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14/03/2006 | FRANCE | N°05-85889

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 mars 2006, 05-85889


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze mars deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de la société civile professionnelle LE GRIEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Frédéric,

- LE Y... Eric,

contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 23 septembre 2005, qu

i, pour infractions à la réglementation des conditions de travail dans les transports routier...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze mars deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de la société civile professionnelle LE GRIEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Frédéric,

- LE Y... Eric,

contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 23 septembre 2005, qui, pour infractions à la réglementation des conditions de travail dans les transports routiers, a condamné le premier, à 317 amendes de 100 euros et 15 amendes de 450 euros, et, le second, à 93 amendes de 100 euros ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 122-12 du Code du travail et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, a dit que les faits poursuivis sous la prévention d'avoir à Pouzauges et sur l'ensemble du territoire national, courant des mois d'avril, mai, juin, juillet et août 2003, effectué ou fait effectuer un transport routier à l'intérieur de la Communauté Economique Européenne sans respecter les dispositions réglementaires relatives à la durée maximale de conduite journalière, et en dépassant cette durée, ce dépassement n'excédant pas toutefois 20 % (68 infractions), constituaient des infractions à l'article 6 du règlement CEE n 3820/85 du 20 décembre 1985 disposant que la période de conduite journalière, qui peut être portée à 10 heures deux fois par semaine, ne peut dépasser 9 heures, faits réprimés par l'article 3, alinéa 2, du décret n° 68-1130 du 17 octobre 1986 ; requalifié en ce sens la prévention ; déclaré Frédéric X... coupable de ces infractions et condamné celui-ci, en répression, - à 93 amendes de 100 euros chacune pour les contraventions de 4ème classe relatives à la prise de repos hebdomadaire insuffisant mais de 20 heures au moins, à 50 amendes de 100 euros chacune pour les contraventions de 4ème classe relatives au dépassement de la durée maximale de conduite journalière n'excédant pas 20 %, à 2 amendes de 450 euros chacune pour les contraventions de 5ème classe relatives au dépassement de plus de 20 % de la durée maximale de conduite journalière, à 13 amendes de 450 euros chacune pour les contraventions de 5ème classe relatives au dépassement de plus de 20 % de la durée maximale de conduite sur deux semaines consécutives, à 68 amendes de 100 euros chacune pour les contraventions de 4ème classe relatives au dépassement, plus de deux fois par semaine, de la durée maximale de conduite journalière, à 28 amendes de 100 euros chacune pour les contraventions de 4ème classe relatives au dépassement de la durée maximale de conduite sur 6 jours ou périodes de conduite journalière

n'excédant pas 20 % et à 78 amendes de 100 euros chacune pour les contraventions de 4ème classe relatives au dépassement de la durée maximale de conduite sur deux semaines consécutives n'excédant pas 20 % ;

"aux motifs qu'il convient de constater, à l'examen des documents produits aux débats, qu'Eric Le Y... est salarié de la SARL T.S.M. Esport dont Mme Z... et Frédéric X... sont cogérants, et que le seul contrat de travail produit aux débats, mentionnant une délégation de pouvoir, est le contrat qui le liait à la SA. T.S.M., son précédent employeur ; qu'il en résulte que la délégation de pouvoir invoquée par Frédéric X... n'existe pas et que celui-ci doit être tenu pour pénalement responsable, en sa qualité de cogérant, des infractions relevées par l'inspection du travail des transports ;

"et que Frédéric X... n'a jamais discuté la matérialité de ces infractions au demeurant parfaitement établies par les procès-verbaux présents au dossier de la procédure qui lui ont été régulièrement notifiés conformément aux dispositions de l'article L. 611-10 du Code du travail ; qu'il apparaît toutefois que Frédéric X... est poursuivi pour 68 infractions à la réglementation européenne sur la durée maximale de conduite journalière n'excédant pas 20 % alors que les faits constatés par l'inspecteur du travail des transports constituent des infractions à l'article 6 du règlement CEE n° 3820/85 du 20 décembre 1985 disposant que la période de conduite journalière, qui peut être portée à 10 heures deux fois par semaine, ne peut dépasser 9 heures ; qu'il sera procédé à la requalification de la prévention sur ce point en ce sens, de tels faits étant réprimés par l'article 3, alinéa 2, du décret n° 68-1130 du 17 octobre 1986 ;

"alors que selon l'article L.122-12, alinéa 2, du Code du travail, les contrats de travail en cours au jour de la modification de la situation juridique de l'employeur subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; que, par conséquent, la clause d'un contrat de travail instituant une délégation de pouvoirs en faveur du salarié persiste après le changement d'employeur ;

qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 122-12 et L. 611-10 du Code du travail et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric Le Y... coupable des infractions relatives à la prise de repos hebdomadaire insuffisant mais de 20 heures au moins et l'a condamné, en répression, à 93 amendes de 100 euros chacune pour ces contraventions de 4ème classe ;

"aux motifs que les dispositions de l'article L. 611-10, alinéa 3, du Code du travail, qui prescrivent qu'un exemplaire des procès-verbaux dressés par les inspecteurs ou les contrôleurs du travail est remis au contrevenant ne concernent que les seules infractions relatives à la durée du travail, les infractions à la législation relative au repos étant étrangères aux prévisions de ce texte ; que les procès-verbaux 30/2003 et 31/2003 n'ayant pas été notifiés à Eric Le Y..., le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré nulle la procédure à son égard ; que toutefois, cette nullité sera limitée aux seules infractions relatives à la durée du travail, Eric Le Y... devant répondre de celles qui lui sont reprochées quant au non-respect des interruptions et des temps de repos après une période de conduite continue ; que le ministère public a pris en compte les explications données lors de l'enquête, et reprises à l'audience, par Eric Le Y... sur ces contraventions, dont le nombre a été ainsi ramené de 117 à 93 ;

