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04/04/2006 | FRANCE | N°01-03328

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 avril 2006, 01-03328


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que la société Archange international, cessionnaire des droits d'édition et d'adaptation audiovisuelle sur une série de romans dont les intitulés associent toujours le prénom "Angélique" à un ou plusieurs autres mots, et Mme Simone X..., dite Anne Y..., auteur des ouvrages et titulaire en outre de la marque déposée "Angélique marquise des anges", ont assigné en contrefaçon de titre et de marque, concurrence déloyale, atteinte à leurs droits moraux, cessation

d'agissements et dommages-intérêts la société Colmax, éditeur et diffuseur ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que la société Archange international, cessionnaire des droits d'édition et d'adaptation audiovisuelle sur une série de romans dont les intitulés associent toujours le prénom "Angélique" à un ou plusieurs autres mots, et Mme Simone X..., dite Anne Y..., auteur des ouvrages et titulaire en outre de la marque déposée "Angélique marquise des anges", ont assigné en contrefaçon de titre et de marque, concurrence déloyale, atteinte à leurs droits moraux, cessation d'agissements et dommages-intérêts la société Colmax, éditeur et diffuseur de cassettes pornographiques simplement intitulées "Angélique" ; que l'arrêt a accueilli leurs demandes ;

Sur les deux branches du premier moyen, et la première branche du second, après avis de la chambre commerciale, économique et financière :

Attendu qu'il est fait grief à la cour d'appel (Versailles, 11 janvier 2001) d'avoir validé la saisie-contrefaçon de la vidéo-cassette litigieuse et condamné la société Colmax à des dommages-intérêts, d'une part en double méconnaissance de l'article L. 112-4 du Code de la propriété intellectuelle, le titre "Angélique" ne retirant aucune originalité ni du choix opéré d'un prénom connu et exclusif de tout effort créatif, ni de l'originalité propre à l'oeuvre et au personnage conçus et réalisés par Mme X..., et d'autre part, en violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle, les atteintes aux oeuvres de l'esprit prévues et réprimées par son Livre premier ne pouvant être réparées sur le fondement des textes relatifs aux marques de fabrique ;

Mais attendu qu'aucune disposition n'interdisant à l'auteur d'un ouvrage littéraire de déposer un titre en tant que marque, celui-ci bénéficie de la protection instaurée par le livre VII du titre premier du code de la propriété intellectuelle pour les produits et services désignés lors de son dépôt ; que l'article 10-2 de la Convention européenne, qui valide les restrictions ou sanctions légales nécessaires à la protection des droits d'autrui trouve application en l'espèce ; que par ailleurs l'article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 5 1, sous a) de la première directive 89/104/CEE du Conseil de l'union européenne et de l'arrêt rendu sur question préjudicielle du tribunal de grande instance de Paris le 20 mars 2003 par la Cour de justice des communautés européennes, ne protège le déposant que contre la reproduction, sans ajout ni retranchement, du signe constituant la marque, sauf aux juges, en cas de seule imitation, à caractériser le risque de confusion entre les signes respectifs quant aux produits et services désignés ;

Et attendu que l'arrêt confirmatif attaqué relève, par motifs propres et adoptés, que le dépôt effectué auprès de l'Institut national de la propriété industrielle par Mme X... figure notamment dans la classe de production de films, et que le mot "Angélique" en constitue un élément essentiel et caractéristique, évoquant avant tout dans l'esprit du public le nom du principal personnage de la série des romans d'Anne Y... ; qu'ainsi, et abstraction faite de motifs erronés mais surabondants, la cour d'appel, en jugeant que son utilisation par la société Colmax comme titre de son film avait constitué une atteinte aux droits détenus sur une marque déposée, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir condamné la société Colmax à indemniser la société Archange international pour trouble d'exploitation et atteinte à l'image de l'oeuvre d'Anne Y..., alors que les atteintes aux oeuvres de l'esprit prévues et réprimées par le Livre premier du Code de la propriété intellectuelle ne pourraient être réparées sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, et qu'en jugeant le contraire, elle aurait violé cette disposition ainsi que, à nouveau, l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu que la cour d'appel, après avoir exactement énoncé que l'action en concurrence déloyale ou parasitaire est recevable lorsqu'elle repose sur des faits distincts de ceux qui lèsent des droits privatifs et sont de nature à créer un risque de confusion entre des créations ou à faire croire à leur même origine, a relevé la similitude de graphisme et d'images entre les pages illustrées de couverture de certains livres d'Anne Y... relatant les aventures maritimes de l'héroïne et la jaquette du film litigieux, permettant à celui-ci de s'inscrire dans le sillage de l'oeuvre originale et de profiter de ses réputation et notoriété en induisant le public en erreur ; que le moyen, dont la critique au regard de l'article 10 de la Convention européenne est inopérante pour la même raison que précédemment, s'avère dépourvu de fondement ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Colmax aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Colmax à verser la somme de mille euros et à la société Archange international et à Mme X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 01-03328
Date de la décision : 04/04/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° MARQUE DE FABRIQUE - Elément constitutif - Caractère distinctif - Titre d'un ouvrage littéraire - Portée.

1° MARQUE DE FABRIQUE - Protection - Contrefaçon - Contrefaçon par imitation - Risque de confusion - Caractérisation - Nécessité.

1° Aucune disposition n'interdisant à l'auteur d'un ouvrage littéraire de déposer un titre en tant que marque, celui-ci bénéficie de la protection instaurée par le livre VII du titre premier du code de la propriété intellectuelle pour les produits et services désignés lors de son dépôt. L'article 10 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui valide les restrictions ou sanctions légales nécessaires à la protection des droits d'autrui trouve application en l'espèce. Par ailleurs l'article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 5 § 1 sous a de la première Directive 89/104/CEE du Conseil de l'Union européenne et de l'arrêt rendu sur question préjudicielle du tribunal de grande instance de Paris le 20 mars 2003 par la Cour de justice des Communautés européennes, ne protège le déposant que contre la reproduction, sans ajout ni retranchement, du signe constituant la marque, sauf aux juges, en cas de seule imitation, à caractériser le risque de confusion entre les signes respectifs quant aux produits désignés. Est légalement justifié l'arrêt qui relève que le dépôt effectué auprès de l'Institut national de la propriété industrielle d'un titre figurant notamment dans la classe de productions de films et qu'un mot en constituait un élément essentiel et caractéristique, évoquant avant tout dans l'esprit du public le nom du principal personnage d'une série de romans et juge que son utilisation par une société comme titre à son film avait constitué une atteinte aux droits détenus sur une marque déposée.

2° CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Concurrence déloyale - Action en justice - Fondement juridique - Différence avec l'action en contrefaçon.

2° Une cour d'appel énonce exactement que l'action en concurrence déloyale ou parasitaire est recevable lorsqu'elle repose sur des faits distincts de ceux qui lèsent des droits privatifs et sont de nature à créer un risque de confusion entre des créations ou à faire croire à leur même origine.


Références :

1° :
1° :
Code de la propriété intellectuelle L711-1
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 10 § 2
Directive 89/104/CEE Conseil du 21 décembre 1988

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 11 janvier 2001

Sur le n° 1 : Sur une autre application de la caractérisation par le juge du risque de confusion, à rapprocher : Chambre commerciale, 2005-12-13, Bulletin 2005, IV, n° 254, p. 281 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 avr. 2006, pourvoi n°01-03328, Bull. civ. 2006 I N° 192 p. 168
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 I N° 192 p. 168

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel.
Rapporteur ?: M. Gridel.
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:01.03328
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