AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 novembre 2004), que la Société bretonne d'aménagement foncier et d'établissement rural (SBAFER) a acquis, le 14 avril 2000, diverses parcelles de terres et de prés ; que, le 25 février 2000, la SBAFER a adressé au président de la commission départementale d'orientation de l'agriculture une déclaration "de cumuls" portant sur la situation des quatre attributaires retenus : MM. X..., Le Y..., Z... et Le A... ; que, par décision du 4 mai 2000, elle a retrocédé les parcelles à ces derniers ; que, le 29 septembre 2000, M. Le B..., candidat évincé, a assigné la SBAFER et les rétrocessionnaires pour faire prononcer l'annulation de la décision de rétrocession et des actes de vente subséquents ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 7 du décret du 28 novembre 1983 applicable en la cause, ensemble les articles L. 142-2, L. 331-6, L. 331-7 et L. 331-8 du Code rural, pris dans leur rédaction antérieure à la loi du 9 juillet 1999 ;
Attendu que toute autorité de l'Etat ou d'un établissement public administratif de l'Etat, saisie d'une demande dont l'examen relève d'une autre autorité, est tenue, quelle que soit la personne morale dont relève cette autorité, de transmettre la demande à l'autorité compétente et que la transmission est réputée faite dès le dépôt de la demande ;
Attendu que pour annuler la décision de rétrocession, l'arrêt retient que la SBAFER soutient une thèse qui ne suffit pas à valider la procédure puisque, à admettre que la commission départementale d'orientation de l'agriculture est présidée par le préfet ou son représentant, elle n'est qu'un organe consultatif qui, par hypothèse, n'exerce pas les pouvoirs que confèrent aux Préfets les articles L. 331-8 1 2e phrase et 2 et l'article L. 331-12 du Code rural, en sorte qu'il faut considérer que la lettre du 25 février 2000 adressée au président de la commission départementale d'orientation agricole à la Direction départementale de l'agriculture du Morbihan n'a pas été adressée à l'organe habilité par la loi à la recevoir, que dès lors ni la SBAFER ni les rétrocessionnaires ne sont en mesure de justifier de l'accomplissement de la formalité de déclaration imposée par l'article L. 331-6 du Code rural en ce qu'elle doit être adressée au préfet du département dans lequel est situé le fonds ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu les articles L. 142-2 et L. 331-6 du Code rural, pris dans leur rédaction antérieure à la loi du 9 juillet 1999 ;
Attendu que les opérations immobilières résultant de l'application des dispositions des articles L. 141-1 à L. 141-5 s'effectuent, en ce qui concerne la rétrocession des terres et exploitations, sous réserve des dispositions relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles ; que la déclaration ou la demande d'autorisation est adressée au préfet du département sur lequel est situé le fonds ;
Attendu que pour annuler la décision de rétrocession, l'arrêt retient qu'il incombe moins à la SBAFER de justifier du fait qu'elle a adressé elle-même une déclaration au nom des quatre rétrocessionnaires au préfet du département du Morbihan, que de justifier du fait qu'elle a subordonné la rétrocession à la justification par chacun d'eux d'une déclaration préalable, que la SBAFER ne vise aucune pièce d'où il résulterait qu'elle a exprimé cette réserve ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la société d'aménagement foncier et d'établissement rural qui a adressé la déclaration requise par l'article L. 331-6 du Code rural n'est pas tenue de subordonner la rétrocession à la réalisation par ses attributaires d'une formalité qu'elle a elle-même accomplie pour leur compte, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que les cessions d'immeubles opérées par la SBAFER, selon décision du 4 mai 2000, au profit de MM. X..., Le Y..., Z... et Le A... relèvent du régime de la déclaration inscrit dans les termes de l'article L. 331-4 (7e) du Code rural dans sa rédaction antérieure à la loi du 9 juillet 1999, l'arrêt rendu le 24 novembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne M. Le B... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Le B... à payer à la société SBAFER et aux époux X... et Z..., et à MM. Le Y... et Le A..., ensemble, la somme de 2 000 euros et rejette la demande de M. Le B... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille six.