AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Secra, dirigée par Mme X..., a été mise en liquidation judiciaire le 13 mai 2003 ; que le tribunal, à la demande du liquidateur, a prononcé la liquidation judiciaire de Mme X... ; que cette dernière a relevé appel de cette décision ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement prononçant sa mise en liquidation judiciaire alors, selon le moyen, qu'en cas de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire d'une personne morale, le tribunal peut ouvrir une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire à l'égard de tout dirigeant contre lequel peuvent être relevés certains faits ; que la cour d'appel, qui a constaté que l'insuffisance d'actif était de 168 747 euros, n'a pas recherché si le rachat d'occasion par Mme X... d'un véhicule acheté neuf cinq mois auparavant par la société avec une décote de 4 000 euros et le prélèvement en espèces opéré par la gérante sur le compte de la société, dont elle n'a pas précisé le montant, étaient suffisamment graves pour justifier cette sanction facultative ; que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 624-5 du Code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant constaté que Mme X... avait racheté à la société Secra, qu'elle dirigeait, un véhicule automobile pour un prix manifestement sous-évalué et qu'elle avait reconnu avoir effectué, sans motif légitime, un retrait sur le compte bancaire de cette société d'un montant non contesté de 4 000 euros pendant la période suspecte, la cour d'appel a caractérisé l'usage par cette dirigeante des biens de sa société à des fins personnelles et au mépris des intérêts de cette dernière et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais, sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :
Attendu que le liquidateur soutient que ce moyen est irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit ;
Mais attendu que le moyen est de pur droit, le pourvoi ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été connu des juges du fond, soumis à leur appréciation et constaté dans la décision attaquée ; que la fin de non recevoir n'est pas fondée ;
Et sur le moyen :
Vu les articles L. 620-1, alinéa 3, et L. 624-5, I, du Code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu qu'il résulte de ces dispositions que la liquidation judiciaire immédiate du dirigeant ne peut être prononcée, hors le cas d'extension à son encontre de la liquidation judiciaire de la personne morale, que si son redressement personnel est manifestement impossible ;
Attendu qu'en prononçant d'emblée la liquidation judiciaire de Mme X..., sans indiquer en quoi son redressement personnel était manifestement impossible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er février 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la SCP Crozat - Barault - Maigrot, ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille six.