COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 92Z 0A Chambres commerciales réunies ARRET Nä CONTRADICTOIRE DU 11 JANVIER 2005 R.G. Nä 03/00692 AFFAIRE : PHOTOCOLOR EXPRESS ... C/ DIRECTEUR DES DOUANES ET DES DROITS INDIRECTS Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Décembre 1997 par le TI de PARIS 7 Nä Chambre : Nä Section : Nä RG :
Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : Me RICARD SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LE ONZE JANVIER DEUX MILLE CINQ, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDERESSES devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) du 3/12/2002 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris (1ère B) le 15/12/2000 Société PHOTOCOLOR EXPRESS Morne Portuaire Carrefour Marina 97110 POINTE A PITRE (GUADELOUPE) Société BAMY PHOTOS venant aux droits de la sté PHOTOCOLOR EXPRESS Petit Pérou 97139 LES ABYMES représentées par Maître Claire RICARD, avoué assistées de Maître MORAINE, avocat au barreau de Nanterre DEFENDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI Monsieur le DIRECTEUR DES DOUANES ET DES DROITS INDIRECTS 23 rue de l'Université 75007 PARIS représenté par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués assisté de Maître DE FABREGUES, avocat au barreau de Paris Composition de la cour : A l'audience solennelle du 26 Octobre 2004, Monsieur Jean BESSE a été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Jean BESSE, président, Madame Dominique ANDREASSIER, conseiller, Monsieur André CHAPELLE, conseiller, Madame Marie-José VALANTIN, conseiller, Monsieur Bruno DEBLOIS, conseiller, qui en ont délibéré, Greffier, lors des débats : Madame Agnès ANGELVY X... la communication de l'affaire au ministère public en date du 7/06/2004 ; 5La Société PHOTOCOLOR EXPRESS a importé diverses marchandises
dans un département d'Outre-mer entre le 17 juillet 1992 et le 31 décembre 1992. A cette occasion, le Service des Douanes et des Droits indirects a perçu la taxe d'octroi de mer et la taxe additionnelle, pour un montant total de 172.749 francs, soit 26.335,42 euros. La perception de ces droits ayant été déclarée contraire au droit communautaire par la Cour de Justice des Communautés Européennes, la Société PHOTOCOLOR EXPRESS en a demandé le remboursement d'abord par réclamation au Service des douanes, puis en faisant assigner le Directeur général des Douanes et des Droits indirects, devant le Tribunal d'instance du 7ème arrondissement de Paris. Par jugement en date du 2 décembre 1997, cette juridiction a - rejeté la demande en annulation de l'acte introductif d'instance - rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription triennale en matière de douanes, - rejeté sur le fond la demande de remboursement des taxes payées sur les produits en provenance des états non membres de la Communauté Européenne, - dit que les conditions de restitution des taxes pour les marchandises en provenance d'autres départements français et des pays membres de la Communauté européenne étaient remplies, notamment la condition de non-répercussion des taxes sur les acheteurs, - débouté cependant la Société PHOTOCOLOR EXPRESS de sa demande en paiement au motif que celle-ci était indéterminée, dans la mesure où n'étaient pas distinguées les taxes relatives aux marchandises importées de pays tiers, non restituables, de celles relatives aux marchandises importées de pays membres, seules remboursables - a condamné la Société PHOTOCOLOR EXPRESS aux dépens. Par arrêt en date du 15 décembre 2000, la Cour d'appel de Paris a déclaré l'action prescrite, après avoir annulé l'assignation, et avoir constaté que la procédure n'avait été régularisée qu'après l'expiration du délai de prescription triennale des actions en matière de douane. Par arrêt en date du 3 décembre 2002, la Cour de Cassation a cassé cet arrêt en
