AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 février 2004), que M. X..., engagé à compter du 1er février 1990, en qualité d'instructeur par la société Navale française de formation et de conseil (NAVFCO) aux droits de laquelle est la société Défense conseil international (DCI), a exercé ses fonctions en Arabie saoudite jusqu'au 31 mars 2001, date d'expiration du dernier des contrats à durée déterminée successivement conclus ; que l'employeur a calculé les contributions au régime d'assurance chômage sans tenir compte de la prime d'expatriation perçue par le salarié ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à voir requalifier sa relation de travail, à obtenir diverses indemnités en raison de la rupture abusive de cette dernière et à la condamnation de l'employeur à lui verser des indemnités égales au montant des prestations chômage qui lui auraient été dues si les cotisations avaient été assises sur son salaire réel ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que la société DCI fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer des sommes à M. X... à titre d'indemnité compensatrice de préavis, au titre des congés payés y afférents et à titre de dommages-intérêts pour rupture injustifiée, alors, selon le moyen :
1 / qu'en affirmant que le contrat de travail était régi par la loi française quand aucun choix en faveur de la loi française n'était exprès ni ne résultait de façon certaine du contrat ou des circonstances de la cause, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 3 et par refus d'application l'article 6 de la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux relations contractuelles ensemble l'article 1134 du Code civil ;
2 / qu'en se référant uniquement aux termes du préambule de l'avenant n° 11 du 8 juillet 1993 à la convention collective SYNTEC pour dire qu'il n'est pas d'usage de recourir à un contrat à durée déterminée dans le secteur d'activité de l'ingénierie et pour l'emploi occupé par M. X..., sans préciser s'il s'agit d'un secteur d'activité défini par décret ou par voie de convention ou d'un accord collectif étendu, ni quel était l'emploi relevant de ce secteur occupé par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-1, L. 122-1-1, L. 122-3-10 et D. 121-2 du Code du travail ;
3 / qu'en se contentant d'affirmer que la société NAVFCO avait rompu abusivement en invoquant à tort le terme d'un contrat à durée déterminée alors que la cour d'appel aurait dû rechercher si les parties, en faisant le choix de la loi saoudienne -dans les contrats conclus à compter du 30 octobre 1991- n'avaient pas d'un commun accord nové la convention originaire faisant obstacle à ce que ces contrats puissent être regardés comme la continuation de la convention initiale de droit français, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, après avoir relevé que les parties n'avaient fait choix d'aucune loi pour régir leurs rapports, a constaté que les relations de travail étaient établies depuis un premier contrat conclu le 1er février 1990 en France entre une personne morale de droit français et un français, que le salaire de l'intéressé était libellé en francs français et déterminé par référence à la convention collective SYNTEC, que les bulletins de salaire portaient la mention de cette convention, que seules les indemnités journalières destinées à couvrir les frais exceptionnels de vie en Arabie saoudite étaient libellées en devises étrangères, que le salarié bénéficiait de la couverture sociale française et que l'employeur cotisait à la caisse de sécurité sociale des français à l'étranger, au régime de retraite complémentaire des cadres et au régime de l'assurance chômage ; qu'elle a pu en déduire que les contrats de travail successifs présentaient des liens étroits avec la France et qu'elle a exactement décidé que la loi française était applicable au litige ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a constaté que, dans le secteur d'activité de l'ingénierie, dont relevait l'employeur et pour l'emploi occupé par le salarié, il n'était pas d'usage constant de ne pas recourir à un contrat de travail à durée indéterminée ;
Attendu, enfin, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de la procédure que l'employeur a soutenu devant les juges du fond que les parties auraient convenu de nover leur accord d'origine en sorte que la loi française n'aurait plus régi leurs rapports ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa troisième branche comme nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est fondé en aucune de ses autres branches ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande tendant à ce que l'assiette des cotisations à l'assurance chômage soit déterminée sur le salaire réel, alors, selon le moyen :
