LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, Mme X... et soixante-quatorze autres salariés de la société Berlitz France ont fait convoquer l'employeur devant la juridiction prud'homale, pour avoir paiement par celui-ci notamment d'un rappel de salaire et d'un rappel de treizième mois ; qu'à cette fin, ils ont revendiqué l'application des dispositions de l'article 21 de la convention collective nationale des organismes de formation, à laquelle est soumise l'entreprise, contestant les modifications de leur rémunération unilatéralement effectuées par l'employeur après qu'il eut dénoncé les accords d'entreprises des 19 mai 1981 et 4 février 1983 le 20 janvier 1995 sans qu' un nouvel accord ne leur soit substitué ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fait droit sur le principe à la demande de rappel des salariés au titre du salaire minimum conventionnel, et d'avoir dit que ce rappel sur minimum conventionnel serait pris en compte pour le calcul de rappel d'unités complémentaires et de treizième mois dus au salarié, alors, selon le moyen :
1 / que selon les dispositions du paragraphe 2 "Horaires" du chapitre I et le paragraphe 1 : "professeurs" du chapitre II de l'accord d'entreprise Berlitz France du 4 février 1983, la durée du travail des professeurs comporte une disponibilité de 45 unités par semaine, le salaire d'un professeur à plein temps étant basé sur 160 unités de 45 minutes effectuées entre le 20 et le 19 du mois suivant, ce salaire étant garanti si le travail ne permettait pas d'atteindre ces 160 unités, et les heures effectuées au-delà étant payées à un taux majoré ; qu'en estimant que ce système collectif d'organisation du travail engendrait un droit individuel acquis à ce que 160 unités mensuelles correspondent pour l'application de dispositions résultant d'autres sources que l'accord d'entreprise, à un droit individuellement acquis à la qualification de salarié à temps complet, la cour d'appel a violé les articles L. 132-8 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
2 / que subsidiairement qu'en présence de plusieurs dispositions légales et conventionnelles ou procédant d'un engagement unilatéral de l'employeur, relatives à un même objet seule s'applique la plus favorable ; qu'il résulte des dispositions de la convention collective des organismes de formation que la rémunération annuelle pour des salariés à temps plein correspond à un horaire mensuel de 169 heures de travail calculé selon des dispositions spécifiques, qu'en estimant que les salariés de Berlitz France présents le 20 avril 1996, devaient bénéficier, à titre de droits individuels acquis, de cette rémunération annuelle minimale, pour un horaire correspondant à 125, 37 heures relevant, selon les dispositions du Code du travail, de la qualification de travail à plein temps, la cour d'appel, qui pouvait seulement comparer les dispositions auxquelles elle se réfère pour déterminer laquelle était la plus favorable aux salariés demandeurs a violé les dispositions des articles 21, 10 et l'annexe 1 de la convention collective des organismes de formation du 10 juin 1988, les articles L. 132-4, L. 132-8 et L. 212-4-2 du Code du travail (ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi du 19 janvier 2000) et l'article 1134 du Code Civil ;
Mais attendu qu'un avantage individuel acquis au sens de l'article L. 132-8 du Code du travail est celui qui, au jour de la dénonciation de la convention ou de l'accord collectif, procurait au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel ; que la cour d'appel a constaté que les accords d'entreprise prévoyaient pour les professeurs un salaire de base garanti dont le calcul résultait de la multiplication du nombre des unités accomplies par un taux correspondant à l'ancienneté ; qu'elle a exactement décidé que cet avantage salarial, qui profitait individuellement à chacun des intéressés, s'était incorporé à leur contrat de travail au jour où les dispositions des accords avaient cessé de produire effet et devait être maintenu pour l'avenir ;
Et attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que la société Berlitz France ait soutenu devant les juges du fond que la durée du travail considérée comme à temps plein et la rémunération minimale garantie sont des avantages ayant le même objet ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa seconde branche comme nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est pas fondé en sa première ;
Mais sur le second moyen :
Vu le paragraphe 5 du chapitre II de l'accord d'entreprise du 4 février 1983 ;
Attendu que, pour décider que les salariés peuvent prétendre au paiement d'un rappel au titre du treizième mois calculé sur le total des rappels de salaire, de prime d'ancienneté et d'unités complémentaires, l'arrêt relève qu'aux termes du texte susvisé chaque salarié ayant une ancienneté de trois mois dans l'entreprise, le 19 novembre pour les professeurs, ont droit à un treizième mois calculé sur la base du salaire perçu entre le 19 novembre de l'année précédente et le 19 novembre de l'année en cours, toute prime étant exclue, que cet avantage constitue un avantage individuel acquis ;
Qu'en statuant ainsi, alors que selon le paragraphe 5 de l'accord d'entreprise du 4 février 1983 le treizième mois est calculé sur la base de 8,33 % du salaire perçu entre le 20 novembre de l'année précédente et le 19 novembre, toute prime étant exclue du calcul, la cour d'appel a violé le dit texte ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fait droit dans son principe à un rappel de prime de treizième mois, incluant le rappel de prime d'ancienneté, l'arrêt rendu le 3 février 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Berlitz France à payer à l'ensemble des salariés la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit avril deux mille six.