque centrale populaire du Maroc que sur le pourvoi incident relevé par SCP Brouard Daude, liquidateur judiciaire de la société Etlafric ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que d'ordre de la société Etlafric, mise ultérieurement en liquidation judiciaire, la banque Barclays bank (la banque contre-garante) a émis, au profit de la Banque centrale populaire du Maroc (la BCPM) une contre-garantie autonome à première demande pour garantir la bonne exécution, par le donneur d'ordre, d'un contrat de fourniture conclu avec la société Martco ; qu'un litige étant né sur les modalités d'exécution du contrat de base, la société Etlafric a assigné la société Martco en paiement de dommages-intérêts ; que la cour d'appel de Paris a sursis à statuer sur ce litige, tandis que, par un autre arrêt devenu irrévocable, elle a jugé ni abusif ni frauduleux l'appel de la contre-garantie par la BCPM, à concurrence d' un montant partiel ;

que la Barclays bank, qui avait déclaré sa créance au passif de la société Etlafric, résultant d'une condamnation judiciaire de celle-ci à la rembourser du paiement intervenu, ainsi que la SCP Brouard Daude, liquidateur judiciaire de la société Etlafric, ont parallèlement réclamé, dans le cadre de la procédure sur l'exécution du contrat de base, la condamnation solidaire de la société Martco et de la BCPM, au paiement d'une certaine somme ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la BCPM fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir écarter des débats les conclusions signifiées au nom de l'intimée, la Barclays bank, le 22 mars 2004, jour de l'ordonnance de clôture, alors, selon le moyen :

1 / qu'après l'ordonnance de clôture aucunes conclusions ne peuvent être déposées à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ;

qu'en refusant d'écarter des débats les écritures de la contre-garantie dont elle a constaté qu'elles avaient été signifiées le jour même de l'ordonnance de clôture, sans relever qu'elles auraient été signifiées et déposées avant le prononcé de cette ordonnance, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 783 du nouveau code de procédure civile ;

2 / que saisie d'une demande tendant à voir écarter des débats des conclusions tardives, le juge peut seulement constater qu'elles ne le sont pas et que la partie a eu le temps d'y répondre, sans pouvoir apprécier la nécessité d'une réponse, ni la réponse que la partie devait ou pouvait donner, qu'en se refusant à écarter des débats les conclusions déposées par la contre-garantie le jour même de l'ordonnance de clôture pour la raison que les développements additionnels y contenus soit ne nuisaient pas à l'exposant, soit ne nécessitaient pas une réponse, la cour d'appel a violé les articles 16 du nouveau code de procédure civile et 6 de la Convention européenne de sauvegarde ainsi que les droits de la défense ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les dernières conclusions de la Barclays bank avaient été signifiées le jour de l'ordonnance de clôture, ce dont il résulte qu'elles sont présumées signifiées avant celle-ci et relevé que ces conclusions ne contenaient pas de moyens nouveaux nuisant à la BCPM ou nécessitant une réponse, la cour d'appel a souverainement retenu qu'elles avaient été produites en temps utile au sens des textes visés par le moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi incident :

Attendu que le liquidateur, ès qualités, fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir condamner la société Martco au paiement de la contre-valeur en euros de la somme de 196 000 dollars US en réparation du préjudice que lui a occasionné le retard de paiement de la société Martco dans la bonne exécution d'une vente ultérieure conclue avec une autre société en invoquant un défaut de réponse en violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu que ce grief ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que l'appel, sans fraude ni abus manifeste, de la garantie ou contre-garantie, fait obstacle à ce que le garant, ou contre-garant, demande, sur le fondement de l'inexécution par le bénéficiaire du contrat de base, la restitution de ce qu'il a versé en exécution de son obligation autonome ;

