La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/04/2006 | FRANCE | N°04-30143

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 avril 2006, 04-30143


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu qu'un accord sur l'emploi, l'organisation et la réduction du temps de travail a été conclu le 16 avril 1999, sur le fondement de la loi du 13 juin 1998, entre la société Renault et l'ensemble des organisations syndicales représentatives au plan de l'entreprise, à l'exception de la CGT ; que, selon les articles 5.3.1.et 5.3.3. de cet accord, le temps de travail des ingénieurs et cadres est exprimé en journées, à l'exception de ceux de niveau IIIB ou inférieur pour lesque

ls l'horaire de travail hebdomadaire est fixé à 38 h 30 minutes en moyen...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu qu'un accord sur l'emploi, l'organisation et la réduction du temps de travail a été conclu le 16 avril 1999, sur le fondement de la loi du 13 juin 1998, entre la société Renault et l'ensemble des organisations syndicales représentatives au plan de l'entreprise, à l'exception de la CGT ; que, selon les articles 5.3.1.et 5.3.3. de cet accord, le temps de travail des ingénieurs et cadres est exprimé en journées, à l'exception de ceux de niveau IIIB ou inférieur pour lesquels l'horaire de travail hebdomadaire est fixé à 38 h 30 minutes en moyenne annuelle ; qu'un avenant à cet accord, conclu le 18 février 2000 dans le cadre de la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, a réaffirmé dans son article 2 la volonté des parties contractantes d'appliquer à l'ensemble des cadres de Renault ne bénéficiant pas d'un forfait de mission, le principe d'une durée de travail exprimée en journées ; qu'en application de ces textes conventionnels, la société Renault a soumis à la signature de ses ingénieurs et cadres des catégories égales ou inférieures à la classification IIIB un document aux termes duquel, compte tenu de la nature de leurs fonctions, de leurs responsabilités et de l'autonomie qui leur était reconnue, leur activité était "exprimée en jours sur une base annuelle" ; que, soutenant qu'une telle démarche était constitutive d'une faute dommageable, en ce que ces avenants individuels ne faisaient pas aussi référence à une durée moyenne hebdomadaire exprimée en heures, la Fédération générale des mines et de la métallurgie (FGMM) CFDT a saisi la juridiction civile aux fins de voir constater leur non-conformité à l'accord collectif initial, régulariser la situation des personnels concernés et condamner l'employeur à des dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Renault fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 20 novembre 2003) d'avoir confirmé en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande Instance de Nanterre du 4 mai 2001 en ce qu'il avait dit qu'en soumettant à la signature des ingénieurs et cadres de catégorie inférieure ou égale à IIIB pour constituer leur contrat de travail ou un avenant à leur contrat de travail, un texte aux termes duquel leur temps de travail n'est exprimé qu'en jours sans que la durée moyenne de ces derniers soit exprimée en heures, la société Renault a commis une faute génératrice d'un préjudice pour la Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT, alors, selon le moyen :

1 / que méconnaît, en violation de l'article L. 131-1 du Code du travail, la nature et la portée de l'avenant du 18 février 2000, dont l'objet est "d'intégrer les éléments nouveaux" découlant de la loi du 19 janvier 2000 et de "substituer" des dispositions nouvelles à celles du précédent accord collectif du 16 avril 1999, l'arrêt qui attribue à cet avenant un rôle purement confirmatif en ce qui concerne l'application d'un horaire hebdomadaire annuel moyen et qui prive ainsi les parties du bénéfice de la modernisation apportée par les textes récents ;

2 / que si un décompte simultané en jours et en heures n'est pas inconcevable lorsque les parties en sont convenues dans le cadre de leurs accords particuliers, l'autonomie complète désormais expressément accordée aux cadres de Renault par l'avenant du 18 février 2000 est totalement incompatible avec le régime contraignant qui, selon les termes de l'accord précédent, impose aux cadres de remplir un horaire annuel moyen de 38 heures 30, de sorte que viole de plus fort l'article L. 131-1 du Code du travail ainsi que l'article D. 212-21-1 selon lequel la durée du travail des cadres concernés doit impérativement et par dérogation à l'article D. 212-21, être décomptée en journées et demi-journées travaillées, l'arrêt attaqué qui, faute de dispositions expresses, maintient les cadres autonomes sous l'empire de l'ancien décompte horaire hebdomadaire annuel ;

