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14/06/2006 | FRANCE | N°05-13090

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 14 juin 2006, 05-13090


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 16 décembre 2004) et les productions, qu'à partir de 1996, plusieurs anciens salariés de la société Everite, ou leurs ayants droit, ont engagé des actions contre cette société pour que sa faute inexcusable soit constatée, en raison d'affections contractées du fait de l'exposition à l'amiante, soit en saisissant les caisses primaires d'assurance maladie, soit les tribunaux des affaires de sécurité sociale compétents, d'action

s fondées sur les articles L. 145-1 et suivants du code de la sécurité social...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 16 décembre 2004) et les productions, qu'à partir de 1996, plusieurs anciens salariés de la société Everite, ou leurs ayants droit, ont engagé des actions contre cette société pour que sa faute inexcusable soit constatée, en raison d'affections contractées du fait de l'exposition à l'amiante, soit en saisissant les caisses primaires d'assurance maladie, soit les tribunaux des affaires de sécurité sociale compétents, d'actions fondées sur les articles L. 145-1 et suivants du code de la sécurité sociale, et ce, afin d'obtenir, d'une part, la majoration de la rente maladie professionnelle qui leur était versée par les organismes de sécurité sociale, d'autre part, la réparation de leurs préjudices personnels ; que la société Everite a été successivement assurée, au titre de sa responsabilité civile, du 2 décembre 1959 au 31 décembre 1981, auprès de la société MGFA, aux droits de laquelle est venue la société Mutuelles du Mans assurances (MMA), puis du 1er janvier 1983 au 1er juillet 1992, auprès de la société UAP, devenue société Axa corporate solutions assurances (Axa), et enfin, à compter de cette date, auprès de la société Winterthur, aux droits de laquelle est venue la société XL Insurance Company Limited ; que la société Everite qui a sollicité la garantie des sociétés d'assurances auprès desquelles elle avait successivement souscrit ces diverses polices, s'étant heurtée à un refus de garantie, les a assignées devant le tribunal de grande instance, ainsi que leurs coassureurs et assureurs de deuxième et de troisième lignes en exécution de leurs engagements ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident, qui est préalable :

Attendu que la société Axa et ses coassureurs font grief à l'arrêt d'avoir retenu le principe de leur garantie et de les avoir, en conséquence, condamnés à garantir la société Everite pour toutes les réclamations figurant en annexe II de l'arrêt, alors, selon le moyen :

1 / que l'assurance de responsabilité perd son caractère aléatoire dès lors que l'assuré, en souscrivant le contrat, connaît les faits susceptibles d'entraîner des réclamations à son encontre ; qu'en se fondant sur le fait inopérant que la société Everite ne pouvait pas savoir si un recours serait effectivement engagé contre elle par ses salariés, la cour d'appel a violé l'article 1964 du code civil ;

2 / qu'en ne recherchant pas si la société Everite pouvait ignorer, au moment de la signature du contrat, avoir commis des fautes inexcusables susceptibles d'engager sa responsabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1964 du code civil ;

3 / qu'en s'abstenant de répondre au moyen tiré par les sociétés d'assurances de l'inapplicabilité des clauses de garantie de faute inexcusable du fait de l'existence d'un passé connu par l'employeur, la cour d'appel a méconnu les obligations de motivation qui s'imposaient à elles en application de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la condamnation de l'employeur, quand bien même il aurait eu connaissance de l'existence de maladies avant la souscription de la police d'assurance, n'était pas inéluctable, puisqu'elle supposait que les victimes engagent leur action avant l'expiration du délai de prescription biennale, et prouvent que l'employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel elles étaient exposées, n'avait pas pris les mesures nécessaires pour les en préserver ; que le risque assuré n'est pas la maladie elle-même, qui représente le sinistre de la victime, mais la mise en oeuvre de la responsabilité de l'entreprise ;

Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit l'existence de l'aléa inhérent aux contrats au sens des textes précités ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Everite fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande de prise en charge par les assureurs des sommes qu'elle a dû verser aux salariés ayant contracté une maladie professionnelle en relation avec l'inhalation de poussières d'amiante, alors, selon le moyen :