toutes ses dispositions. Au visa de l'article 114 du Nouveau code de procédure civile, la Cour de cassation a reproché à la Cour d'appel d'avoir prononcé l'annulation de l'assignation du 26 mars 1996 au motif que cet acte ne comportait ni la mention de la forme de la société, ni celle de l'organe la représentant, sans rechercher si l'administration des Douanes prouvait le grief résultant de ces vices de forme. La Société PHOTOCOLOR EXPRESS a régulièrement saisi la Cour d'appel de Versailles, désignée comme Cour de renvoi, et demande : - de lui donner acte de ce que la Société BAMY PHOTO vient à ses droits, - de confirmer le jugement en ce qu'il a dit : . que le caractère indu des taxes perçues sur les marchandises en provenance des pays membres de la Communauté européenne, dont la France, était démontré, . que la répercussion effective sur les acheteurs de ces taxes n'était pas établie, . que la demande d'expertise formée par l'administration des Douanes devait être rejetée, - d'infirmer le jugement pour le surplus, et statuant à nouveau, . de dire que les taxes perçues sur les marchandises en provenance des pays tiers sont également restituables, . de faire droit à sa demande en restitution des taxes qu'elle a payées pour un montant de 172.749 francs, soit 26.335,42 euros, tant pour les marchandises importées des pays tiers que pour les marchandises importées des pays membres, dont la France, . subsidiairement de faire droit à sa demande en restitution des taxes payées par elle pour un montant de 53.787 francs, soit 8.199,78 euros, pour les marchandises importées des pays membres, dont la France, . de dire que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de chaque versement, . en toute hypothèse de débouter l'administration des Douanes de ses demandes, y compris de celle tendant à la nomination d'un expert, et de la condamner à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile. La Société PHOTOCOLOR EXPRESS soutient que,
contrairement à ce que prétend l'administration des Douanes, les taxes sont incompatibles avec le Traité, lorsqu'elles sont perçues pour l'importation de produits en provenance de pays tiers, comme pour l'importation de produits en provenance de pays membres. En ce qui concerne les produits en provenance de pays tiers, la Société PHOTOCOLOR EXPRESS rappelle que ne sont tolérées que les taxes existant avant la mise en place du tarif douanier commun, le 1er juillet 1968, et que tel n'est pas le cas des taxes d'octroi de mer et de taxe additionnelle qu'elle a payées et qui résultent de la loi 84-747 du 2 août 1984 ; En ce qui concerne les taxes sur les produits en provenance des pays membres, elle rappelle que l'administration des Douanes reconnaît que ces taxes sont incompatibles avec les dispositions du droit communautaire, et qu'en conséquence elles doivent être restituées. Elle conteste le moyen de défense qui lui est opposé sur le fondement de l'article 352 bis du Code des douanes, et selon lequel elle ne pourrait réclamer que les taxes qui n'ont pas été répercutées sur l'acheteur. La Société PHOTOCOLOR EXPRESS conteste l'application de l'article 352 bis du Code des douanes, tant dans son principe qu'en raison des particularités de l'espèce. Sur le principe, elle fait notamment valoir : - que ce texte est rétroactif, et qu'en tout cas on peut s'interroger sur son effet rétroactif, - que ce texte est contraire au principe de la sécurité juridique, car il n'a été pris que pour faire échec aux actions en restitution de l'octroi de mer, alors que pour le remboursement des autres taxes indûment prélevées, la condition de la non répercussion sur l'acheteur n'existe pas, comme par exemple pour le reversement des taxes dont le calcul présente une erreur, ou encore des taxes prélevées alors qu'elles avaient été supprimées, - que cet article est contraire au principe du consentement à l'impôt par le pouvoir législatif, puisqu'il a pour effet de légaliser une taxe déclarée
invalide, en interdisant sa restitution - que ce texte est contraire au principe de l'égalité entre opérateurs économiques, car ceux qui se seraient abstenus de payer les taxes, seraient définitivement exemptés, ne pouvant être condamnés à payer une taxe non conforme au droit communautaire - qu'ainsi il conduit même à récompenser les fraudeurs et à pénaliser ceux qui ont respecté les règles. Pour contester l'application en l'espèce de la règle de non répercussion sur l'acheteur, la Société PHOTOCOLOR EXPRESS fait notamment valoir :
