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22/02/2006 | FRANCE | N°05-85092

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 février 2006, 05-85092


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux février deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de Me FOUSSARD, de la société civile professionnelle VIER, BARTHELEMY et MATUCHANSKY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE RENNES,

- L'ADMINISTRATION DES IMPOTS, partie civile,
>contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 3ème chambre, en date du 23 juin 2005, qui, dans le...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux février deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de Me FOUSSARD, de la société civile professionnelle VIER, BARTHELEMY et MATUCHANSKY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE RENNES,

- L'ADMINISTRATION DES IMPOTS, partie civile,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 3ème chambre, en date du 23 juin 2005, qui, dans les poursuites exercées contre Diem Muon X... et Fei Y..., épouse X..., des chefs de fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, a prononcé la nullité de la procédure ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation proposé par le procureur général, pris de la violation des articles L. 47 du Livre des procédures fiscales et 593 du Code de procédure pénale ;

Sur le moyen unique de cassation proposé par Me Foussard pour l'administration des Impôts, pris de la violation des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, du principe de l'autonomie de l'action publique du chef de fraude fiscale et d'irrégularités comptables et des procédures administratives relatives à l'établissement de l'impôt, des articles L. 47 et L. 81 et suivants du Livre des procédures fiscales, des articles 427, 463, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la procédure fiscale irrégulière et relaxé les prévenus des fins de la poursuite ;

"aux motifs que l'Administration a obtenu des pièces dans le cadre de son droit de communication ; que selon ses dires, elle s'est appuyée sur ces pièces pour rejeter la comptabilité présentée ; qu'elle n'a communiquée, au moment de la notification de redressement, qu'un document de synthèse retraçant sur une page le nombre et le montant mensuels des chèques litigieux ; que postérieurement aux observations du contribuable et en dépit de la demande de ce dernier, elle s'est bornée à communiquer le détail des chèques encaissés sans communiquer la réponse des tiers permettant d'identifier la société Maro Voyages Diffusion ; que la liste complète des fournisseurs sollicités et la nature des pièces obtenues n'a été communiquée au contribuable que dans le cadre de la fiche complémentaire établie à l'occasion de la procédure pénale ; que d'une manière générale les copies des pièces transmises par les tiers n'ont pas été mises à disposition du contribuable, tant dans le cadre de la procédure fiscale que de la procédure pénale ; que la procédure administrative, antérieure à la plainte, s'en est trouvée viciée et ne peut être regardée comme constituant le soutien de l'action publique ;

"alors que, premièrement, à supposer que l'Administration soit tenue de communiquer au contribuable, au cours de le vérification, les pièces qu'elle a obtenues auprès de tiers, dans le cadre du droit de communication, l'irrégularité éventuelle qui pourrait en résulter n'entre pas, en tout état de cause, au nombre des irrégularités que le juge répressif est autorisé à contrôler et sanctionner ; d'où il suit que l'arrêt attaqué a été rendu en violation des textes et du principe susvisé ;

"alors que, deuxièmement, la procédure pénale est régulière dès lors que le juge répressif statue au vu des pièces figurants au dossier de la procédure dont chacune des parties a pu débattre contradictoirement ; que si le juge répressif considère que la production d'autre pièces est nécessaire, soit pour être à même de former sa conviction, soit pour assurer le respect des droits de la défense, il lui appartient alors de prescrire une mesure d'instruction en invitant le cas échéant l'Administration à produire les éléments qui font défaut aux débats ; qu'en effet, le juge répressif ne peut entrer en voie de relaxe sans avoir mis en oeuvre toutes les mesures d'instruction utiles à la manifestation de la vérité ; qu'en prononçant une relaxe sans inviter préalablement l'Administration, dès lors qu'elle estimait utile, à produire les pièces qui faisaient défaut, les juges du fond ont violés les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu les articles L. 81 et L. 47 du Livre des procédures fiscales ;

Attendu que les documents obtenus par l'administration fiscale dans l'exercice de son droit de communication auprès des tiers, prévu par le premier de ces textes au titre du contrôle de l'impôt, ne sont pas soumis à la procédure de vérification prescrite par le second ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que l'administration des Impôts a procédé à la vérification de la comptabilité de la société Maro voyages diffusion (MVD), gérée par Diem Muon X... et Fei Y... ; qu'en l'absence de certains livres et comptes obligatoires et des documents informatiques pouvant en tenir lieu, elle a obtenu la communication des pièces d'une procédure pénale suivie, à l'encontre d'un tiers, pour exercice illégal de la profession de banquier, puis des documents enregistrés dans la comptabilité de clients et fournisseurs de la société vérifiée ; que les dirigeants de la société MVD sont poursuivis pour l'avoir soustraite à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés et de la TVA dus au titre des années 1999 et 2000 et pour avoir omis de passer des écritures en comptabilité ;

Attendu que, pour faire droit à l'exception de nullité de la procédure soulevée par les prévenus, prise du défaut de communication, dans le cadre du contrôle fiscal, des documents obtenus par l'Administration et de l'absence de tout débat oral et contradictoire, l'arrêt retient, notamment, que l'administration des Impôts est tenue d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus dans le cadre de son droit de communication ; que les juges ajoutent que les pièces transmises par les tiers n'ont pas été soumises à un débat oral et contradictoire avec le contribuable ; qu'ils en déduisent que la procédure administrative, antérieure à la plainte des services fiscaux et à la citation directe du ministère public, s'en est trouvée viciée et ne peut constituer le soutien de l'action publique ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de RENNES, en date du 23 juin 2005, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-85092
Date de la décision : 22/02/2006
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Impôts directs et taxes assimilées - Procédure - Infractions - Droit de communication de l'administration des impôts - Documents obtenus - Procédure de vérification de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales - Application (non).

Les documents obtenus par l'administration fiscale dans l'exercice de son droit de communication auprès des tiers, prévu par l'article L. 81 du livre des procédures fiscales au titre du contrôle de l'impôt, ne sont pas soumis à la procédure de vérification prescrite par l'article L. 47 de ce livre. Encourt dès lors la cassation, l'arrêt d'une cour d'appel qui, pour annuler une procédure suivie du chef de fraude fiscale, retient, notamment, que les pièces transmises par des tiers à l'administration des impôts n'ont pas été soumises à un débat oral et contradictoire avec le contribuable.


Références :

Livre des procédures fiscales L47, L81

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 23 juin 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 fév. 2006, pourvoi n°05-85092, Bull. crim. criminel 2006 N° 54 p. 210
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 54 p. 210

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Finielz.
Rapporteur ?: M. Rognon.
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.85092
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