1 / que les dispositions de la loi du 27 janvier 1987 autorisant l'employeur à s'assurer contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable peuvent, si la convention le prévoit, s'appliquer à des fautes antérieures à leur entrée en vigueur ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée, si en vertu des polices souscrites par la société Everite, l'assureur n'était pas tenu de couvrir les conséquences financières des fautes commises avant l'entrée en vigueur de la loi du 27 janvier 1987, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil et de l'article 33-II de la loi du 27 janvier 1987, aujourd'hui codifié à l'article L. 452-4 du code de la sécurité sociale ;

2 / que dans ses dernières écritures d'appel, la société Everite avait fait valoir qu'en application de la garantie subséquente stipulée à l'article 5 de la police n° 9.100.664 Z dans sa rédaction applicable à compter du 1er juillet 1989, l'assureur devait sa garantie pour l'ensemble des salariés ayant été exposés aux fibres d'amiante jusqu'au 1er juillet 1999 ; qu'en limitant le bénéfice de la garantie d'Axa aux salariés qui ont été exposés aux fibres d'amiante avant le 1er juillet 1992, sans répondre au moyen précité, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

3 / qu'en s'abstenant de provoquer un débat contradictoire sur le moyen qu'elle relevait d'office, pris de ce que la loi du 1er août 2003 n'obéit à aucun motif impérieux d'intérêt général, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau code de procédure civile ;

4 / que l'application rétroactive de l'article 80 de la loi du 1er août 2003 repose sur deux impérieux motifs d'intérêt général, le premier consistant à remédier à l'insécurité juridique résultant de l'invalidation des conventions subordonnant la garantie de l'assureur de responsabilité civile à l'intervention d'une réclamation de la victime au cours de la période de validité du contrat, le second, à éviter la généralisation du refus des assureurs de garantir ce type de risque ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par fausse application et l'article 80 de la loi du 1er août 2003 par refus d'application ;

Mais attendu que c'est par une interprétation souveraine, exclusive de toute dénaturation de la clause litigieuse, que la cour d'appel, sans violer le principe de la contradiction, a déterminé le champ, ainsi que les conditions de la mise en oeuvre de la garantie, au regard de la commune intention des parties et des dispositions légales applicables au moment de la souscription de la police ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Everite fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande d'indemnisation pour les sommes qu'elle a du verser à ceux de ses salariés ayant contracté une maladie professionnelle en relation avec l'inhalation de poussières d'amiante, dont l'exposition aux fibres d'amiante a cessé après l'entrée en vigueur de la loi du 27 janvier 1987 autorisant les employeurs à s'assurer pour les conséquences financières de leur propre faute inexcusable, et dont l'affection a été médicalement constatée avant cette date, alors, selon le moyen, que la faute inexcusable reprochée à l'employeur résulte de la seule exposition des salariés aux poussières d'amiante, indépendamment de la constatation médicale de l'affection qui en a résulté ; qu'en écartant la garantie de l'assureur pour les salariés dont l'affection a été médicalement constatée avant l'entrée en vigueur de la loi du 27 janvier 1987 mais dont l'exposition aux poussières d'amiante s'est poursuivie au-delà de cette date, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil et l'article 33-II de la loi du 27 janvier 1987, aujourd'hui codifié à l'article L. 452-4 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que l'arrêt énonce que la loi du 27 janvier 1987 a accordé à l'employeur une possibilité qu'il n'avait pas antérieurement en ce qui concerne l'assurance de sa propre faute inexcusable, et que cette disposition créatrice de droits nouveaux ne peut s'appliquer à des fautes antérieures à l'entrée en vigueur de ce texte qui ne contient aucune dérogation expresse au principe de non-rétroactivité de la loi posé par l'article 2 du code civil ; que la cour d'appel en a exactement déduit que la société Everite ne pouvait rechercher la garantie de la société Axa pour tous les salariés dont l'exposition aux poussières d'amiante avait pris fin avant l'entrée en vigueur de la loi du 27 janvier 1987, ou dont la première constatation médicale de la maladie professionnelle avait eu lieu avant cette date, ces deux événements étant de nature à révéler l'existence d'une faute inexcusable, inassurable à cette époque ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen du pourvoi incident :

