La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/02/2006 | FRANCE | N°03-12004

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 21 février 2006, 03-12004


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X..., notaire associé de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée X... (la SELARL) puis, à partir de mai 1995, de la société civile professionnelle X... et Ducros (la SCP), a signé, le 15 octobre 1993, indiquant dans l'acte sa qualité de notaire, un contrat de location bureautique avec la société Rank Xerox représentée par le directeur général de la société Vaucluse bureautique service (la société VBS), devenue la société Ordinas

ud technologies, ainsi qu'un contrat d'entretien et un contrat de fourniture de logi...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X..., notaire associé de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée X... (la SELARL) puis, à partir de mai 1995, de la société civile professionnelle X... et Ducros (la SCP), a signé, le 15 octobre 1993, indiquant dans l'acte sa qualité de notaire, un contrat de location bureautique avec la société Rank Xerox représentée par le directeur général de la société Vaucluse bureautique service (la société VBS), devenue la société Ordinasud technologies, ainsi qu'un contrat d'entretien et un contrat de fourniture de logiciels ; que ces conventions avaient pour objet la fourniture au locataire d'un serveur informatique, de micro-ordinateurs, de divers matériels et logiciels spécifiques pour chaque poste de travail et le serveur avec un système d'exploitation produit par IBM, outre le logiciel réseau et les produits de la société Formatext ; qu'un nouveau contrat de location a été signé le 20 octobre 1993 par M. X... avec la société Burobail, société financière acheteuse du matériel précité, qui prévoyait sa livraison au plus tard le 30 décembre 1993 et le paiement par le locataire d'échéances trimestrielles pendant cinq ans ; que se plaignant de rencontrer des difficultés dans l'utilisation du réseau informatique, la SCP X... et Ducros a obtenu en référé la désignation d'un expert, contradictoirement avec la société VBS qui a appelé en cause les sociétés Rank Xerox et Formatext ; qu'après dépôt du rapport d'expertise, l'"office notarial" a assigné les sociétés VBS, Rank Xerox, Formatext et Burobail pour faire prononcer la résolution du contrat de vente de l'ensemble des fournitures informatiques, celle du contrat de location ainsi qu'à les faire condamner à la restitution des loyers et au paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que la SCP notariale fait grief à l'arrêt attaqué (Nîmes, 28 novembre 2002) de l'avoir déboutée de ses demandes, alors, selon le moyen :

1 / qu'en requalifiant d'office la fin de non-recevoir fondée sur un défaut de qualité de la SCP notariale pour agir en justice en un moyen de fond tiré des dispositions de l'article 1165 du Code civil, sans provoquer au préalable les explications des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'en considérant que la SCP X... était un tiers au contrat conclu avec les sociétés Rank Xerox, Formatext, BVS et Burobail, par cela seul que M. X... n'avait pas déclaré agir au nom de la SELARL X..., ajoutant ainsi à la loi une condition qu'elle ne comportait pas, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 2 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 et 37 du décret n° 98-73 du 13 janvier 1993, ensemble les articles 1134 et 1844-3 du Code civil ainsi que L. 210-6 du Code de commerce ;

3 / qu'en présupposant que M. X... avait agi en son nom personnel sans engager la SELARL X..., seule société existante à l'époque de la conclusion des contrats litigieux, quand il était acquis que, associé de la SELARL, il avait agi en sa qualité de notaire et pour les besoins de sa profession, la cour d'appel a violé les articles 38 et 39 du décret du 13 janvier 1993 ;

4 / qu'en se contentant d'affirmer que les contrats avaient été conclus par M. X... et non par la SELARL X... dont la raison sociale ne figurait sur aucun document à l'exception d'une lettre, sans rechercher s'il résultait des relations antérieures entre les parties qui avaient toujours concerné l'office notarial X... et non Me X... personnellement, ainsi que des mentions des documents précontractuels, tous adressés non à Me X... mais à l'office notarial X... et des lettres émanant de l'étude à l'attention des sociétés prestataires qui portaient la mention suivante "office notarial X..., société civile professionnelle titulaire d'un office notarial", ainsi que du paiement des loyers par la SCP X... et Ducros, que les contrats avaient bien été conclus pour le compte, non pas de Me X..., mais de l'office notarial lui-même qui, quelle que fût sa forme juridique de l'époque, avait toujours revêtu une forme sociétale et était donc engagé en tant que personne morale, ce que les sociétés prestataires ne pouvaient légitimement ignorer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1165 et 1844-3 du Code civil, ainsi que L. 210-6 du Code de commerce ;

