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14/03/2006 | FRANCE | N°03-47097

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 mars 2006, 03-47097


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 septembre 2003), M. X..., engagé en janvier 1984 en qualité d'instructeur par la Société navale française de formation et de conseil (NAVFCO), aux droits de laquelle est la société Défense conseil international (DCI), a exercé ses fonctions en Arabie Saoudite jusqu'au 31 décembre 1999, date d'expiration du dernier des contrats à durée déterminée successivement conclus ; que l'employeur a calculé les contributions au r

égime d'assurance chômage et les cotisations aux régimes de retraite compléme...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 septembre 2003), M. X..., engagé en janvier 1984 en qualité d'instructeur par la Société navale française de formation et de conseil (NAVFCO), aux droits de laquelle est la société Défense conseil international (DCI), a exercé ses fonctions en Arabie Saoudite jusqu'au 31 décembre 1999, date d'expiration du dernier des contrats à durée déterminée successivement conclus ; que l'employeur a calculé les contributions au régime d'assurance chômage et les cotisations aux régimes de retraite complémentaire sans tenir compte de la prime d'expatriation perçue par le salarié ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la condamnation de l'employeur à régulariser sa situation avec effet rétroactif depuis janvier 1984 en versant le montant des contributions et cotisations assises sur la prime d'expatriation et à supporter, à titre de dommages-intérêts, la charge de la part salariale des contributions et cotisations dues ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande tendant à la condamnation de son employeur à lui assurer une protection sociale en matière d'assurance chômage équivalente au régime français de droit commun, alors, selon le moyen :

1 / que, s'agissant de l'assurance chômage, il résulte des articles L. 351-8 et L. 352-2 du Code du travail que les modalités de cotisations et de versement d'assurance chômage font l'objet d'accords collectifs entre organisations syndicales représentatives ; qu'il n'appartient pas aux partenaires sociaux, expressément désignés par la loi, de déléguer à leur tour leurs pouvoirs à un simple accord d'entreprise pour déterminer la base des cotisations ; que le renvoi à la "consultation" et à "l'accord des salariés concernés" constitue une délégation de compétence illégale, et que "l'accord" ainsi prétendument recueilli est lui-même illégal ;

que la cour d'appel a consacré un excès de pouvoir et violé les articles L. 132-19, L. 351-4, L. 351-8 et L. 352-2 du Code du travail ;

2 / qu'il résulte des propres motifs de la cour d'appel qu'il y aurait eu "consultation" du seul salarié concerné ; qu'une "consultation" n'est pas un accord ; que l'annexe IX du règlement UNEDIC exige un accord de la majorité des salariés concernés ; qu'en validant par conséquent comme "accord" ce qui n'était qu'une simple décision unilatérale de l'employeur, la cour d'appel a violé le règlement UNEDIC et son annexe IX ;

3 / que ne constitue pas un accord d'entreprise un prétendu accord conclu entre l'entreprise et un salarié unique, l'accord d'entreprise supposant à tout le moins la consultation et l'engagement d'une collectivité de salariés, l'accord conclu avec un salarié ne pouvant relever que du contrat individuel de travail ; que la cour d'appel, en validant un "accord" conclu avec un seul salarié et non avec la "majorité" des salariés concernés, ce qui impliquait l'existence d'un vrai accord collectif, a violé les articles L. 132-19 et L. 351-8 du Code du travail et l'annexe IX du règlement UNEDIC ;

4 / qu'à supposer valable "l'accord" du 24 juin 1982, cet accord n'aurait valeur que d'accord atypique, lequel ne peut être opposable aux salariés que dans la mesure où il contient des clauses plus favorables que celles résultant de la loi ou de l'accord collectif ; que la cour d'appel a violé les articles L. 132-19 et L. 135-2 du Code du travail ;

5 / que le prétendu caractère "irrévocable" de l'option ne pouvait concerner que le salarié pour lequel elle avait lieu, cette option devant être offerte à chaque salarié expatrié ; que, faute du moindre choix offert à M. X..., le choix opéré par d'autres ne lui était pas favorable ; que la cour d'appel a violé l'annexe IX du règlement UNEDIC ;

Mais attendu, d'abord, que les organisations syndicales d'employeurs et de travailleurs auxquelles les articles L. 351-8 et L. 352-2 du Code du travail donnent compétence pour négocier et conclure des accords ayant pour objet de déterminer les mesures d'application des dispositions légales relatives au régime d'assurance chômage ne méconnaissent pas leur pouvoir en insérant au règlement annexé à une convention d'assurance chômage une disposition qui prévoit que les contributions sont assises soit sur les salaires perçus convertis en monnaie ayant cours légal en France sur la base du taux officiel de change lors de leur perception, soit, après accord de la majorité des salariés concernés, sur les salaires qui seraient perçus en France pour des fonctions correspondantes ;

Attendu, ensuite, qu'il ne résulte pas de l'arrêt ou de la procédure que M. X... a soutenu devant les juges du fond que l'accord portant sur l'adoption du salaire de comparaison comme assiette des cotisations constitue un accord atypique qui lui serait inopposable en raison de son caractère moins favorable que les dispositions de l'annexe IX prévoyant que l'assiette des contributions est en principe le salaire réellement perçu ;

