AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Charles-Hector X... est décédé le 10 avril 1988 en laissant pour lui succéder son épouse et une fille naturelle mineure sous administration légale de sa mère, Mme Y... ; que le 7 janvier 1993, un acompte sur les droits de mutation à titre gratuit dus par les ayants droit a été versé par le notaire en charge de la succession, qui a ultérieurement été remplacé par la SCP Durant des Aulnois, Pisani, Thabeault, Dubost (la SCP de notaires) ; que le 27 février 1998, l'administration fiscale a adressé à Mme Y..., en sa qualité d'administratrice légale de sa fille, une mise en demeure d'avoir à déposer la déclaration de succession dans un délai de 90 jours ; que la déclaration a été déposée par l'intermédiaire de la SCP de notaires le 30 juin 1998 avec paiement du solde dû sur les droits à acquitter ; que Mme Y... a ultérieurement sollicité de l'administration la restitution des droits ainsi versés en soutenant que la prescription était acquise au jour du paiement ; qu'en
l'absence de réponse à sa réclamation, elle a assigné le directeur des services fiscaux devant le tribunal qui n'a pas accueilli sa demande au motif qu'elle avait renoncé tacitement au bénéfice de ladite prescription en s'acquittant des droits ; que Mme Y... a fait appel du jugement et a assigné la SCP de notaires en responsabilité ; que cette dernière est alors intervenue volontairement à l'instance d'appel opposant Mme Y... à l'administration fiscale ; que la cour d'appel, qui a reçu cette intervention volontaire, a confirmé le jugement en toutes ses dispositions ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles L. 180 et L. 181 du livre des procédures fiscales ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que, lorsqu'une succession n'a pas été déclarée ou lorsque des biens n'ont pas été mentionnés dans une déclaration de succession, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle de la publicité d'un acte soumis à la formalité fusionnée et qui mentionne exactement la date et le lieu du décès ainsi que le nom et l'adresse d'au moins un des héritiers et autres ayants droit ou de l'enregistrement d'un écrit ou d'une déclaration portant les mêmes mentions, et que, ce délai de reprise ne s'applique qu'aux droits d'enregistrement dont l'exigibilité, sur des biens, sommes ou valeurs expressément mentionnés dans l'écrit ou la déclaration comme dépendant de la succession, a été suffisamment révélée, sans qu'il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures ;
Attendu que pour statuer comme elle a fait, la cour d'appel a retenu que si le paiement d'un acompte en janvier 1993 a pu interrompre le délai de prescription, l'application de la prescription abrégée qui a couru à compter de cette date ne peut avoir eu pour effet d'allonger le délai de reprise de dix ans qui courait depuis le décès, de telle sorte qu'en l'espèce l'acompte a fait courir un délai de quatre ans lequel expirait alors en 1997 ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans constater que le versement de l'acompte était accompagné de l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration ou de l'accomplissement de la formalité fusionnée révélant suffisamment l'exigibilité des droits dus sur des biens, sommes ou valeurs mentionnés dans l'écrit comme dépendant de la succession, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
Et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu les articles L. 186 et L. 189 du livre des procédures fiscales ;
Attendu que pour statuer comme elle a fait, la cour d'appel a encore retenu que même à supposer qu'un nouveau délai de dix ans ait pu courir à compter du versement de l'acompte, en tout état de cause, la prescription était acquise au plus tard le 10 avril 1998, date ultime ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'à défaut d'application de la prescription abrégée, l'interruption de la prescription du délai de reprise de l'administration a pour effet d'ouvrir au bénéfice de celle-ci un nouveau délai de même nature et de même durée que celui qui a été interrompu, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 juin 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne Mme Y... et le directeur des services fiscaux des Hauts-de-Seine aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille six.