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21/02/2006 | FRANCE | N°04-16705

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 21 février 2006, 04-16705


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que la société Castelbriantaise de plastiques (Promoplast) estimant diffamatoires les propos tenus par deux de ses salariés, M. X..., délégué syndical FO et M. Y... représentant syndical FO ainsi que par M. Z... secrétaire local de la CGT, le 3 juin 2002 lors d'une conférence de presse, lesquels ont été publiés le 5 juin 2002 dans Presse Océan et Ouest France, le 7 juin 2002 dans l'Eclaireur ainsi que le 11 juin 2002 dans la Mée socialiste, a invoqué les disp

ositions de la loi du 29 juillet 1881 et réclamé l'indemnisation du préjudi...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que la société Castelbriantaise de plastiques (Promoplast) estimant diffamatoires les propos tenus par deux de ses salariés, M. X..., délégué syndical FO et M. Y... représentant syndical FO ainsi que par M. Z... secrétaire local de la CGT, le 3 juin 2002 lors d'une conférence de presse, lesquels ont été publiés le 5 juin 2002 dans Presse Océan et Ouest France, le 7 juin 2002 dans l'Eclaireur ainsi que le 11 juin 2002 dans la Mée socialiste, a invoqué les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 et réclamé l'indemnisation du préjudice subi du fait de ces propos ; que par arrêt du 27 avril 2004 la cour d'appel de Rennes a rejeté les exceptions de nullité de l'assignation soulevées et dit que les propos tenus par MM. Z..., Y... et X... "harcèlement moral, atteintes aux libertés syndicales et brimades" étaient diffamatoires et qu'il en était de même des propos tenus par M. X... aux termes desquels "dès qu'une section se crée, la direction essaie de casser et quand je suis devenu délégué syndical, j'ai d'abord reçu un avis de licenciement, ensuite j'ai été déplacé dans un autre service" ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception de nullité de l'assignation alors, selon le moyen :

1 / qu'est nulle l'assignation qui, après avoir qualifié les propos incriminés sous le fondement des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, demande de dire que les propos qu'elle vise sont diffamatoires au sens du seul article 29 et de condamner sur le fondement exclusif des articles 1382 et 1383 du Code civil leurs auteurs à verser des dommages-intérêts sauf à violer l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;

2 / qu'en visant les articles 29 et 32 sans précision quant à l'alinéa applicable et les articles suivants parmi lesquels figure l'article 33, l'assignation a procédé à un visa global et cumulatif prohibé par la loi et de nature à créer une incertitude dans l'esprit de la personne poursuivie sur le fondement de la demande et la nature des moyens de défense qu'elle peut y opposer sauf à violer l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Mais attendu que la cour d'appel qui a relevé que la citation spécifiait les imputations diffamatoires à raison desquelles la poursuite était exercée et mentionnait expressément que l'infraction reprochée était le délit de diffamation publique envers un particulier en a déduit à bon droit que les prévenus ne pouvaient avoir aucun doute sur l'objet exact de la prévention malgré le visa global des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 et que le visa erroné et surabondant d'un texte de loi inapplicable à la poursuite ne saurait dès lors entraîner la nullité de ladite citation ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les propos incriminés étaient diffamatoires, d'avoir écarté l'exception de bonne foi et d'avoir en conséquence condamné MM. Z..., Y... et X... à verser à la société Promoplast des dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1 / que les propos dénués de toute attaque personnelle n'excèdent pas le droit de libre critique des syndicats de salariés sur le respect, par l'employeur de la liberté syndicale et en conséquence la cour d'appel a violé les articles 29 de la loi du 29 juillet 1881 et 10 de Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2 / qu'en subordonnant la justification des propos par le droit de critique en matière syndicale à l'existence de négociations dans l'entreprise, d'élections professionnelles, de mesures de licenciement ou de sanctions disciplinaires, la cour d'appel a violé les articles 29 de la loi du 29 juillet 1881 et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3 / qu'en écartant l'exception de bonne foi en raison de l'absence de preuve de la vérité des propos diffamatoires, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 et par fausse application l'article 35 de la même loi ;

Mais attendu que les juges du fond, qui ont relevé que les déclarations litigieuses visaient la société Promoplast, étaient tenus pour apprécier la qualification légale à donner à un propos retenu comme diffamatoire dans la mesure où il excédait les limites admissibles de la polémique syndicale, de prendre en considération non seulement les circonstances relevées dans la citation mais aussi les éléments extrinsèques de nature à donner à l'expression incriminée son véritable sens et à caractériser l'infraction poursuivie ; qu'ayant à bon droit accepté que soit administrée la preuve des faits justificatifs de nature à combattre la présomption de mauvaise foi qui s'attache de plein droit aux imputations diffamatoires la cour d'appel a estimé, au vu des éléments produits, que ceux-ci n'emportaient pas sa conviction et en a déduit que l'exception de bonne foi ne pouvait être accueillie ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne MM. X..., Y... et Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 04-16705
Date de la décision : 21/02/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° PRESSE - Procédure - Assignation - Validité - Conditions - Indication du texte de loi applicable - Visa global d'un article de la loi du 29 juillet 1881 - Portée.

1° PRESSE - Procédure - Assignation - Validité - Conditions - Indication du texte de loi applicable - Visa cumulatif de plusieurs articles de la loi du 29 juillet 1881 - Portée.

1° N'est pas entachée de nullité la citation visant globalement et cumulativement les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 dès lors que cette citation spécifiait les imputations diffamatoires à raison desquelles la poursuite était exercée, mentionnait expressément l'infraction reprochée et que les prévenus ne pouvaient avoir aucun doute sur l'objet exact de la prévention.

2° PRESSE - Abus de la liberté d'expression - Définition - Diffamation - Allégation ou imputation de faits portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne - Caractérisation - Eléments pris en considération - Détermination.

2° PRESSE - Abus de la liberté d'expression - Définition - Diffamation - Allégation ou imputation de faits portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne - Caractérisation - Office du juge - Etendue - Détermination.

2° Pour apprécier la qualification légale qu'il convient de donner à un propos retenu comme diffamatoire dans la mesure où il excédait les limites admissibles de la polémique syndicale, le juge doit prendre en considération non seulement les circonstances relevées dans la citation, mais aussi les éléments extrinsèques de nature à donner à l'expression incriminée son véritable sens et à caractériser l'infraction poursuivie.


Références :

1° :
2° :
Loi du 29 juillet 1881 art. 29
Loi du 29 juillet 1881 art. 53

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 27 avril 2004

Sur le n° 1 : Dans le même sens que : Chambre criminelle, 1995-01-24, Bulletin criminel 1995, n° 33, p. 75 (1) (cassation)

arrêt cité. Sur le n° 2 : Dans le même sens que : Chambre criminelle, 1978-01-16, Bulletin criminel 1978, n° 18, p. 39 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 21 fév. 2006, pourvoi n°04-16705, Bull. civ. 2006 I N° 90 p. 85
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 I N° 90 p. 85

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel.
Avocat général : M. Cavarroc.
Rapporteur ?: Mme Crédeville.
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, Me Ricard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:04.16705
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