Attendu, enfin, que, selon l'annexe IX au règlement, le choix par l'employeur, après accord de la majorité des salariés concernés, d'asseoir les contributions sur les salaires qui seraient perçus pour des fonctions correspondantes en France, ne peut s'exercer qu'au moment de l'affiliation et à titre définitif ; qu'il en découle que cette option s'exerce de manière irrévocable au jour de l'affiliation de l'entreprise au régime des expatriés de l'assurance chômage et est opposable à ses salariés dont l'expatriation intervient ultérieurement ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur avait choisi, après avoir recueilli le 24 juin 1983 l'accord de la majorité du personnel concerné alors employé par l'entreprise, de calculer les contributions d'assurance chômage sur les salaires de comparaison, a décidé que la prime d'expatriation perçue par M. X... n'entrait pas dans l'assiette des contributions ;

D'où il suit que le moyen, qui est irrecevable en sa quatrième branche comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est pour le surplus pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande tendant à la condamnation de son employeur à lui assurer une protection sociale en matière de retraite équivalente au régime français de droit commun, alors, selon le moyen :

1 / que les dispositions de la convention collective, reconnues applicables par la cour d'appel, en matière d'assurance vieillesse, et plus favorables au salarié puisqu'elles prévoient l'obligation pour l'employeur d'affilier ses salariés expatriés à un régime de retraite complémentaire avec "des garanties analogues à celle du régime général" de la Sécurité sociale, rendaient également obligatoire le fait que l'assiette des cotisations devait être identique à celle des travailleurs restés en France et comprendre l'intégralité des rémunérations versées au salarié, prime d'expatriation comprise ; que cette disposition excluait par conséquent, nécessairement, la faculté d'option offerte par la délibération D 5 de l'AGIRC en matière de retraite complémentaire des salariés expatriés avant 1996 ; qu'en déclarant applicable cette délibération, et en donnant un choix à l'employeur en matière d'assiette de cotisations, la cour d'appel a violé l'article 72 du titre IX de la convention collective SYNTEC et l'article L. 135-2 du Code du travail ;

2 / qu'il résulte des propres motifs de la cour d'appel qu'il y aurait eu "consultation" du seul salarié concerné ; qu'une "consultation" n'est pas un accord ; que la délibération D 5, dans sa rédaction applicable avant 1996, exigeait un accord ; qu'en validant par conséquent comme "accord" ce qui n'était qu'une simple décision unilatérale de l'employeur, la cour d'appel a violé cette délibération ;

3 / que ne constitue pas un accord d'entreprise un prétendu accord conclu entre l'entreprise et un salarié unique, l'accord d'entreprise supposant à tout le moins la consultation et l'engagement d'une collectivité de salariés, l'accord conclu avec un salarié ne pouvant relever que du contrat individuel de travail ; que la cour d'appel a violé les articles L. 132-19 et L. 351-8 du Code du travail et la délibération D 5 dans sa rédaction applicable avant 1996 ;

4 / qu'à supposer valable "l'accord" du 24 juin 1982, cet accord n'aurait valeur que d'accord atypique, lequel ne peut être opposable aux salariés que dans la mesure où il contient des clauses plus favorables que celles résultant de la loi ou d'un accord collectif ; que la cour d'appel a violé les articles L. 132-19 et L. 135-2 du Code du travail ;

5 / qu'en toute hypothèse, l'application de la délibération D 5, prise en application de la convention collective de retraite des cadres prévoyait pour les entreprises une faculté d'option ouverte au salarié concerné ; que le choix exercé par un salarié ne pouvait s'imposer à un autre, l'option étant propre au salarié concerné et non à l'entreprise ; que la cour d'appel a violé la délibération D 5 de l'AGIRC ;

6 / qu'il résulte de l'arrêt lui-même que, à compter du 31 décembre 1995, l'option prétendument offerte aux entreprises en ce qui concerne l'assiette des cotisations a disparu, une délibération modifiant la délibération D 5 ayant prévu que l'assiette comprendrait les primes et avantages contenus dans le contrat d'expatriation ; qu'en refusant toute régularisation au bénéfice de M. X..., au moins à compter du 1er janvier 1996 et jusqu'à son départ fixé, selon la cour d'appel elle-même, le 31 décembre 1998, la cour d'appel a violé par refus d'application la délibération modificative dont elle reconnaît qu'elle est désormais applicable ;

Mais attendu, d'abord, que l'alinéa 2 de l'article 72 de la convention collective des bureaux d'études, cabinets d'ingénieurs-conseils, sociétés de conseils prévoit que le régime volontaire risque vieillesse de la Sécurité sociale et le régime des retraites complémentaires seront maintenus au profit des salariés occupés hors de France métropolitaine et que la charge en sera supportée par le salarié et l'employeur dans les proportions habituelles et les conditions prévues par la loi ; que ce texte ne prive pas l'employeur qu'il astreint à faire bénéficier, par voie d'extension territoriale, les personnes qu'il occupe hors de France de la Convention collective nationale de prévoyance et de retraite des cadres du 14 mars 1947, de la faculté offerte par la délibération D 5 de cette dernière convention de se référer, pour déterminer l'assiette des cotisations, aux salaires qui seraient perçus en France pour des fonctions correspondantes, cette option n'ayant pas pour effet de diminuer les droits futurs à pension de retraite des intéressés ou d'augmenter leur part dans la charge des cotisations ;

