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01/03/2006 | FRANCE | N°06-80503

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 mars 2006, 06-80503


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier mars deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller KOERING-JOULIN, les observations de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Stephen,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DOUAI, en date du 20 janvier 2006, qui a autorisé sa

remise aux autorités judiciaires belges en exécution d'un mandat d'arrêt européen ;

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier mars deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller KOERING-JOULIN, les observations de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Stephen,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DOUAI, en date du 20 janvier 2006, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires belges en exécution d'un mandat d'arrêt européen ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Stephen X... a été interpellé le 6 janvier 2006, à 11 heures 45, à l'aubette tourisme de Cheriton, dans la zone de contrôle française située sur le territoire britannique, par des fonctionnaires de la police aux frontières agissant dans le cadre de l'article 10 du Protocole de Sangatte, du 25 novembre 1991, relatif aux contrôles frontaliers et à la police, à la coopération judiciaire en matière pénale, à la sécurité civile et à l'assistance mutuelle, concernant la liaison fixe transmanche ; que son interpellation est intervenue en exécution d'un mandat d'arrêt européen délivré le 23 décembre 2005 par un juge d'instruction du tribunal de première instance de Furnes (Belgique) pour l'exercice de poursuites pénales des chefs de détention, transport et importation de stupéfiants ;

que, le même jour, dès l'arrivée sur le sol français, à 15 heures 50, de la navette ferroviaire qui le transportait, l'intéressé a été conduit à l'hôtel de police de Coquelles (Pas-de-Calais) où, à 16 heures, un officier de police judiciaire l'a placé en rétention, les droits prévus par les articles 63-1 à 63-5 du Code de procédure pénale lui ayant été notifiés, en présence d'un interprète, à 16 heures 25, en application de l'article 695-27, alinéa 1, dudit Code ; que, le 8 janvier 2006, la mesure de rétention ayant pris fin à 7 heures 30, Stephen X... a été conduit devant le procureur général près la cour d'appel de Douai qui, après avoir vérifié son identité, a procédé aux formalités prévues par l'alinéa 2 de l'article 695-27 ;

Attendu que, devant la chambre de l'instruction, l'intéressé a refusé de consentir à sa remise et demandé que soit constatée la nullité de la mesure de "garde à vue" et de la procédure subséquente ainsi que du procès-verbal de notification du mandat d'arrêt européen ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 695-27 et 63-1 à 65 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense et de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité prise de l'absence de notification immédiate de la nature de l'infraction et des droits et a autorisé la remise de Stephen X... aux autorités judiciaires belges ;

"aux motifs que la loi française ne peut recevoir application qu'à partir du moment où la personne interpellée arrive sur le territoire français ; qu'aucune disposition du Protocole de Sangatte ne régit la période qui s'écoule entre le moment de l'arrestation et celui du transfert sur le territoire français ; que les policiers français ont interpellé Stephen X... à Cheriton (Grande-Bretagne) le 6 janvier 2006 à 11 heures 45, ont rédigé le procès-verbal d'interpellation, ont embarqué avec lui dans la première navette utile partant à 15 heures 06, sont arrivés sur le territoire français à 15 heures 50 sur le site du tunnel et à l'hôtel de police de Cocquelles à 16 heures, où les droits prévus aux articles 63-1 à 63-4 du Code de procédure pénale lui ont été notifiés à 16 heures 25, en présence d'un interprète ; qu'en conséquence, le grief de tardiveté ne saurait être retenu ;

