AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Com, 3 décembre 2002, pourvoi n° 01-03.027), que la société Mini Maxi (l'importateur) a importé diverses marchandises dans un département d'outre-mer entre le 17 juillet 1992 et le 30 juin 1993 et acquitté à ce titre l'octroi de mer et sa taxe additionnelle ; que ces taxes ayant été déclarées incompatibles avec le droit communautaire par la Cour de justice des Communautés européennes, l'importateur a demandé, par réclamation, puis en faisant assigner le directeur général des Douanes et Droits indirects devant le tribunal d'instance, le remboursement des sommes payées à ce titre ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'importateur fait grief à l'arrêt d'avoir dit que l'octroi de mer, tel qu'il résulte de la loi n° 84-747 du 2 août 1984, était compatible avec le Traité instituant la Communauté européenne et d'avoir, en conséquence, ordonné le remboursement de l'octroi de mer perçu pour l'importation des produits en provenance des pays tiers dans la double limite de l'éventuelle augmentation de ce droit depuis le 1er juillet 1968 et de la part non répercutée sur les acheteurs, alors, selon le moyen, que l'octroi de mer institué par la loi n° 84-747 du 2 août 1984 modifie les caractéristiques essentielles de la taxation résultant de la loi du 11 janvier 1892, en particulier en mettant la taxation à la charge de la personne qui met la marchandise à la consommation ; qu'en retenant que les caractéristiques essentielles de la taxe litigieuse n'avaient pas été modifiées par la loi du 2 août 1984, la cour d'appel a violé les deux textes précités ;
Mais attendu que le moyen, qui ne fait qu'affirmer l'existence d'une modification des caractéristiques essentielles de la taxe en cause sans préciser les fondements de cette allégation, dès lors que la loi du 11 janvier 1892 sur lequel il repose ne fixe pas de telles caractéristiques, ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu les principes du droit communautaire applicables au remboursement d'impositions contraires à ce droit ;
Attendu que la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit (C-147/01, arrêt du 2 octobre 2003, Weber's Wine World) que les règles du droit communautaire relatives à la répétition de l'indu doivent être interprétées en ce sens qu'elle s'opposent à une réglementation nationale qui refuserait le remboursement d'une taxe incompatible avec le droit communautaire au seul motif que celle-ci a été répercutée sur les tiers, sans exiger que soit établie la mesure de l'enrichissement sans cause qu'engendrerait pour l'assujetti le remboursement de cette taxe, dès lors que, même dans l'hypothèse où la taxe serait complètement intégrée dans le prix pratiqué, l'assujetti peut subir un préjudice lié à une diminution de volume de ses ventes ; qu'elle en a déduit que l'existence et la mesure de l'enrichissement sans cause que le remboursement d'une imposition indûment perçue au regard du droit communautaire engendrerait pour un assujetti doivent être établies par l'administration au terme d'une analyse économique tenant compte de toutes les circonstances pertinentes ;
Attendu que, pour limiter à la part non répercutée le remboursement de l'octroi de mer et de la taxe additionnelle perçus pour l'importation de produits en provenance des Etats membres et des pays tiers, l'arrêt retient que le droit communautaire fait obstacle à la restitution des taxes indûment perçues lorsqu'elles ont été répercutées sur l'acheteur et que l'article 352 bis du Code des douanes, en ce qu'il subordonne la restitution de ces taxes à la condition qu'elles n'aient pas été répercutées sur les acheteurs, est conforme au droit communautaire ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les principes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt (n° 03/00670) rendu le 11 janvier 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne le directeur général des Douanes et Droits indirects aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande du directeur général des Douanes et Droits indirects et le condamne à payer à la société Mini Maxi la somme de 1 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille six.