- qu'en réalité la preuve de la répercussion sur l'acheteur est impossible, comme la preuve de la non répercussion, - que la répercussion est une obligation légale pénalement sanctionnée, puisque le stock des marchandises achetées doit être valorisé dans la comptabilité au prix d'achat augmenté des taxes indirectes, et que le prix de revient doit nécessairement inclure les taxes,- que la répercussion sur l'acheteur est donc imposée par ces obligations, si bien qu'il est impossible de mettre en oeuvre le droit à restitution des taxes illégales, - que sont incompatibles avec le droit communautaire les modalités de preuve qui rendent impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire, et que tel est le cas pour la preuve de l'absence de répercussion sur l'acheteur, - que malgré ses prérogatives exorbitantes du droit commun, et ses pouvoirs spéciaux, l'administration des Douanes ne fournit aucune preuve, ce qui confirme qu'il s'agit d'une preuve impossible, - que selon la pratique en matière de TVA, seule est considérée comme répercutée la taxe qui figure sur les factures, ce qui n'est pas le cas de l'octroi de mer, - que ne peuvent donner lieu à restitution que les taxes qui sont individualisées dans le prix de vente, - que la charge de la preuve incombe à l'administration des Douanes, et que cette dernière ne peut pallier sa carence en demandant une expertise, - que statuant
sur des affaires similaires, la jurisprudence décide que les demandes d'expertise doivent être rejetées parce qu'elles ne peuvent avoir que des résultats aléatoires et nullement déterminants, - que la demande d'expertise est purement dilatoire. Monsieur le Directeur général des Douanes et des Droits indirects demande à la Cour : - en ce qui concerne les taxes perçues sur l'importation de marchandises en provenance de pays tiers, de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que ces taxes, parce qu'elles sont antérieures à la mise en place du tarif douanier commun, le 1er juillet 1968, sont conformes au droit communautaire, et ne sont pas susceptibles de restitution, - en ce qui concerne les taxes perçues sur l'importation de marchandises en provenance de pays membres, de dire que ces taxes ont été répercutées sur les acheteurs, et en conséquence de dire que la société appelante qui n'en a pas supporté la charge ne peut en réclamer la restitution, - en conséquence de confirmer le jugement, mais sur d'autres motifs, en ce qu'il a débouté la Société PHOTOCOLOR EXPRESS de ses demandes en restitution des taxes perçues sur les produits en provenance de pays membres, - subsidiairement d'ordonner avant dire droit une expertise pour établir si les taxes ont été répercutées sur les acheteurs, - de dire n'y avoir lieu à dépens en application des dispositions de l'article 367 du Code des douanes. Sur les taxes sur les produits en provenance de pays tiers, l'administration des Douanes, soutient que ces droits sont conformes au droit communautaire, dès lors qu'ils étaient déjà perçus avant le 1er juillet 1968, ce qui est le cas de l'octroi de mer qui existe depuis 1670, sans interruption. Sur les taxes sur les produits en provenance de pays membres, l'administration des Douanes admet que leur non conformité au droit communautaire résulte de l'arrêt Legros du 16 juillet 1992 nä 163/90, et que ces taxes sont donc restituables. Elle ajoute toutefois que si ces taxes ont été répercutées sur les
acheteurs, elles ne sont plus supportées par les opérateurs, et ne peuvent donc pas, sauf à procurer un enrichissement sans cause à ces derniers, leur être remboursées. Elle rappelle que cette règle est édictée par l'article 352 bis du Code des douanes qui dispose que "lorsqu'une personne a indûment acquitté des droits et taxes nationaux recouvrés selon les procédures du présent code, elle peut en obtenir le remboursement, à moins que les droits et taxes n'aient été répercutés sur l'acheteur." Elle soutient que le droit communautaire reprend les mêmes dispositions. Elle en déduit qu'elle doit être admise à faire la preuve de la répercussion des taxes sur les acheteurs selon les moyens de droit commun, car elle ne dispose ni de droits exorbitants ni de pouvoir spéciaux pour faire cette preuve. Elle sollicite par conséquent la désignation d'un expert judiciaire.