Attendu que pour condamner la BCPM, banque garante, à restituer à la banque contre-garante la somme de 457 078, 28 euros outre intérêts, l'arrêt énonce que les décisions irrévocables qui ont jugé l'appel en paiement ni abusif ni frauduleux n'ont concerné que la mise en oeuvre de cette contre-garantie sans trancher son bien fondé, qui dépend de l'existence ou de l'étendue de la créance invoquée par son bénéficiaire ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande du liquidateur, ès qualités, tendant à la condamnation solidaire de la BCPM et de la société Martco au paiement de la somme de 584 386,32 euros sur le fondement du contrat de base, l'arrêt retient que le préjudice du liquidateur, ès qualités, était seulement hypothétique, la déclaration de créance de la Barclays bank à son passif n'étant assimilée qu'à une demande en paiement ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'arrêt retient lui-même que la Barclays bank avait fait valoir la créance qu'elle détenait à l'encontre de la société Etlafric, en la déclarant à son passif, après avoir constaté que celle-ci résultait d'une condamnation par jugement à la rembourser ; qu'il retient encore que l'exécution défectueuse du contrat, exclusivement imputable au bénéficiaire, se trouvait à l'origine de la créance la Barclays bank à l'encontre de la société Etlafric ; qu'il en résulte que cette dernière était en droit d'exercer, sur le fondement du contrat de base, une action contre le bénéficiaire ou le garant en indemnisation ou en restitution des sommes provenant d'un paiement indu, dès lors qu'elle en était comptable vis-à-vis de la Barclays bank, de sorte que son préjudice n'était pas hypothétique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

Et sur le deuxième moyen du pourvoi incident :

Vu les articles 1149 et 1150 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande du liquidateur, ès qualités, tendant à la condamnation de la société Martco à supporter les frais financiers dus au retard de paiement de la cargaison durant 70 jours, soit la contre-valeur en euros de la somme de 113 648,48 dollars US outre intérêts, l'arrêt relève que ces frais financiers n'étaient pas visés par l'engagement de la société Martco relatif au coût d'escompte de la lettre de crédit, contenu dans le télex du 21 juin 1995 (1991) ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le paiement contractuellement convenu de la marchandise livrée, au moyen d'une lettre de crédit payable à vue émise par la société Martco, était intervenu avec retard, ce dont il résultait que l'acquéreur était tenu de réparer ces dommages prévisibles causés directement par le manquement à son obligation contractuelle, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la BCP du Maroc à payer à la société Barclays bank PLC, à titre de restitution, la somme de 457 078,28 euros, outre intérêts, en ce qu'il déboute la SCP Brouard Daude, ès qualités, de sa demande de condamnation de la BCP du Maroc et de la société Martco fondée sur le contrat de base au paiement de la somme de 584 386,32 euros à titre de dommages-intérêts, et en ce qu'il déboute la SCP Brouard Daude, ès qualités, de sa demande dirigée contre la société Martco tendant à sa condamnation à supporter ses frais financiers soit la contre-valeur en euros de la somme de 113 648,43 euros outre intérêts, l'arrêt rendu le 23 juin 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Barclays Bank PLC aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de la société Barclays bank PLC et la condamne à payer à la SCP Brouard Daude, ès qualités, la somme de 2 000 euros et à la BCP du Maroc la somme de 2000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 04-19577
Date de la décision : 04/07/2006
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

BANQUE - Garantie à première demande - Recours du donneur d'ordre contre le garant ou le bénéficiaire - Conditions - Préjudice - Donneur d'ordre en liquidation judiciaire - Créance déclarée du contre-garant - Portée

Le préjudice du donneur d'ordre en liquidation judiciaire, au passif duquel le contre-garant a déclaré sa créance résultant d'une condamnation au remboursement des sommes appelées en contre-garantie, n'est pas hypothétique, dès lors qu'il est comptable envers ce dernier de l'action qu'il était en droit d'exercer contre le garant, en indemnisation ou en restitution des sommes provenant d'un paiement indu, ou contre le bénéficiaire du contrat de base, auquel l'exécution défectueuse de ce contrat était imputable


Références :

1° :
1° :
3° :
Code civil 1134
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 6
Nouveau code de procédure civile 16, 783

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 juin 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 04 jui. 2006, pourvoi n°04-19577, Bull. civ.Bull. 2006, IV, n° 164, p. 178
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2006, IV, n° 164, p. 178

Composition du Tribunal
Président : M. Tricot
Avocat général : M. Jobard
Rapporteur ?: Mme Cohen-Branche
Avocat(s) : SCP Bachellier et Potier de la Varde, SCP Baraduc et Duhamel, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:04.19577
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