1 / que les partenaires signataires d'une convention ne peuvent renvoyer à un accord intervenant entre l'employeur et la majorité des salariés concernés la possibilité d'opter pour une assiette de contribution dérogatoire au droit commun dans un sens défavorable aux salariés ; qu'en affirmant que rien ne permettait de contester la validité de la consultation opérée au sein de la société NAFVCO fondée sur l'annexe IX du règlement UNEDIC cependant qu'elle procédait d'une subdélégation illégale du pouvoir d'application qui est dévolu aux partenaires sociaux, la cour d'appel a violé les articles L. 351-8 et L. 352-2 du Code du travail ;
2 / que l'accord d'un seul salarié non investi d'une fonction de représentant du personnel ne peut conditionner à titre définitif l'application d'une assiette de cotisation dérogatoire au droit commun pour l'ensemble des salariés expatriés d'une société ; qu'en décidant que rien ne permettait de contester la validité du choix de l'option réalisé quant à l'assiette des cotisations, cependant que ce choix résultait de l'accord d'un seul salarié et était dérogatoire au droit commun pour l'ensemble des salariés concernés à titre définitif, la cour d'appel a violé les articles L. 132-2 et L. 132-26 du Code du travail ;
3 / que l'exigence précisée par l'annexe 9 au règlement UNEDIC d'une majorité pour le choix par les salariés de l'assiette sur laquelle les contributions à l'assurance chômage doivent être assises puisse être validé implique la consultation et donc l'existence de plusieurs salariés ; qu'en jugeant que la consultation organisée par la DCI était régulière cependant qu'elle n'avait concerné qu'un seul salarié, la cour d'appel a violé l'annexe n° 9 du règlement UNEDIC applicable le 24 juin 1983 ;
Mais attendu, d'abord, que les organisations syndicales d'employeurs et de travailleurs auxquelles les articles L. 351-8 et L. 352-2 du Code du travail donnent compétence pour négocier et conclure des accords ayant pour objet de déterminer les mesures d'application des dispositions légales relatives au régime d'assurance chômage, ne méconnaissent pas leur pouvoir en insérant au règlement annexé à une convention d'assurance chômage une disposition qui prévoit que les contributions sont assises soit sur les salaires perçus convertis en monnaie ayant cours légal en France sur la base du taux officiel de change lors de leur perception, soit, après accord de la majorité des salariés concernés, les salaires qui seraient perçus en France pour des fonctions correspondantes ;
Attendu, ensuite, qu'il ne résulte pas de l'arrêt ou de la procédure que M. X... a soutenu devant les juges du fond que l'accord portant sur l'adoption du salaire de comparaison comme assiette des contributions constitue un accord atypique qui lui serait inopposable en raison de son caractère moins favorable que les dispositions de l'annexe IX prévoyant que l'assiette des contributions est en principe le salaire réellement perçu ;
Attendu, enfin, que, selon l'annexe IX au règlement, le choix par l'employeur, après accord de la majorité des salariés concernés, d'asseoir les contributions sur les salaires qui seraient perçus pour des fonctions correspondantes en France, ne peut s'exercer qu'au moment de l'affiliation et à titre définitif ; qu'il en découle que cette option s'exerce de manière irrévocable au jour de l'affiliation de l'entreprise au régime des expatriés de l'assurance chômage et est opposable à ses salariés dont l'expatriation intervient ultérieurement ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel, qui a fait ressortir que l'employeur avait choisi, après avoir recueilli le 24 juin 1983 l'accord de la majorité du personnel concerné alors employé par l'entreprise, de calculer les contributions d'assurance chômage sur les salaires de comparaison, a décidé que la prime d'expatriation perçue par M. X... n'entrait pas dans l'assiette des contributions ;
D'où il suit que le moyen qui est irrecevable en sa deuxième branche comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est pour le surplus pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Défense conseil international aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Défense conseil international à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille six.