DISCUSSION
DISCUSSION Sur les taxes sur les produits importés de pays tiers Considérant qu'en ce qui concerne les taxes sur les produits importés des pays tiers, la société appelante et l'administration des Douanes fondent leurs argumentations sur l'arrêt CADI SURGELÉS nä C-126/94 rendu le 7 novembre 1996 par la Cour de justice des Communautés européennes à laquelle avait été posée une question préjudicielle sur la compatibilité avec le Traité de l'octroi de mer et de la taxe additionnelle, perçus à l'occasion de l'importation de marchandises en provenance de pays tiers ; Considérant que cet arrêt a dit pour droit : - que pouvaient continuer à être perçues les taxes existant au 1er juillet 1968, date de la mise en place du tarif douanier commun, ainsi que les taxes modifiées depuis cette date, mais conservant leurs caractéristiques essentielles, quant à la dénomination, le fait générateur, l'assiette, les critères d'application, les personnes qui y sont assujetties ainsi que
l'affectation de leurs produits - que la taxe ne doit pas avoir été augmentée après le 1er juillet 1968, et qu'en cas d'augmentation, seule la marge excédentaire doit être considérée comme incompatible avec le traité, - que s'agissant du droit additionnel, instauré par la loi de 1984, il s'agit d'un droit incompatible avec le traité, qu'il soit qualifié de simple majoration de l'octroi de mer ou de taxe nouvelle. Considérant que l'administration des Douanes en tire la conclusion que l'octroi de mer est compatible avec le Traité, ayant été créée en 1670, tandis que la société appelante soutient au contraire que l'octroi de mer, tel qu'il résulte de la loi 84-747 du 2 août 1984, constitue une nouvelle taxe, introduite après le 1er juillet 1968, en violation de l'union douanière commune ; Mais considérant que l'octroi de mer, tel qu'il résulte de la loi du 2 août 1984 conserve toutes les caractéristiques essentielles de cette taxe telle qu'elle existait avant le 1er juillet 1968, en ce qui concerne sa dénomination, son fait générateur, son assiette, ses critères d'application, les personnes qui y sont assujetties ainsi que l'affectation de son produit ; qu'il s'agit donc d'une taxe équivalente à un droit de douane antérieur à la mise en place du tarif douanier commun, le 1er juillet 1968, et donc compatible avec le Traité ; Considérant en revanche que le droit additionnel, instauré par la loi de 1984, est incompatible avec le Traité, qu'il soit qualifié de simple majoration de l'octroi de mer ou de taxe nouvelle ; Considérant que la société appelante ne peut prétendre qu'au remboursement de la taxe additionnelle, et de l'éventuelle marge excédentaire dans le cas ou l'octroi de mer aurait été augmenté depuis le 1er juillet 1968 sur les produits considérés ; Considérant qu'aucun élément n'étant donné sur une éventuelle augmentation de l'octroi de mer depuis le 1er juillet 1968, ni sur le montant de la taxe additionnelle, il convient de réouvrir les débats sur ce point ;
Sur l'octroi de mer et la taxe additionnelle sur les produits en provenance des pays membres Considérant qu'il convient désormais de statuer sur la demande de restitution des taxes perçues sur les produits en provenance des pays membres, dont la France ; Considérant que l'administration des Douanes ne conteste pas que ces taxes ne sont pas compatibles avec le droit communautaire, et doivent être restituées ; que cependant elle soutient que lorsque ces taxes ont été répercutées sur l'acheteur, ce n'est plus l'importateur qui en supporte la charge, et que ce dernier ne peut prétendre à un second remboursement de ces taxes déjà payées par l'acheteur, sauf à bénéficier d'un enrichissement sans cause, sans que le sort de l'acheteur soit amélioré ; Considérant que la société appelante conteste la condition de la non répercussion sur l'acheteur, tant dans son principe que dans son application à l'espèce ; qu'elle soutient essentiellement que cette condition n'est pas réellement démontrable, et aboutit en fait à une impossibilité de se faire rembourser d'une taxe pourtant perçue en violation du droit communautaire ; qu'elle souligne que cette impossibilité a été aggravée par l'article 352 bis du Code des douanes, introduit à cette fin dans le droit national, par la loi de finances rectificative du 30 décembre 1986 ; Considérant que les demandes de la Société PHOTOCOLOR EXPRESS seront examiner au regard du droit communautaire et du droit national, étant observé que le droit communautaire prévaut sur le droit national, et que ce dernier n'est applicable qu'en ce qu'il est compatible avec le droit communautaire ; Sur le droit communautaire Considérant qu'une question préjudicielle sur le remboursement de la taxe d'octroi de mer perçue sur les produits en provenance des pays membres a été examinée par la Cour de justice des Communautés européennes dans l'arrêt, Comateb en date du 14 janvier 1997 qui a dit pour droit : - qu'un Etat membre ne peut s'opposer au