"alors que toute personne appréhendée en exécution d'un mandat d'arrêt européen doit être immédiatement informée de la nature de l'infraction et de ses droits, y compris lorsque les policiers français l'arrêtent et la retiennent en territoire britannique en application du Protocole de Sangatte du 25 novembre 1991 et du Protocole additionnel du 29 mai 2000 ; qu'en l'espèce, Stephen X... a été interpellé par des policiers français à Cheriton, dans la zone britannique destinée à l'accès au tunnel sous la Manche, le vendredi 6 janvier 2006 à 11 heures 45 ; que les policiers ont immédiatement dressé un procès-verbal d'arrestation ; que ce n'est cependant que près de 5 heures plus tard, à 16 heures 25, à Coquelles, que les policiers français ont notifié à Stephen X... qu'il était "placé en rétention judiciaire à compter du 6 janvier 2006 à 11 heures 45, moment de l'interpellation, pour une durée de 24 heures" pouvant être prolongée de 24 heures et l'ont informé des droits mentionnés aux articles 63-1 à 63-4 du Code de procédure pénale ; qu'en rejetant néanmoins l'exception de nullité tirée de cette notification tardive, la chambre de l'instruction, qui n'a constaté nulle circonstance insurmontable, a violé les dispositions susvisées ;

"et autres motifs que Stephen X... a été informé qu'il faisait l'objet d'un mandat d'arrêt européen dès le 6 janvier 2006 à 16 heures 25 ;

"alors que ce n'est que le samedi 7 janvier 2006, à 8 heures 30, soit près de 21 heures après son arrestation, que les policiers lui ont notifié la nature de l'infraction pour laquelle il était recherché ;

"qu'en rejetant néanmoins l'exception de nullité tirée de cette notification tardive, la chambre de l'instruction, qui s'est fondée de façon inopérante sur un procès-verbal dont il ne résulte pas que le 6 janvier 2006 à 16 heures 25 il ait été informé de l'infraction pour laquelle un mandat d'arrêt européen avait été délivré contre lui, et qui n'a constaté nulle circonstance insurmontable, a violé les dispositions susvisées" ;

Attendu que, pour refuser d'annuler les pièces de la procédure, l'arrêt attaqué énonce que l'information relative à l'existence et au contenu du mandat d'arrêt européen ainsi qu'aux droits prévus par les articles 63-1 à 63-5 du Code de procédure pénale a été donnée à la personne recherchée le 6 janvier 2006 à 16 heures 25 par un officier de police judiciaire en fonction à Coquelles, soit vingt-cinq minutes après que ce dernier l'eut placée en rétention ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 695-27 et 63-1 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense et de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité prise de l'absence de prorogation régulière de la mesure de rétention et a autorisé la remise de Stephen X... aux autorités judiciaires belges ;

"aux motifs qu'aucune prorogation à l'expiration du délai de 24 heures n'était nécessaire s'agissant, non pas d'une garde à vue dont la durée est réglementée par l'article 63 du Code de procédure pénale, auquel ne renvoie pas l'article 695-27, mais d'une rétention, la personne appréhendée devant être conduite dans les 48 heures devant le procureur général ;

"alors que le renvoi par l'article 695-27 aux dispositions des articles 63-1 à 63-5 du Code de procédure pénale conduit à appliquer à la rétention effectuée en vertu d'un mandat d'arrêt européen les règles relatives à la garde à vue telles que les formalités substantielles de prolongation au-delà de 24 heures, puisque l'article 63-1 renvoie lui-même à l'article 63, le tout dans la limite du délai de 48 heures de présentation au procureur général ;

qu'en décidant néanmoins le contraire, la chambre de l'instruction a porté atteinte aux droits de la défense et a violé les textes susvisés" ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de la mesure de rétention prise à l'encontre de la personne recherchée et appréhendée, l'arrêt énonce que cette mesure ne peut s'analyser en une garde à vue au seul motif que l'intéressée bénéficie des dispositions des articles 63-1 à 63-5 du Code de procédure pénale, et que c'est à l'issue d'une rétention régulière que Stephen X... a été conduit devant le procureur général le 8 janvier 2006 au matin, soit dans les quarante-huit heures de son interpellation, conformément à l'article 695-27, alinéa 1, dudit Code ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 695-27 du Code de procédure pénale, ensemble des droits de la défense et de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité prise du non-respect de l'obligation de notifier le mandat d'arrêt européen dans les 48 heures et a autorisé la remise de Stephen X... aux autorités judiciaires belges ;