Mais attendu, d'abord, qu'invoqué devant la cour d'appel par la société Burobail, le moyen tiré des dispositions de l'article 1165 du Code civil se trouvait dans la cause, de sorte que les juges n'avaient pas à inviter les parties à présenter leurs observations ; qu'ensuite, les dispositions des articles 37, 38 et 39 du décret du 13 janvier 1993, qui régissent les relations entre les notaires associés en leur qualité d'officiers publics et leur clientèle, ne permettent pas à un notaire qui a conclu une convention avec un tiers de se substituer dans cette convention la société dont il est l'associé ; que la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder d'office à une recherche qui ne lui était pas demandée, a constaté que M. X..., signataire des contrats litigieux, n'y faisait pas état de sa qualité d'associé de la SELARL X..., qu'aucune référence n'était faite à cette société et qu'il n'apparaissait pas que les sociétés fournisseurs eussent été avisées de ce que leur cocontractant était la SELARL, en a justement déduit que les conventions signées par M. X... ne répondaient pas aux conditions de cette représentation à l'égard des cocontractants et que la SELARL et la SCP qui lui a succédé étaient tiers auxdits contrats ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu qu'il est reproché à la cour dappel d'avoir débouté la SCP X... et Ducros de ses demandes en ce qu'elles étaient fondées sur la responsabilité contractuelle, sans rechercher si elles devaient prospérer sur le terrain délictuel puisque, qualifiée par elle de tiers aux contrats, la SCP notariale, seule utilisatrice du serveur informatique et payant l'intégralité des loyers y afférents, avait subi un préjudice du fait de son fonctionnement défectueux, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel aurait violé ensemble les articles 12 du nouveau Code de procédure civile ainsi que 1165 et 1382 du Code civil ;

Mais attendu que les juges, s'ils peuvent rechercher eux-mêmes la règle de droit applicable au litige, n'en ont pas l'obligation dès lors que le demandeur a précisé le fondement juridique de sa prétention, de sorte que la cour d'appel, qui a décidé à bon droit que la SELARL, qui avait fondé son action sur la responsabilité contractuelle, était tiers aux contrats en cause, n'était pas tenue de rechercher si les conditions de la responsabilité délictuelle étaient remplies à son égard ;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCP X... et Ducros aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 03-12004
Date de la décision : 21/02/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Exercice de la profession - Société d'exercice libéral - Représentation pour une convention conclue par un associé avec un fournisseur - Caractérisation - Défaut - Applications diverses.

1° OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Associé - Associé d'une société d'exercice libéral de notaires - Contrat de fourniture conclu par un associé - Substitution de la société dans cette convention - Conditions - Portée.

1° Les dispositions des articles 37, 38 et 39 du décret du 13 janvier 1993 qui régissent les relations entre les notaires associés en qualité d'officiers publics et leur clientèle, ne permettent pas à un notaire qui a conclu avec des tiers des conventions de location de matériel bureautique, d'entretien de ce matériel et de fourniture de logiciel, de se substituer dans cette convention la SELARL dont il était l'associé. Dès lors, la cour d'appel qui a constaté que le notaire signataire de ces contrats litigieux n'y faisait pas état de sa qualité d'associé de la SELARL, qu'aucune référence n'était faite à cette société et qu'il n'apparaissait pas que les fournisseurs eussent été avisés de ce que leur cocontractant était ladite SELARL, en a justement déduit que les conventions signées par le notaire ne répondaient pas aux conditions d'une représentation à l'égard des cocontractants, de sorte que la SELARL et la société civile professionnelle qui lui avait succédé étaient tiers auxdits contrats.

2° OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Exercice de la profession - Société d'exercice libéral - Exercice d'une action en responsabilité contractuelle - Office du juge - Etendue - Limites.

2° ACTION EN JUSTICE - Fondement juridique - Pouvoirs des juges - Fondement précis - Portée - Recherche d'office du fondement de nature à justifier la demande (non) 2° POUVOIRS DES JUGES - Requalification des faits - Obligation - Exclusion - Cas.

2° Si les juges peuvent rechercher eux-mêmes la règle de droit applicable au litige, ils n'en ont pas l'obligation dès lors que le demandeur a précisé le fondement juridique de sa prétention. Dès lors, la cour d'appel qui décide à bon droit que la SELARL de notaires, qui avait fondé son action sur la responsabilité contractuelle, était tiers aux contrats litigieux, n'était pas tenue de rechercher si les conditions de la responsabilité délictuelle étaient remplies à son égard.


Références :

1° :
2° :
Décret 93-78 du 13 janvier 1993 art. 37, art. 38, art. 39
Nouveau code de procédure civile 12

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 28 novembre 2002

Sur le n° 2 : Sur la simple faculté pour le juge de rechercher les dispositions légales applicables lorsqu'il est saisi d'une demande sur un fondement précis, à rapprocher : Chambre civile 3, 2005-06-01, Bulletin 2005, III, n° 118, p. 109 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 21 fév. 2006, pourvoi n°03-12004, Bull. civ. 2006 I N° 86 p. 81
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 I N° 86 p. 81

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel.
Avocat général : M. Cavarroc.
Rapporteur ?: M. Bargue.
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Gatineau, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, Me Rouvière.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:03.12004
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award