3 / que la société Renault avait fait valoir que l'ancien dispositif relatif à une comptabilisation en heures avait exclusivement pour objet de satisfaire aux obligations de l'époque sur le contrôle de la durée du travail, auxquelles ne sont plus soumis actuellement les cadres autonomes dont, de ce fait, la durée du travail "doit être décomptée" désormais en jours, de sorte qu'en refusant de s'expliquer sur cette évolution législative qui constituait la base même de l'avenant litigieux, la cour d'appel a aussi privé sa décision de base légale au regard des articles L. 212-15-3 III et D. 212-21-1 du Code du travail ;

4 / que les dispositions des articles 5-3-1 et 5-3-3 de l'accord collectif initial du 16 avril 1999 selon lesquelles "le temps de travail des ingénieurs et cadres est apprécié dans le respect des dispositions légales" et "pour les autres cadres, l'horaire de travail est fixé à 38 heures 30 minutes en moyenne annuelle" constituent une simple référence aux données légales contemporaines qui n'implique aucune volonté de les "contractualiser" et aucune renonciation à se référer, comme le fait l'avenant du 18 février 2000, aux données légales plus récentes, de sorte qu'en confirmant de ce chef, le jugement, la cour d'appel a encore violé les articles L. 131-1 et 1134 du Code civil ;

5 / que dans un courrier du 23 juin 2000, le syndicat CFDT avait expressément reconnu qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer aux cadres un double décompte en jours et en heures en écrivant à Renault : "la CFDT vous demande que les cadres hors forfait de mission puissent choisir entre un avenant en jours et un avenant en heures" (conclusions Renault, page 18) ; qu'en s'abstenant de prendre en considération cette position du syndicat CFDT qui démentait sa propre thèse, tout en fondant par ailleurs sa solution sur la teneur de courriers échangés entre le délégué syndical CFDT et la direction des relations humaines de Renault (arrêt attaqué, page 9), la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa solution au regard de l'accord modifié du 16 avril 1999 et des articles L. 131-1 et suivants du Code du travail ;

Mais attendu que c'est par une exacte interprétation de l'accord du 16 avril 1999 relatif à l'emploi, l'organisation et la réduction du temps de travail, ainsi que de l'avenant du 18 février 2000 à cet accord, que la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a décidé que les signataires de l'avenant n'avaient pas dérogé aux dispositions de l'article 5.3.3. de l'accord initial instituant un décompte en heures du temps de travail des ingénieurs et cadres hors mission, dès lors que le maintien de la référence horaire n'était ni incompatible avec l'application du décompte en jours ni contraire aux dispositions de la loi du 19 janvier 2000 ; que, par suite, l'arrêt n'encourt aucun des griefs du moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Renault aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Renault à payer à la Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 04-30143
Date de la décision : 05/04/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION - Durée du travail - Amplitude - Décompte du temps de travail - Modalités - Portée.

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Accords collectifs - Accords d'entreprise - Accord d'entreprise de la société Renault du 16 avril 1999 - Réduction du temps de travail - Article 5.3.3. - Cadres et ingénieurs hors mission - Décompte du temps de travail - Avenant du 18 février 2000 - Portée

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Réduction négociée du temps de travail - Bénéficiaires - Cadres - Décompte du temps de travail - Modalités

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Responsabilité - Faute - Inexécution par l'employeur de ses obligations - Application d'un accord collectif - Condition

Procède à une exacte interprétation de l'accord du 16 avril 1999 relatif à l'emploi, l'organisation et la réduction du temps de travail au sein d'une société de construction automobile, ainsi que de l'avenant du 18 février 2000 à cet accord, la cour d'appel qui, par motifs propres et adoptés, décide que les signataires de cet avenant exprimant le temps de travail des ingénieurs et cadres en journées, n'avaient pas dérogé aux dispositions de l'article 5.3.3 de l'accord initial instituant un décompte en heures du temps de travail des ingénieurs et cadres hors mission, dès lors que le maintien de la référence horaire n'était ni incompatible avec l'application du décompte en jours ni contraire aux dispositions de la loi 19 janvier 2000. Est dès lors légalement justifié l'arrêt qui retient qu'en soumettant à la signature des ingénieurs et cadres de catégorie inférieure ou égale à III B un contrat de travail ou avenant n'exprimant leur temps de travail qu'en jours, l'employeur a commis une faute.


Références :

Accord collectif du 16 avril 1999 art. 5.3.1, art. 5.3.3, avenant 2000-02-18
Code du travail L212-15-3 III, D212-21-1
Loi du 19 janvier 2000

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 20 novembre 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 avr. 2006, pourvoi n°04-30143, Bull. civ. 2006 V N° 141 p. 136
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 V N° 141 p. 136

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Sargos.
Avocat général : Avocat général : M. Mathon.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Blatman.
Avocat(s) : Avocats : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:04.30143
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award