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07/03/2006 | FRANCE | N°05-11338

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 07 mars 2006, 05-11338


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que le 17 juin 2004 la société Michel Lafon a fait publier un livre intitulé "Fanny Mes nuits noires dans la ville rose" ayant pour auteur Mme Florence X... ; qu'avant la parution de l'ouvrage, le journal Le Parisien a publié les 5 et 13 juin 2004 un entretien avec M. Y... intitulé "Le procureur Y... prépare sa contre-attaque" et un article dans lequel l'un des personnages du livre dénommé "Le Cobra" était identifié comme étant M. Y... ; que ce dernier a assigné

en référé la société d'édition pour voir ordonner le retrait de la vent...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que le 17 juin 2004 la société Michel Lafon a fait publier un livre intitulé "Fanny Mes nuits noires dans la ville rose" ayant pour auteur Mme Florence X... ; qu'avant la parution de l'ouvrage, le journal Le Parisien a publié les 5 et 13 juin 2004 un entretien avec M. Y... intitulé "Le procureur Y... prépare sa contre-attaque" et un article dans lequel l'un des personnages du livre dénommé "Le Cobra" était identifié comme étant M. Y... ; que ce dernier a assigné en référé la société d'édition pour voir ordonner le retrait de la vente du livre tant que ne seraient pas supprimés dix passages mettant en scène ledit "Cobra" et qu'il estimait diffamatoires ; que, par ordonnance du 21 juillet 2004 le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a fait droit à cette demande en faisant injonction à la société Michel Lafon de retirer de la vente l'ouvrage afin d'occulter les dix passages litigieux dans un délai de trois jours, à peine d'astreinte ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt (Paris, 6 octobre 2004) d'avoir rejeté la demande de la société Michel Lafon tendant à voir prononcer la nullité de l'assignation de première instance alors qu'en application des dispositions des articles 6 et 42 de loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, toute publication de presse doit avoir un directeur de publication qui, dans une société anonyme, est son représentant légal, lequel est l'auteur principal, responsable civilement et pénalement, des infractions de presse ; et qu'est irrecevable devant le juge des référés l'action dirigée à l'encontre de la seule personne morale, société d'édition, visant à faire cesser un trouble manifestement illicite constitué par une diffamation en application des articles 29 et 32 de loi du 29 juillet 1881, si le directeur de la publication n'a pas été préalablement ou concomitamment assigné ; qu'en considérant que l'article 42 de la loi n'était pas applicable devant le juge des référés et en validant l'assignation délivrée uniquement à cette personne morale, la cour d'appel aurait violé les articles susvisés par refus d'application ainsi que l'article 809 alinéa 1er du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'aucune disposition de la loi sur la liberté de la presse ne subordonne à la mise en cause de l'auteur de l'écrit la poursuite, à titre d'auteur principal, du directeur de la publication ou celle, à quelque titre que ce soit, d'autres personnes responsables en application des articles 42 et 43 de ladite loi ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu qu'il est encore fait grief à la cour d'appel de n'avoir pas recherché comme elle y était invitée par la société Michel Lafon si les faits imputés à M. Y... magistrat, prétendument pratiqués soit dans le cadre de ses fonctions, soit en dehors de ses fonctions, mais en usant de sa qualité pour protéger des malfaiteurs et commettre des actes illicites, ne constitueraient pas des abus de fonctions, de sorte que l'assignation devant le juge des référés, visant l'article 32 de loi du 29 juillet 1881 et non l'article 31 serait entachée de nullité, et de n'avoir pas donné de base légale à sa décision au regard des articles précités et de l'article 53 de ladite loi ;

Mais attendu que la cour d'appel a justifié sa décision de rejeter l'exception de nullité de la citation dès lors que les imputations ne contenant la critique d'aucun acte ou abus accompli au titre de la fonction publique au sens de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 et n'entretenant aucun rapport étroit direct avec l'exercice de cette fonction publique, l'indication de la profession du plaignant ne pouvait avoir aucune incidence sur la qualification des faits visés dans l'acte de poursuite, lequel répondait en la forme aux exigences de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Michel Lafon publishing aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 05-11338
Date de la décision : 07/03/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° PRESSE - Abus de la liberté d'expression - Définition - Diffamation - Diffamation envers des personnes à raison de leurs fonctions publiques - Qualification - Conditions - Détermination.

1° Une cour d'appel justifie sa décision de rejeter l'exception de nullité d'une citation dès lors que les imputations ne contenant la critique d'aucun acte ou abus accomplis au titre de la fonction publique au sens de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 et n'entretenant aucun rapport étroit direct avec l'exercice de cette fonction publique, l'indication de la profession du plaignant ne pouvait avoir aucune incidence sur la qualification des faits visés dans l'acte de poursuite.

2° PRESSE - Procédure - Action en justice - Personnes poursuivies - Détermination - Portée.

2° PRESSE - Action en justice - Personnes poursuivies - Auteur de l'écrit - Conditions - Poursuite du directeur de la publication (non).

2° Aucune disposition de la loi sur la liberté de la presse ne subordonne à la mise en cause de l'auteur de l'écrit, la poursuite, à titre d'auteur principal, du directeur de la publication ou celle, à quelque titre que ce soit, d'autres personnes responsables en application des articles 42 et 43 de ladite loi.


Références :

1° :
2° :
2° :
Loi du 29 juillet 1881 art. 31
Loi du 29 juillet 1881 art. 42, art. 43
Nouveau code de procédure civile 809

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 octobre 2004

Sur le n° 1 : Dans le même sens que : Chambre civile 2, 2000-02-24, Bulletin 2000, II, n° 36, p. 24 (rejet). Sur le n° 2 : Dans le même sens que : Chambre criminelle, 1992-07-16, Bulletin criminel 1992, n° 273 (3), p. 740 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 07 mar. 2006, pourvoi n°05-11338, Bull. civ. 2006 I N° 137 p. 127
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 I N° 137 p. 127

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel.
Avocat général : Mme Petit.
Rapporteur ?: Mme Crédeville.
Avocat(s) : Me Copper-Royer, SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.11338
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