AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... engagé en janvier 1993 en qualité de responsable de la filiale Dickson Constant Italie a été licencié pour faute grave par lettre du 4 décembre 2001, l'employeur lui reprochant d'avoir, en juillet 2001, revendu son véhicule de fonction à un membre de sa famille à un prix nettement inférieur à son estimation ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est reproché à la cour d'appel d'avoir dit que le licenciement du salarié reposait sur une faute grave et de l'avoir débouté de ses demandes en paiement d'indemnité et de dommages-intérêts afférents à cette rupture, alors, selon le moyen :
1 / que l'employeur avait eu nécessairement connaissance en juillet 2001 de la cession du véhicule, objet de la facture émise par Dickson Constant, et des travaux de sécurité effectués et facturés le même mois ; qu'ainsi en décidant que les faits reprochés au salarié, à les supposer fautifs, n'étaient pas prescrits, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 122-44 du Code du travail ;
2 / que la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis doit être sanctionnée immédiatement ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui relevait que l'employeur avait au moins eu connaissance des faits reprochés à M. X... lors d'un audit de contrôle des 24 et 25 octobre 2001, et constatait que M. X... avait été convoqué à l'entretien préalable à son licenciement le 27 novembre et avait été licencié le 12 décembre, n'a pas tiré de ses constations les conséquences qui s'en évinçaient légalement et a violé les articles L. 122-8, L. 122-9 et L. 122-14-4 du Code du travail ;
3 / que la seule circonstance que M. X... aurait vendu son véhicule de fonction à un prix inférieur, compte tenu des travaux de remise en état effectués préalablement à la vente, au prix de reprise proposé par le concessionnaire, ne suffisait pas à caractériser une faute grave ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a encore violé les articles L. 122-8, L. 122-9 et L. 122-14-4 du Code du travail ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a retenu que l'employeur n'avait pas eu connaissance des faits reprochés au salarié plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement et qu'il avait engagé celle-ci dans un délai restreint après avoir eu connaissance de ces faits ;
Et attendu qu'ayant relevé que M. X... avait fait effectuer, sur le compte de la société, alors qu'ils lui incombaient, des travaux de remise en état du véhicule préalablement à sa revente, c'est en toute connaissance de cause qu'il l'a cédé à un membre de sa famille moyennant un prix nettement inférieur à son estimation, la cour d'appel a pu décider qu'il avait commis une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen qui n'est pas nouveau :
Vu l'article L. 122-14 du Code du travail ;
Attendu, selon ce texte dans sa rédaction applicable à la date des faits, que l'employeur, ou son représentant, qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute décision, convoquer l'intéressé par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge en lui indiquant l'objet de la convocation ; que c'est la date de remise de cette convocation écrite qui doit être prise en compte pour apprécier si le salarié a pu disposer d'un délai suffisant pour préparer l'entretien et s'y faire assister ;
Attendu qu'en décidant que, malgré la remise à M. X... d'une convocation écrite le jour même de l'entretien qui s'était déroulé à neuf heures, il convenait de retenir qu'en raison de l'éloignement de son lieu de travail et du fait qu'il avait sollicité et obtenu de l'employeur que son père puisse l'assister à l'entretien préalable, le salarié avait nécessairement eu connaissance de cette convocation antérieurement et avait disposé d'un délai suffisant pour se préparer à l'entretien, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en ce qu'il a décidé que la convocation du salarié à l'entretien préalable à son licenciement étant régulière, il n'avait pas droit à des dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement, l'arrêt rendu le 26 novembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société Dickson Constant aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Dickson Constant à payer à M. X... la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille six.