"1/ alors qu'en tout état de cause, ayant déclaré que " la délégation de pouvoir invoquée par Frédéric X... n'existe pas et que celui-ci doit être tenu pour pénalement responsable, en sa qualité de cogérant, des infractions relevées par l'inspection du travail des transports " (arrêt, p.7, avant-dernier ), la cour d'appel aurait dû tirer les conséquences attachées à ses constatations et dire mal fondées les poursuites dirigées contre Eric Le Y... ; qu'en accueillant cependant celles-ci, fût-ce pour partie, elle a entaché sa décision d'une violation caractérisée de la loi ;

"2/ alors, subsidiairement, que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance de motifs équivaut à leur absence ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la juridiction d'appel a statué sur la base d'un procès-verbal unique mentionnant diverses infractions à la législation sur la durée du temps de travail et son aménagement ;

que, dès lors, la Cour de Poitiers ne pouvait, comme elle l'a fait, opérer une distinction entre infractions concernant la durée du temps de travail et infractions concernant la durée du repos hebdomadaire, les deux étant nécessairement liées ; qu'ainsi elle n'a pas conféré de base légale à sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite de contrôles exercés par l'inspection du travail des transports au siège de la société TSM Transport, Frédéric X..., président de la société, et Eric Le Y..., salarié de cette entreprise exerçant les fonctions de responsable d'exploitation, ont été poursuivis devant la juridiction répressive des chefs d'infractions à la réglementation des conditions de travail ; qu'ils ont été relaxés par le tribunal, aux motifs que, d'une part, Frédéric X... ne pouvait être considéré comme pénalement responsable, ayant délégué ses pouvoirs à Eric Le Y..., et que, d'autre part, les poursuites devaient être déclarées nulles à l'égard de ce dernier, qui n'avait pas été destinataire de l'exemplaire des procès-verbaux dont la remise est exigée, pour les infractions relatives à la durée du travail, par l'article L. 611-10, dernier alinéa, du Code du travail ;

Attendu que, pour infirmer le jugement entrepris et dire la prévention partiellement établie, l'arrêt énonce que la délégation de pouvoirs ne peut être prise en compte, dès lors qu'il en est seulement fait état dans le contrat de travail conclu par l'ancien employeur d'Eric Le Y..., l'entreprise TSM, devenue la société TSM Esport ; que les juges ajoutent que Frédéric X... doit être déclaré coupable des infractions relevées, et que la responsabilité pénale d'Eric Le Y..., qui n'a pas reçu un exemplaire des procès-verbaux, n'est concurremment engagée que pour les seules contraventions relatives aux temps de repos après une période de conduite continue ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans davantage s'expliquer sur les conditions et effets de la délégation de pouvoirs invoquée, et alors que la responsabilité pénale des infractions poursuivies ne pouvait être cumulativement retenue contre le chef d'entreprise et un préposé en raison des mêmes manquements, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Poitiers, en date du 23 septembre 2005, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Poitiers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-85889
Date de la décision : 14/03/2006
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Transports - Transports routiers publics et privés - Réglementation - Conditions de travail - Chef d'entreprise - Responsabilité pénale - Cumul de condamnations du chef d'entreprise et du préposé en raison des mêmes manquements - Possibilité (non).

TRAVAIL - Transports - Transports routiers publics et privés - Réglementation - Conditions de travail - Chef d'entreprise - Responsabilité pénale - Exonération - Cas - Délégation de pouvoirs - Conditions - Détermination

TRANSPORTS - Transports routiers publics et privés - Réglementation - Conditions de travail - Chef d'entreprise - Responsabilité pénale - Exonération - Cas - Délégation de pouvoirs - Conditions - Détermination

TRANSPORTS - Transports routiers publics et privés - Réglementation - Conditions de travail - Chef d'entreprise - Responsabilité pénale - Cumul de condamnations du chef d'entreprise et du préposé en raison des mêmes manquements - Possibilité (non)

Ne justifie pas sa décision la cour d'appel qui déclare coupables d'infractions à la réglementation du travail dans les transports routiers le dirigeant d'une société, et pour une partie des infractions poursuivies ne nécessitant pas, selon l'arrêt, la remise d'une copie des procès-verbaux au contrevenant, le responsable d'exploitation de cette société, après avoir relevé que la délégation de pouvoirs insérée dans le contrat de travail de ce salarié avant la transformation de la société ne pouvait être prise en compte, sans s'expliquer davantage sur les conditions et effets de la délégation invoquée, et alors que, pour les contraventions en cause, la responsabilité pénale ne pouvait être retenue cumulativement contre le chef d'entreprise et un préposé en raison des mêmes manquements.


Références :

Code de procédure pénale 593
Code du travail L122-12, L611-10

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 23 septembre 2005

A rapprocher : Chambre criminelle, 1986-01-22, Bulletin criminel 1986, n° 30, p. 69 (cassation) ; Chambre criminelle, 1988-01-19, Bulletin criminel 1988, n° 29, p. 75 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 mar. 2006, pourvoi n°05-85889, Bull. crim. criminel 2006 N° 75 p. 283
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 75 p. 283

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Charpenel.
Rapporteur ?: Mme Guirimand.
Avocat(s) : SCP Le Griel.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.85889
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