AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 29 septembre 2005), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 24 novembre 2004, Bull. 213), que M. Jean-Paul X... était titulaire de deux baux, l'un consenti par son père en 1966, portant sur une parcelle cadastrée ZC8, parcelle dont il était devenu pour partie propriétaire à la suite d'une donation-partage, l'autre partie étant attribuée à sa soeur Annie X..., et l'autre bail sur une parcelle ZC7, consenti en 1993 par les époux Georges et Annie X... ; que M. Jean-Paul X... est décédé le 12 septembre 1999, laissant pour héritier son fils Franck, né d'un premier mariage, et sa seconde épouse, Roselyne Y... ; que Annie X... et les époux Georges X... ont demandé que les baux soient attribués à Franck X... ; que Mme Y..., invoquant le bénéfice d'une clause de son contrat de mariage, a demandé qu'ils le soient à son profit ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1 / que les dispositions de l'article L. 411-34 du code rural autorisant en cas de décès du preneur d'un bail rural, sous certaines conditions, le conjoint survivant, les ascendants et descendants à poursuivre le bail et à en demander préférentiellement l'attribution par voie de partage, ne portent pas atteinte aux droits que possédait le défunt de disposer de son vivant de ses biens ou d'en régler l'attribution ultérieure ; qu'en outre, la licéité de la faculté d'attribution en propriété implique celle de la clause du contrat de mariage prévoyant l'octroi d'un bail sur des biens propres de l'époux décédé, et sur ceux constituant l'exploitation ; que, dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a procédé d'une violation des articles 1134, 1389 et 1390 du code civil et L. 411-34 du code rural ;
2 / que les dispositions relatives à la poursuite du bail en cas de décès du preneur ne sont pas concernées par l'ordre public de protection du statut du fermage et ne sauraient interdire au conjoint survivant de solliciter, préférentiellement, l'attribution du bail en application d'une clause de dévolution en cas de décès du conjoint insérée dans le contrat de mariage ; que dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a procédé d'une violation de l'article L. 411-34 du code rural ;
3 / qu'en statuant également comme elle l'a fait, sans même préciser en quoi les dispositions du régime matrimonial adopté par les époux X...-Y... étaient incompatibles avec celles de l'article L. 411-34 du code rural, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de ce texte et des articles 1134, 1389 et 1390 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu, à bon droit, que si, en application de l'article 1390 du code civil, les conventions matrimoniales conclues entre les époux sont licites et opposables à tous, le principe de la liberté des conventions matrimoniales ne peut faire obstacle au respect des dispositions d'ordre public contenues dans le statut du fermage et du métayage et notamment à celles de l'article L. 411-34 du code rural, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il lui appartenait de se prononcer en considération des intérêts en présence et de l'aptitude de chacun des demandeurs à gérer l'exploitation et à s'y maintenir ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne Mme Y... à payer aux consorts X... la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille six.