AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Bulent,
- X... Levent,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 24 janvier 2006, qui, dans l'information suivie contre eux pour infractions à la législation sur les stupéfiants, a rejeté leur requête en annulation d'actes de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 mai 2006 où étaient présents : M. Canivet premier président, président, M. Cotte président de chambre, Mme Caron conseiller rapporteur, M. Le Gall, Mme Chanet, M. Pelletier, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Corneloup, Mme Radenne conseillers de la chambre, M. Sassoust conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Fréchède ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON, les observations de Me SPINOSI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE, l'avocat des demandeurs ayant eu la parole en dernier ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 31 mars 2006, joignant les pourvois en raison de la connexité et prescrivant leur examen immédiat ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 170, 171, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête tendant à l'annulation des pièces visées au réquisitoire introductif et versées au dossier de la procédure par le ministère public ;
"aux motifs qu'"il n'appartient pas à la chambre de l'instruction d'apprécier la régularité d'actes de la procédure accomplis dans le cadre d'une instruction étrangère au dossier dont elle est saisie" ;
"alors que, le droit au procès équitable impose, au titre des droits de la défense, que "l'accusé" à qui est opposé un élément de preuve qu'il estime avoir été obtenu de manière illégale puisse en contester l'utilisation et accéder à un juge en mesure, le cas échéant, d'écarter cette pièce des débats ; qu'en refusant d'examiner le moyen pris de la nullité d'ordre public de certaines pièces de la procédure pour avoir été recueillies par un juge d'instruction aux termes d'une commission rogatoire visant des faits pour lesquels il n'avait pas été saisi, au seul motif que ces actes avaient été accomplis dans le cadre d'une procédure étrangère au dossier dont elle était saisie, la chambre de l'instruction a privé les demandeurs du droit de faire juger de l'irrégularité des pièces qui leur étaient opposées et, partant, a porté une atteinte illégitime aux droits de la défense et d'accès à un juge de pleine juridiction ;
"alors qu'en tout état de cause le droit au respect de la vie privée et la nécessité qui en résulte d'assurer "un contrôle efficace" des mesures visant à l'interception des correspondances émises par voie de télécommunication, imposent à une juridiction d'instruction, saisie d'une demande d'annulation d'un procès-verbal de transcription d'une conversation téléphonique provenant d'une procédure étrangère à l'information dont elle à la charge, d'apprécier la régularité des opérations ayant permis cette transcription et, le cas échéant, d'annuler le procès-verbal dont ces opérations constituent le support nécessaire ; qu'en refusant d'examiner la demande d'annulation des pièces versées au dossier parmi lesquelles figuraient des procèsverbaux transcrivant des conversations téléphoniques (requête en nullité, p. 5, 4 - pièces D. 295, D. 321 et D. 323), la chambre de l'instruction a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme tel qu'il a été interprété par la Cour européenne dans sa décision Y... contre France du 20 mars 2005" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que les investigations effectuées sur commission rogatoire dans le cadre d'une information ouverte à Draguignan, le 4 janvier 2004, à la suite de l'incendie volontaire d'un véhicule dont le conducteur avait été gravement brûlé, ont révélé que ces faits étaient liés à un trafic de cannabis ; qu'au vu d'un rapport de police accompagné de procès-verbaux établis dans la procédure criminelle, le procureur de la République de Draguignan a ouvert, le 8 mars 2004, une nouvelle information pour trafic de stupéfiants ; que le juge d'instruction, saisi des deux dossiers, a ordonné ultérieurement, à plusieurs reprises, le versement, dans cette procédure, de pièces de l'information portant sur les faits criminels ;
Attendu que, pour rejeter le moyen d'annulation, proposé par Bulent et Levent X..., mis en examen dans la seule information pour trafic de stupéfiants, et pris de l'irrégularité du réquisitoire introductif, en ce qu'il serait fondé sur des actes accomplis dans la procédure distincte sur des faits dont le juge d'instruction n'était pas saisi, l'arrêt attaqué constate qu'au cours de l'exécution de la commission rogatoire délivrée dans le dossier criminel, destinée à rechercher les causes et à identifier les auteurs de l'incendie volontaire, les investigations conduites par les policiers, notamment les auditions auxquelles ils ont procédé, ont révélé que ces faits auraient eu pour origine un différend financier opposant les protagonistes d'un trafic de stupéfiants organisé à Fréjus par un dénommé Chrys Z... ; que ces éléments ont fait l'objet d'un rapport de police, auquel étaient joints des procès-verbaux établis en exécution de ladite commission rogatoire, qui a été communiqué au procureur de la République, lequel a décidé d'ouvrir une nouvelle information pour infractions à la législation sur les stupéfiants ; que les juges, rappelant que Bulent et Levent X... n'ont fait l'objet d'aucune mesure coercitive et n'ont pas même été visés ou concernés par les actes accomplis dans le dossier criminel, retiennent qu'ils ne sont, dès lors, pas recevables à contester la régularité de certains d'entre eux ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, l'arrêt attaqué n'encourt pas la censure dès lors que, d'une part, les demandeurs n'allèguent pas avoir été privés de la possibilité de contrôler une atteinte à l'un de leurs droits qui aurait été commise dans la procédure distincte à laquelle ils n'ont pas été partie et que, d'autre part, il n'est pas établi que les éléments provenant d'une autre information et versés dans la procédure ayant donné lieu à leur mise en examen ont été illégalement recueillis ;
D'où il suit que le moyen, en partie nouveau et comme tel irrecevable, en ce qu'il critique la régularité, au regard notamment de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, d'interceptions de communications téléphoniques, non contestée par les demandeurs devant la chambre de l'instruction, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit juin deux mille six ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;