AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° W 04-46.587, E 04-46.664, J 04-46.668 et T 04-46.791 ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 521-1 du code du travail et les articles L. 621-22, L. 621-62 et L. 621-78 du code de commerce ;
Attendu que MM. X..., Y...
Z...
A..., B... et C...
D..., salariés de la société Technopur qui a été placée en redressement judiciaire par jugement rendu le 15 mai 2002 par le tribunal de commerce de Romans puis a bénéficié d'un plan de redressement par continuation par jugement rendu le 13 novembre 2002, ont participé à un mouvement de grève en janvier 2004 motivé par le retard répété de paiement de leurs salaires ; que soutenant qu'ils avaient été contraints de recourir à la grève en raison des manquements de leur employeur à ses obligations, ils ont saisi la juridiction prud'homale, statuant en la forme des référés, pour être indemnisés de la perte de salaires éprouvée par eux du fait des arrêts de travail ;
Attendu que pour débouter les salariés de leurs demandes, le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye a énoncé que si l'article L. 521-1du code du travail dispose que la grève ne rompt pas le contrat de travail, les salariés en grève ayant cessé d'exécuter la prestation de travail, l'employeur n'a pas à régler les salaires et les indemnités de déplacement dépourvues de toute contrepartie, quels que soient les motifs, même légitimes, ayant entraîné cette grève ;
Attendu cependant que dans le cas où les salariés se trouvent dans une situation contraignante telle qu'ils sont obligés de cesser le travail pour faire respecter leurs droits essentiels, directement lésés par un manquement grave et délibéré de l'employeur à ses obligations, celui-ci peut être condamné à payer aux grévistes une indemnité correspondant à la perte de leur salaire ;
Qu'en statuant comme il l'a fait, alors que constitue un manquement délibéré de l'employeur à ses obligations le retard dans le paiement des salaires lorsqu'il bénéficie d'un plan de redressement par continuation qui met fin à la période d'observation et fait recouvrir au débiteur la totalité de ses droits, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en leur entier, les ordonnances de référé rendues le 15 juin 2004, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdites ordonnances et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Versailles ;
Condamne la société Technopure aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des ordonnances de référé cassées ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille six.