Attendu, ensuite, qu'il ne résulte pas de l'arrêt ou de la procédure que M. X... a soutenu devant les juges du fond que l'accord portant sur l'adoption du salaire de comparaison comme assiette des cotisations constitue un accord atypique qui lui serait inopposable en raison de son caractère moins favorable que les dispositions de la délibération D 5 prévoyant que l'assiette des cotisations est en principe le salaire réellement perçu ;

Attendu, encore, que, selon la délibération D 5, dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 1996, la décision de se référer, pour déterminer l'assiette des cotisations, aux salaires qui auraient été perçus en France pour des fonctions correspondantes est prise par voie d'accord conclu conformément à l'article 16 de la convention ; que celui-ci énonce que les accords intervenant dans les entreprises pour l'application des mesures prévues par la présente convention, s'ils sont conclus entre l'employeur et la majorité des participants en activité concernés par ladite mesure comportent, pour l'ensemble des bénéficiaires visés auxdits accords et dans tous les cas, le même caractère obligatoire que celui prévu à l'article R. 731-8 du Code de la sécurité sociale ; qu'il s'ensuit que cet accord est opposable aux salariés de l'entreprise dont l'expatriation intervient ultérieurement à sa conclusion ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur avait passé le 24 juin 1983 avec la majorité du personnel alors concerné de l'entreprise un accord prévoyant de calculer les cotisations au régime de retraite complémentaire des cadres sur les salaires de comparaison, a décidé que la prime d'expatriation perçue par M. X... n'entrait pas dans l'assiette des cotisations dues jusqu'au 31 décembre 1995 ;

Attendu, enfin, que la délibération D 5 dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 1996 prévoit que pour les agents dont l'activité s'exerce hors de France, les cotisations sont calculées, pour les salariés concernés par les cas A et C', sur la base du salaire qui aurait été perçu en France pour les fonctions correspondantes, éventuellement augmenté de tout ou partie des primes et avantage en nature, ainsi que prévu dans le contrat d'expatriation ; qu'il ne résulte pas de l'arrêt et de la procédure que M. X... a soutenu devant les juges du fond avoir convenu avec l'employeur que la prime d'expatriation qu'il percevait serait incluse dans l'assiette des cotisations ;

D'où il suit que le moyen, qui est irrecevable en ses quatrième et sixième branches comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est pour le surplus pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Défense conseil international (DCI) ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 03-47097
Date de la décision : 14/03/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° EMPLOI - Travailleurs privés d'emploi - Garantie de ressources - Allocation d'assurance - Accords conclus entre employeurs et travailleurs - Mesures d'application - Pouvoir des organisations syndicales - Etendue - Détermination.

1° EMPLOI - Travailleurs privés d'emploi - Garantie de ressources - Allocation d'assurance - Calcul - Assiette - Salaire de référence - Etendue - Détermination - Modalités.

1° Les organisations syndicales d'employeurs et de travailleurs auxquelles les articles L. 351-8 et L. 352-2 du code du travail donnent compétence pour négocier et conclure des accords ayant pour objet de déterminer les mesures d'application des dispositions légales relatives au régime d'assurance chômage ne méconnaissent pas leur pouvoir en insérant au règlement annexé à une convention d'assurance chômage une disposition qui prévoit que les contributions sont assises soit sur les salaires perçus, convertis en monnaie ayant cours légal en France, soit, après accord de la majorité des salariés concernés, sur les salaires qui seraient perçus en France pour des fonctions correspondantes.

2° EMPLOI - Travailleurs privés d'emploi - Garantie de ressources - Privation totale d'emploi - Assurance - Souscription - Obligation de l'employeur - Régime des expatriés - Option - Exercice - Portée.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Employeur - Obligations - Assurance contre le risque de privation d'emploi - Souscription - Option - Exercice - Caractère irrévocable - Portée.

2° L'option s'exerce de manière irrévocable au jour de l'affiliation de l'entreprise au régime des expatriés de l'assurance chômage et est opposable à ses salariés dont l'expatriation intervient ultérieurement.


Références :

2° :
2° :
Code du travail L351-8, L352-2, L132-19, L351-4
Convention collective UNEDIC annexe IX du 31 décembre 1959, modifiée 1979-03-27

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 16 septembre 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 mar. 2006, pourvoi n°03-47097, Bull. civ. 2006 V N° 99 p. 91
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 V N° 99 p. 91

Composition du Tribunal
Président : M. Sargos.
Avocat général : M. Maynial.
Rapporteur ?: M. Chauviré.
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Monod et Colin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:03.47097
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