Attendu que la société Axa et ses coassureurs font grief à l'arrêt d'avoir dit que la répartition de la charge totale des frais de défense entre les MMA et Axa s'effectuerait selon les règles proportionnelles prévues par l'article L. 121-4, alinéa 5, du code des assurances, alors, selon le moyen :

1 / qu'il y a cumul d'assurances lorsqu'une personne est assurée auprès de plusieurs assureurs pour un même intérêt, contre un même risque ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que les MMA accordaient leur garantie pour les frais de défense exposés par la société Everite, c'est-à-dire à payer une somme d'argent, tandis qu'Axa s'était engagée à assumer la défense de la société Everite, c'est-à-dire à remplir une obligation de faire ; qu'en estimant que l'on était en présence d'assurances cumulatives, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 124-1 du code des assurances ;

2 / que le cumul d'assurances suppose que les garanties aient été en vigueur en même temps, lors du sinistre ; qu'en ne recherchant pas, comme les conclusions d'Axa l'y invitaient, si les contrats conclus par la société Everite avec les MMA et avec Axa n'avaient pas ouvert des garanties qui s'étaient succédé dans le temps, ce qui excluait qu'elles puissent se cumuler, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 124-1 du code des assurances ;

Mais attendu que l'arrêt retient que les deux polices UAP prévoient, à leur article 8, que l'assureur s'engage à assumer la défense de l'employeur assuré dans les actions amiables ou judiciaires fondées sur l'article L. 468 du code de la sécurité sociale, désormais articles L. 452-1 à L. 452-4, et dirigées contre lui en vue d'établir sa propre faute inexcusable ; que la cour d'appel en exactement déduit que cette clause de défense recours s'appliquait indépendamment du fait de savoir si la faute inexcusable de l'employeur était pour Axa un événement assurable ou non ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Everite et les demandeurs au pourvoi incident aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette l'ensemble des demandes présentées de ce chef ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 05-13090
Date de la décision : 14/06/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Contrat d'assurance - Conditions - Aléa - Caractérisation - Office du juge - Etendue - Détermination - Portée.

1° ASSURANCE (règles générales) - Contrat d'assurance - Aléa - Appréciation souveraine.

1° Caractérise l'aléa inhérent au contrat d'assurance la cour d'appel qui retient que l'assurance de la faute inexcusable de l'employeur autorisée par la loi du 27 janvier 1987, porte sur la mise en oeuvre de la responsabilité de l'entreprise, et non sur la maladie dont pouvaient être atteints certains salariés à la date de la souscription, de telle sorte qu'au jour de la souscription la connaissance qu'avait l'employeur de l'existence de cas de maladie professionnelle avérés chez certains salariés ne privait pas la garantie de tout aléa.

2° LOIS ET REGLEMENTS - Non-rétroactivité - Principe - Domaine d'application - Portée.

2° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Contrat d'assurance - Loi du 27 janvier 1987 - Application dans le temps - Condition.

2° La loi du 27 janvier 1987 ne dérogeant pas au principe de non rétroactivité de la loi posé par l'article 2 du code civil, l'assuré ne peut rechercher la garantie de l'assureur pour les salariés dont l'exposition aux poussières d'amiante avait pris fin avant l'entrée en vigueur de cette loi ou dont la première constatation médicale de la maladie professionnelle avait eu lieu avant cette date, ces deux événements étant de nature à révéler l'existence d'une faute inexcusable, inassurable antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi précitée.


Références :

2° :
2° :
Code civil 2
Code de la sécurité sociale L452-4
Loi 87-39 du 27 janvier 1987 art. 33 II

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 16 décembre 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 14 jui. 2006, pourvoi n°05-13090, Bull. civ. 2006 II N° 162 p. 154
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 II N° 162 p. 154

Composition du Tribunal
Président : Président : Mme Favre.
Avocat général : Avocat général : M. Benmakhlouf.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Lafargue.
Avocat(s) : Avocats : SCP Defrenois et Levis, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Nicolay et de Lanouvelle, Me Odent, Me Ricard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.13090
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