remboursement à l'opérateur d'une taxe perçue en violation du droit communautaire que lorsqu'il est établi que la totalité de la charge de la taxe a été supportée par une autre personne et que le remboursement dudit opérateur entraînerait, pour lui, un enrichissement sans cause, - qu'il incombe aux juridictions nationales d'apprécier, à la lumière des circonstances de chaque espèce, si ces conditions sont remplies, - que si seule une partie de la charge de la taxe a été répercutée, il incombe aux autorités nationales de rembourser à l'opérateur le montant non répercuté, - que l'existence d'une éventuelle obligation légale d'incorporer la taxe dans le prix de revient ne permet pas de présumer que la totalité de la charge de la taxe a été répercutée, même dans le cas où la violation d'une telle obligation entraînerait une sanction ; Considérant que l'administration des Douanes fonde son argumentation sur ces règles ; Considérant que la société appelante ne critique ces règles qu'indirectement en contestant l'application de l'article 352 bis du Code des douanes reprenant la première disposition selon laquelle les droits et taxes indûment acquittés ne sont pas restituables s'ils ont été répercutés sur l'acheteur ; que ces critiques seront examinées à l'occasion de l'application du droit national qui vient en second lieu ; Considérant que le droit communautaire fait obstacle à la restitution des taxes indûment perçues lorsque celles-ci ont été répercutées sur l'acheteur ; Considérant qu'il convient donc de vérifier si les taxes dont le remboursement est réclamé par la Société PHOTOCOLOR EXPRESS ont été ou non répercutées sur l'acheteur ; Considérant que la Cour de justice des Communautés européennes a examiné l'argumentation soulevée devant elle sur l'impossibilité, ou même la difficulté excessive de faire cette preuve, mais l'a écartée, et a donné mission aux juridictions nationales d'apprécier, à la lumière des
circonstances de chaque espèce, si les taxes ont été ou non répercutées sur l'acheteur, et si ce dernier en a demandé la restitution au vendeur ; Considérant qu'en l'espèce les acheteurs ne sont pas identifiés, et aucun d'eux n'a réclamé à la Société PHOTOCOLOR EXPRESS le remboursement des taxes incorporées dans le prix, alors que cette faculté est ouverte depuis plus de dix ans ; que la condition de l'enrichissement sans cause de la société appelante, se trouve donc remplie ; Considérant qu'il ne reste à vérifier que le point de savoir si les taxes d'octroi de mer et additionnelle ont été ou non répercutées sur les acheteurs ; Considérant que la preuve de la répercussion sur l'acheteur incombe à l'administration des Douanes, sans que cette dernière puisse invoquer une présomption selon laquelle la répercussion a eu lieu et qu'il incombe à l'assujetti de prouver négativement le contraire ; Considérant que l'administration des Douanes ne dispose d'aucune prérogative, ni d'aucun pouvoir spécial pour faire la preuve de la répercussion des taxes sur les acheteurs ; qu'elle ne dispose que des moyens de preuve de droits commun ; Considérant qu'en l'espèce, l'octroi de mer est une taxe exigée depuis toujours lors de l'importation de marchandises dans les départements d'outre mer ; que l'illégalité de cette taxe ne pouvait être raisonnablement anticipée, alors que sa perception avait été autorisée temporairement, par décision du Conseil nä39/688 du 22 décembre 1989 ; qu'il appartenait donc aux importateurs normalement prudents d'intégrer cette taxe dans le prix de vente, au moins partiellement ; que par ailleurs aucun élément du dossier laisse penser, ni que l'état de la concurrence sur les produits vendus a empêché ou limité cette répercussion, ni que la Société PHOTOCOLOR EXPRESS a choisi une politique commerciale de réduction du prix de vente dans la perspective d'une restitution des taxes ; Considérant qu'il apparaît ainsi nécessaire, sauf à risquer
de procurer un enrichissement sans cause à la Société PHOTOCOLOR EXPRESS, de recourir à une mesure d'expertise pour réunir les éléments permettant d'apprécier dans quelle mesure les taxes ont été répercutées sur les acheteurs ; Considérant que la charge de la preuve, et donc de la provision d'expertise incombe à l'administration des Douanes ; que l'expert doit nécessairement être rémunéré, nonobstant les dispositions de l'article 367 du Code des douanes excluant frais et dépens en matière douanière ; Sur la compatibilité du droit national avec le droit communautaire Considérant que l'application du droit communautaire se suffit à lui-même, ainsi qu'il vient d'être démontré ; Considérant toutefois qu'il est nécessaire de vérifier si le droit national est cumulativement applicable, alors que la Société PHOTOCOLOR EXPRESS porte ses critiques sur l'article 352 bis du Code des douanes ; Considérant que cet article soumet la restitution des taxes à la condition qu'elles n'aient pas été