"aux motifs que, même si Stephen X... excipe de ce que le procès-verbal de notification du mandat d'arrêt européen ne porte pas mention de l'heure de sa présentation au procureur général, un policier de Coquelles a contacté le procureur général près la cour d'appel de Douai, en la personne de Mme Dellelis, substitut général, le 6 janvier 2006 à 17 heures 30, laquelle lui a prescrit de lui présenter le 8 janvier à 9 heures 30 Stephen X..., interpellé le 6 janvier à 11 heures 45 ; que, le 8 janvier 2006 à 7 heures 30, l'officier de police judiciaire a notifié à Stephen X... qu'il était mis fin à la mesure de rétention pour qu'il soit conduit devant le procureur général ; qu'en conséquence, sans qu'il soit nécessaire que le procès-verbal d'audition de Stephen X... soit horodaté, il apparaît que l'intéressé a été conduit devant le procureur général dans les 48 heures de son appréhension, conformément aux dispositions de l'article 695-27 du Code de procédure pénale ;

"alors qu'il est constant que le procès-verbal de notification du mandat d'arrêt européen par le substitut général près la cour d'appel de Douai du 8 janvier 2006 ne porte pas l'heure de la présentation de Stephen X... à ce magistrat ; qu'il n'existe aucune présomption de régularité ; qu'ainsi, l'omission de cette formalité substantielle, qui porte nécessairement atteinte aux droits de la défense, ne permet pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle ni de s'assurer si le délai de 48 heures, qui expirait dimanche 8 janvier 2006 à 11 heures 45, n'a pas été dépassé, en quoi la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale" ;

Attendu que le moyen, qui se borne à reprendre l'argumentation que, par une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction, la chambre de l'instruction a écartée à bon droit, ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Koering-Joulin conseiller rapporteur, M. Le Gall, Mme Chanet, M. Pelletier, Mme Ponroy, MM. Arnould, Corneloup, Mme Ract-Madoux conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Davenas ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-80503
Date de la décision : 01/03/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° MANDAT D'ARRET EUROPEEN - Exécution - Procédure - Arrestation - Rétention de la personne recherchée - Droits prévus par les articles à 63-5 du code de procédure pénale - Notification - Retard - Défaut - Cas.

1° Justifie sa décision la chambre de l'instruction qui refuse d'annuler, comme tardive, l'information relative aux droits prévus par les articles 63-1 à 63-5 du code de procédure pénale donnée à la personne recherchée, par un officier de police judiciaire, le 6 janvier 2006 à 16 heures 25, alors que ladite personne, interpellée le même jour à 11 heures 45 sur le territoire britannique a été embarquée dans la première navette ferroviaire à destination de la France, puis, peu après son arrivée sur le territoire français, à 15 heures 50, placée en rétention à 16 heures.

2° MANDAT D'ARRET EUROPEEN - Exécution - Procédure - Arrestation - Rétention de la personne recherchée - Nature juridique - Garde à vue (non).

2° Ne saurait être considérée comme une mesure de garde à vue la rétention pendant quarante-huit heures de la personne recherchée avant sa conduite devant le procureur général, prévue par l'article 695-27, alinéa 1er, du code procédure pénale. En conséquence, justifie sa décision la chambre de l'instruction qui refuse d'annuler la rétention au motif qu'à l'issue de vingt-quatre heures elle n'aurait pas fait l'objet d'une prolongation régulière.


Références :

2° :
Code de procédure pénale 63-1 à 63-5, 695-27

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai (chambre de l'instruction), 20 janvier 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 mar. 2006, pourvoi n°06-80503, Bull. crim. criminel 2006 N° 62 p. 243
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 62 p. 243

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Davenas.
Rapporteur ?: Mme Koering-Joulin.
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:06.80503
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