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28/04/2006 | FRANCE | N°03-44527

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 avril 2006, 03-44527


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 13 mai 2003), que Mme X... a été engagée le 24 juin 1997 en qualité de secrétaire parlementaire par M. Y..., député ; qu'elle avait donné son accord pour figurer sur la liste de candidats que le parlementaire constituait en vue des élections municipales de la commune de Saintes du mois de mars 2001 ; qu'elle s'est retirée de cette liste au mois de janvier 2001 ;

qu'elle a été licenciée pour perte d

e confiance le 14 février 2001, l'employeur lui faisant grief de comportements objectif...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 13 mai 2003), que Mme X... a été engagée le 24 juin 1997 en qualité de secrétaire parlementaire par M. Y..., député ; qu'elle avait donné son accord pour figurer sur la liste de candidats que le parlementaire constituait en vue des élections municipales de la commune de Saintes du mois de mars 2001 ; qu'elle s'est retirée de cette liste au mois de janvier 2001 ;

qu'elle a été licenciée pour perte de confiance le 14 février 2001, l'employeur lui faisant grief de comportements objectifs au cours desquels elle avait ouvertement exprimé des désaccords politiques et politiciens à son encontre s'étant traduits par l'annonce publique, faite avant même qu'il en soit avisé, de son départ de la liste qu'il avait constituée, ce départ étant associé à celui de trois autres candidats, lesquels ont publiquement fait connaître leur désaccord avec l'engagement qu'il avait mis en oeuvre, alors qu'elle avait en outre envisagé publiquement de s'engager sur une nouvelle liste constituée en remplacement de celle qu'il dirigeait, ce qui constitue également une infraction aux dispositions contractuelles ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir jugé que le licenciement de Mme X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1 / que l'article 6 du contrat de travail de Mme X... stipulait clairement : "Le salarié s'engage à s'abstenir de toute activité ou prise de position personnelle pouvant gêner l'action de l'employeur. Il s'abstiendra en particulier de toute candidature à une fonction élective dans le département d'élection du député-employeur et, plus généralement, de toute responsabilité politique, sans l'accord écrit préalable de l'employeur" ; que la circonstance que M. Y... ait autorisé son assistante parlementaire à se porter candidate aux élections municipales sur la liste qu'il constituait ne pouvait avoir pour effet de délier la salariée de ses obligations contractuelles essentielles, et notamment de celle de s'abstenir de toute prise de position personnelle pouvant gêner l'action politique de son employeur ; qu'en décidant que l'accord donné par le député à Mme X... pour qu'elle soit candidate sur la liste qu'il constituait lui interdisait de faire application des stipulations contractuelles en sorte que le désistement de l'intéressée, motivé par un désaccord politique et rendu publique, ne constituait pas un manquement contractuel, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L. 122-14-4 du Code du travail ;

2 / qu'en toute hypothèse la fonction d'attaché parlementaire implique qu'il existe une parfaite harmonie de conceptions entre les intéressés et l'assurance, de la part de l'employeur, d'une totale loyauté de la part de son collaborateur ; que l'article 6 du contrat de travail stipulait au demeurant : "L'employeur... n'engage le salarié précité qu'en raison de la confiance qu'il lui porte... La bonne exécution du contrat suppose un rapport de confiance entre les parties et une adhésion du salarié à l'action politique menée par l'employeur. La perte de confiance ou la divergence d'opinions peut donc constituer un motif réel et sérieux de résiliation de la part de l'une ou l'autre partie" ; que le retrait de Mme X... de la liste constituée par M. Y... pour les élections municipales qui était l'expression d'un désaccord politique faisait nécessairement obstacle au maintien d'une relation de parfaite entente entre les parties, en sorte qu'il ne pouvait être dépourvu d'incidence directe sur l'exécution du contrat de travail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L. 122-14-4 du Code du travail ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 "nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi" ; que selon l'article L. 120-2 du Code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; qu'il en résulte que si le secrétaire parlementaire peut être tenu de s'abstenir de toute position personnelle pouvant gêner l'engagement politique de son employeur, aucune autre restriction ne peut être apportée à sa liberté d'opinion ;

Et attendu, d'une part, qu'en se retirant de la liste en préparation, la salariée n'a fait qu'user de sa liberté d'opinion ; que, d'autre part, les juges du fond ont constaté que les autres griefs n'étaient pas établis ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit avril deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 03-44527
Date de la décision : 28/04/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir de direction - Etendue - Restriction aux libertés fondamentales - Limites.

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Perte de confiance - Condition

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Obligation du salarié - Manquement - Définition

Aux termes de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 " nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi " ; selon l'article L. 120-2 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; qu'il en résulte que si le secrétaire parlementaire peut être tenu de s'abstenir de toute position personnelle pouvant gêner l'engagement politique de son employeur, aucune autre restriction ne peut être apporté à sa liberté d'opinion.


Références :

Code civil 1134
Code du travail L120-2, L122-14-4
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen art. 10

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 13 mai 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 avr. 2006, pourvoi n°03-44527, Bull. civ. 2006 V N° 151 p. 145
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 V N° 151 p. 145

Composition du Tribunal
Président : M. Sargos.
Avocat général : M. Legoux.
Rapporteur ?: Mme Nicolétis.
Avocat(s) : SCP Monod et Colin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:03.44527
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