AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que Mme X..., revendiquant la qualité d'auteur de modèles de ceinture, et la société Céline, qui exploite ces modèles, ont fait pratiquer des saisies contrefaçon, puis agi en contrefaçon et concurrence parasitaire à l'encontre des sociétés SSL Infinitif, Marlène, SALM, Naf Naf boutiques, SSL, Morgan, CDT distribution, La Gadgeterie du Sentier, Vog Fournitures et SFASS, en leur reprochant d'avoir commercialisé, à bas prix, des ceintures de piètre qualité reproduisant les caractéristiques de ces modèles ; que la cour d'appel a déclaré l'action en contrefaçon irrecevable et rejeté l'action en concurrence parasitaire ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... et la société Céline font grief à l'arrêt d'avoir statué au vu des conclusions de la société CDT distribution signifiées le 22 septembre 2004, veille de l'ordonnance de clôture, alors, selon le moyen, que le juge doit en toutes circonstances faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction ; que le juge ne peut tenir compte de conclusions déposées la veille de l'ordonnance de clôture sans rechercher si elles ont été régulièrement versées aux débats et soumises à la discussion contradictoire des parties ; que la société CDT distribution a déposé le 22 septembre 2004, soit la veille de l'ordonnance de clôture, des écritures comportant une demande nouvelle tendant à voir prononcer la nullité de l'ensemble des saisies contrefaçon ; que par des écritures du 23 septembre 2004, la société Céline et Mme X... ont expressément demandé le rejet de ces dernières écritures en raison de la tardiveté de celles-ci, faisant obstacle à toute réponse de leur part ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si les conclusions déposées par la société CDT distribution la veille de l'ordonnance de clôture, n'avaient pas été déposées en violation du principe du contradictoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 15, 16, 135 et 783 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que le seul élément nouveau figurant dans les conclusions incriminées consistant en une demande d'annulation de saisie, que la cour d'appel n'a pas examinée ni moins encore accueillie, le moyen est inopérant ;
Sur la recevabilité du deuxième moyen contestée en défense :
Attendu que les sociétés SSL Infinitif et Naf Naf boutiques soutiennent que le moyen est irrecevable, comme étant nouveau ;
Mais attendu que la société Céline ayant contesté devant la cour d'appel le refus d'application par les premiers juges de la présomption attachée à l'exploitation des modèles en cause, le moyen est recevable ;
Sur le moyen :
Vu l'article L. 113-5 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu qu'en l'absence de revendication du ou des auteurs, l'exploitation d'une oeuvre par une personne morale sous son nom fait présumer, à l'égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l'oeuvre, qu'elle soit collective ou non, du droit de propriété incorporelle de l'auteur ;
Attendu que pour dire irrecevable l'action en contrefaçon de la société Céline, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que la présomption de titularité dont cette dernière se prévaut ne saurait être retenue dès lors qu'elle suppose l'absence de revendication de l'auteur de la création, ce qui n'est pas le cas de Mme X..., qui argue de son droit moral, que la société Céline avait le choix des moyens ayant conduit à la fixation de l'objet du litige, que dès lors qu'elle prétend tenir ses droits de Mme X..., elle ne peut être déclarée recevable à agir qu'à la condition que celle-ci justifie de ses propres droits en prouvant sa qualité d'auteur des modèles litigieux, qu'il n'est pas démontré que Mme X... a créé les deux modèles de ceinture, que sa présence aux débats ne saurait être regardée comme constitutive d'une telle preuve, et que la création des ceintures litigieuses par Mme X... n'étant pas établie, la société Céline est irrecevable à faire valoir les droits patrimoniaux qu'elle tient des actes de cession ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'était pas contesté que la société Céline exploitait les modèles sous son nom et que Mme X... ne faisait valoir aucune revendication contre elle, de sorte que cette société était présumée titulaire, à l'encontre des tiers poursuivis en contrefaçon, de droits indépendants de la réalité de la cession, comme de la présence de l'auteur aux débats ou du bien fondé de sa revendication personnelle au titre du droit moral, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 625, alinéa 2 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que cette cassation entraîne l'annulation par voie de conséquence de la disposition critiquée par le troisième moyen, qui, rejetant l'action en concurrence déloyale et parasitaire à défaut de preuve de faits distincts de ceux susceptibles de constituer cette contrefaçon, se rattache par un lien de dépendance nécessaire à la décision à intervenir sur la contrefaçon ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la société Céline en contrefaçon, et rejeté son action en concurrence déloyale et parasitaire, l'arrêt rendu le 29 octobre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les sociétés Infinitif, Marlène, SALM, Naf Naf boutiques, SSL, Morgan, CDT distribution, La Gadgeterie du Sentier, Vog fournitures et SFASS aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés Morgan, SSL et Naf Naf boutiques ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille six.