répercutées sur les acheteurs ; qu'en cela il est identique au droit communautaire ; Considérant que la Cour de justice des Communautés européennes a écarté l'argumentation tirée du caractère excessivement difficile de la preuve qui aurait prétendument rendu impossible toute restitution ; que l'article 352 bis n'est donc pas contraire au principe de la sécurité juridique ; Considérant que le parallèle fait par la société appelante avec le remboursement des erreurs de calcul, ou des erreurs sur la date de suppression des taxes, n'est pas pertinent, dans la mesure où les taxes d'octroi de mer et additionnelle sont volontairement perçues pour être affectées à des utilisations d'intérêt général, et ne résultent pas d'une erreur ayant procuré des droits de douane qui n'avaient pas lieu d'être ; Considérant que l'article 352 bis n'est pas contraire au principe du consentement à l'impôt par le pouvoir législatif, puisqu'au contraire ce pouvoir a
estimé souhaitable de conditionner le remboursement des taxes indûment perçues à leur non répercussion sur les acheteurs ; Considérant que l'égalité devant l'impôt ne peut être appréciée par la comparaison entre le sort des personnes qui s'acquittent des charges douanières et le sort des fraudeurs ; qu'une règle ne peut être contestée au motif qu'elle est enfreinte par certains et que ces derniers sont susceptibles de tirer profit de leurs agissements ; Considérant que la société appelante ne s'explique pas en quoi ce texte aurait des effets rétroactifs, alors que pris en 1986 il s'applique à la restitution de taxes perçues en 1992 et 1993 ; Considérant en définitive que les critiques portées par la société appelante ne sont pas pertinentes ; que l'on doit en déduire que le droit national est conforme au droit communautaire, et fonde la présente décision, concurremment avec celui-ci ; Sur l'application de la règle de la non répercussion aux importations des pays tiers Considérant que la règle de la non répercussion sur les acheteurs est justifiée par le fait que les taxes indûment payées ne peuvent être restituées qu'à celui qui en supporte encore la charge ; qu'elle doit donc s'appliquer à toutes les demandes de restitutions, et donc à celles concernant les droits payés sur les produits en provenance de pays tiers, au même titre qu'à celles concernant les droits payés sur les produits en provenance de pays membres ; Sur la transmission des droits Considérant qu'il convient de donner acte à la Société BAMY PHOTO de ce qu'elle vient aux droits de la Société PHOTOCOLOR EXPRESS ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, solennellement, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort, Donne acte à la Société BAMY PHOTO de ce qu'elle vient aux droits de la Société PHOTOCOLOR EXPRESS, Infirme le jugement rendu le 2 décembre 1997 par le Tribunal d'instance du 7ème arrondissement de Paris, Statuant à nouveau,
Condamne Monsieur le Directeur général des Douanes et des Droits indirects à payer à la Société PHOTOCOLOR EXPRESS : - l'octroi de mer et la taxe additionnelle perçus pour l'importation des produits en provenance des pays tiers, dans la limite, pour la taxe additionnelle, du montant non répercuté sur les acheteurs, et pour l'octroi de mer, dans la double limite de l'éventuelle augmentation de ce droit depuis le 1er juillet 1968 et de la part non répercutée sur les acheteurs, - l'octroi de mer et la taxe additionnelle perçus pour l'importation des produits en provenance des pays membres, dont la France, dans la limite du montant non répercuté sur les acheteurs, Avant dire droit sur le montant de ces condamnations, ordonne une mesure d'expertise et désigne Monsieur Y..., demeurant 62, rue Pierre Demours 75017 Paris, avec mission de rechercher tous les éléments permettant de déterminer le montant, non répercuté sur les acheteurs, des taxes d'octroi de mer et de droit additionnel versées par la Société PHOTOCOLOR EXPRESS entre le 17 juillet 1992 et le 31 décembre 1992, Dit que l'expertise sera effectuée aux frais avancés de Monsieur le Directeur général des Douanes et des Droits indirects qui devra consigner au greffe de la cour de ce siège, avant le 20 février 2005 une provision de 500 à valoir sur la rémunération de l'expert. Rappelle qu'à défaut de consignation dans le délai, la désignation de l'expert sera caduque. Dit que l'expert dressera un rapport écrit, qu'il déposera au greffe de la cour dans les dix mois qui suivront la notification du versement de la provision, et qu'en cas d'empêchement ou de refus, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du conseiller chargé du contrôle des expertises, rendue sur requête. Réserve les autres demandes, l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que les dépens, Arrêt prononcé par Monsieur Jean BESSE, président, et signé par Monsieur Jean BESSE, président et par Madame Agnès ANGELVY, greffier présent
lors du prononcé Le GREFFIER,
Le PRESIDENT,