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28/02/2006 | FRANCE | N°02-19809

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 28 février 2006, 02-19809


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu que par acte authentique du 31 mai 1991, Mme X..., épouse séparée de biens de M. Y..., a acquis de ses parents, les époux X..., le bien immobilier constituant le logement de sa famille, que cette acquisition a été financée par un prêt consenti par la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Alpes de Haute-Provence aux droits de laquelle se trouve la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Provenc

e Côte-d'Azur, garanti par un privilège de prêteur de deniers inscrit sur l'im...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu que par acte authentique du 31 mai 1991, Mme X..., épouse séparée de biens de M. Y..., a acquis de ses parents, les époux X..., le bien immobilier constituant le logement de sa famille, que cette acquisition a été financée par un prêt consenti par la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Alpes de Haute-Provence aux droits de laquelle se trouve la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Provence Côte-d'Azur, garanti par un privilège de prêteur de deniers inscrit sur l'immeuble ; qu'à la suite de la défaillance de l'emprunteuse, la banque a engagé une procédure de saisie immobilière en vertu d'un commandement délivré le 3 décembre 1997 à Mme X... ; que M. Y... est intervenu volontairement à l'instance et a déposé, le 29 avril 1998, un dire tendant à voir prononcer la nullité de l'acte de prêt et de l'affectation hypothécaire sur le fondement de l'article 215, alinéa 3, du Code civil, en faisant valoir que son épouse avait disposé de ses droits sur le logement familial sans son consentement ;

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 24 octobre 2001) d'avoir déclaré sa demande irrecevable, alors, selon le moyen :

1 / que la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, se borner à relever que l'article 215, alinéa 3, du Code civil ne saurait concerner l'acquisition du logement par l'épouse même s'il était destiné à devenir le logement de la famille, sans autre explication sur les conclusions de M. Y... faisant valoir qu'il constituait déjà, lors de l'achat, le logement familial puisqu'ils en étaient locataires ;

2 / qu'il résulte des termes généraux de l'article 215, alinéa 3, du Code civil instituant un régime de protection du logement familial que ce texte vise tous les actes qui anéantissent ou réduisent les droits réels ou les droits personnels de l'un des conjoints sur le logement de la famille, d'où il résulte qu'en estimant que l'épouse avait pu consentir seule un privilège de prêteurs de deniers sur le logement familial, cependant qu'un tel acte s'analyse en une sûreté réelle susceptible de compromettre la finalité familiale du logement et partant requiert le consentement des deux époux, la cour d'appel a violé l'article 215, alinéa 3, du Code civil ;

3 / qu'en relevant que M. Y... était nécessairement informé du prêt consenti à son épouse et des difficultés de remboursement puisque le 29 novembre 1995 il signifiait au Crédit agricole sa volonté, en accord avec son épouse, de se désolidariser du compte joint pour de ne pas subir les conséquences des litiges avec la banque, sans expliquer en quoi il résultait de cette lettre sa connaissance de l'existence du prêt et de la sûreté dont il était assorti, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 215, alinéa 3, du Code civil ;

4 / que l'article 215, alinéa 3, du Code civil ne peut avoir pour effet de priver le conjoint du droit d'invoquer la nullité comme moyen de défense contre la demande d'exécution d'un acte irrégulièrement passé par l'autre époux, d'où il résulte que la cour ne pouvait déclarer irrecevable comme prescrite la prétention de M. Y... qui s'analysait en une exception de nullité de l'acte de prêt invoquée à l'appui de sa demande tendant à obtenir l'annulation de la saisie pratiquée par le Crédit agricole ; qu'elle a ainsi violé le texte susvisé ;

Mais attendu que la règle selon laquelle l'exception de nullité est perpétuelle ne peut être invoquée par l'époux qui n'a pas la qualité de défendeur et agit par voie d'action en déposant un dire dans la procédure de saisie immobilière poursuivie à l'encontre de son épouse ;

qu'ayant énoncé à bon droit que l'action en nullité du prêt engagée par M. Y... sur le fondement de l'article 215, alinéa 3, du Code civil devait être exercée dans le délai d'un an à compter de la connaissance de l'acte, la cour d'appel a souverainement estimé que la lettre adressée le 29 novembre 1995 au Crédit agricole par M. Y... pour ne pas subir les conséquences des litiges que son épouse avait avec cette banque, démontrait que celui-ci était informé du prêt consenti à son épouse et en a justement déduit que l'action en nullité engagée le 29 avril 1998 par M. Y... était prescrite ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deux premières branches du moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Provence Côte-d'Azur ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 02-19809
Date de la décision : 28/02/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

MARIAGE - Devoirs et droits respectifs des époux - Droits sur le logement de la famille - Acte de disposition - Acte pris par un époux - Consentement du conjoint - Défaut - Effets - Nullité - Action en nullité - Délai de prescription - Point de départ - Date de la prise de connaissance de l'acte litigieux - Appréciation souveraine.

PROCEDURE CIVILE - Exception - Exception de nullité - Caractère perpétuel - Personne ayant qualité pour l'invoquer - Exclusion - Cas

La règle selon laquelle l'exception de nullité est perpétuelle ne peut être invoquée par l'époux de l'emprunteuse qui n'a pas la qualité de défendeur et agit par voie d'action en déposant un dire dans la procédure de saisie immobilière poursuivie à l'encontre de son épouse. Une cour d'appel, qui a souverainement estimé qu'une lettre adressée par l'époux à l'organisme prêteur démontrait qu'il avait connaissance du prêt consenti à son épouse pour financer l'acquisition du logement familial, en a justement déduit que l'action en nullité du prêt et de l'affectation hypothécaire exercée par ce dernier sur le fondement de l'article 215, alinéa 3, du code civil, plus d'un an après cette date, était prescrite.


Références :

Code civil 215

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 24 octobre 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 28 fév. 2006, pourvoi n°02-19809, Bull. civ. 2006 I N° 121 p. 111
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 I N° 121 p. 111

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel.
Rapporteur ?: Mme Chardonnet.
Avocat(s) : SCP Ancel et Couturier-Heller, Me Capron.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:02.19809
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