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14/02/2006 | FRANCE | N°05-86058

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 février 2006, 05-86058


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze février deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Lucas (né le 17 février 1959),

- X... Lucas (né le 6 mars 1971),

- X... Lucas (né le 6 avril 1980),>
- X... Rosario,

- X... Maria de Los Angeles,

- X... Antonio,

- X... José,

- Y... Guy,

- X... ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze février deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Lucas (né le 17 février 1959),

- X... Lucas (né le 6 mars 1971),

- X... Lucas (né le 6 avril 1980),

- X... Rosario,

- X... Maria de Los Angeles,

- X... Antonio,

- X... José,

- Y... Guy,

- X... Manuel, témoin assisté,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de NIMES, en date du 3 octobre 2005, qui, dans l'information suivie contre les huit premiers des chefs, notamment, de traite des êtres humains et association de malfaiteurs, a prononcé sur leur demande d'annulation d'actes de la procédure ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 21 novembre 2005, joignant les pourvois en raison de la connexité et prescrivant leur examen immédiat ;

I - Sur la recevabilité des pourvois formés par José X... et Maria de Los Angeles X... :

Attendu que José et Maria de Los Angeles X... n'ont pas saisi la chambre de l'instruction de requête ou mémoire en annulation d'actes de la procédure ;

Attendu qu'ainsi, n'ayant pas été parties à l'instance devant la cour d'appel, les demandeurs n'avaient pas qualité pour se pourvoir en cassation ;

D'où il suit que leurs pourvois ne sont pas recevables ;

II - Sur les pourvois des autres demandeurs :

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 803-2 et 803-3 du Code de procédure pénale, 80-1, 80-2 du même Code, 170, 171, 173, 206, 591, 593 du Code de procédure pénale, violation de l'article 5-3 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les moyens contenus dans les requêtes en nullité, fondés sur la violation des dispositions de l'article 803-3 du Code de procédure pénale ;

"aux motifs que, "( ) le mandat d'amener n'est pas un titre de détention et que les modalités relatives à son exécution ne sont pas prescrites à peine de nullité des actes ultérieurs de l'information ; qu'en effet ces modalités ne constituent pas le préalable obligatoire ou le support nécessaire ni à la mise en examen ni le cas échéant au placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire et qui relèvent de règles spécifiques ; qu'il ne peut en être différemment que si la recherche et l'établissement de la vérité se sont trouvés viciés fondamentalement et la défense mise dans l'impossibilité d'exercer ses droits devant la juridiction d'instruction ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que, lors de leur première comparution, Guy Y... a été assisté par un avocat "de permanence" et tous les autres par un avocat qu'ils avaient expressément choisi et que tous lesdits avocats remplis de leurs droits n'ont formulé aucune observation" ;

"alors, d'une part, que, en vertu des articles 803-2 et 803-3 du Code de procédure pénale susvisés, toute personne ayant fait l'objet d'un défèrement à l'issue de sa garde à vue à la demande du procureur de la République comparaît le jour même devant ce magistrat, ou, en cas d'ouverture d'une information, devant le juge d'instruction saisi de la procédure ; qu'il en est de même si la personne est déférée devant le juge d'instruction à l'issue d'une garde à vue au cours d'une commission rogatoire, ou si la personne est conduite devant un magistrat en exécution d'un mandat d'amener ou d'arrêt ; que, par ailleurs, l'article 803-3 du même Code précise en son alinéa 1er que, en cas de nécessité et par dérogation aux dispositions de l'article 803-2, la personne peut comparaître le jour suivant et être retenue dans des locaux de la juridiction, à la condition que cette comparution intervienne au plus tard dans un délai de vingt heures à compter de l'heure à laquelle la garde à vue a été levée, faute de quoi l'intéressé est immédiatement remis en liberté ; qu'en l'espèce la garde à vue des demandeurs, interpellés en exécution d'une commission rogatoire du juge d'instruction de Nîmes, a pris fin le 7 avril 2005 entre 5 heures 30 et 6 heures 30 du matin ; que, dès la fin de leur garde à vue, un mandat d'amener a été délivré contre eux par le juge d'instruction ; qu'arrivés à Nîmes aux alentours de 17 heures, ce même 7 avril, ils ont été

conduits à la maison d'arrêt de Nîmes et ce n'est que le 8 avril 2005 à partir de 10 heures qu'ils ont été déférés devant le juge mandant et entendus en première comparution ; qu'ainsi les demandeurs n'ont, sans qu'il soit excipé d'une quelconque nécessité, pas été présentés devant le juge le jour même où a pris fin leur garde à vue, alors même qu'ils se trouvaient à sa disposition, à Nîmes, en fin d'après-midi ; qu'ils n'ont pas davantage comparu devant le juge d'instruction dans le délai légal de vingt heures après la fin de leur garde à vue, et ont donc été arbitrairement retenus à l'expiration de ce délai, sans avoir été remis en liberté ; qu'ils ont donc comparu sous la contrainte devant ce magistrat, puis devant le juge des libertés, en méconnaissance des droits et garanties essentiels prévus aux articles 803-2 et 803-3 du Code de procédure pénale ;

"alors, d'autre part, que la rétention des demandeurs au-delà de la durée légale, alors même qu'ils étaient, le jour même où leur garde à vue a pris fin, physiquement à la disposition du juge mandant, constitue une privation de liberté arbitraire et un manquement aux dispositions de l'article 5-3 de la Convention européenne des droits de l'homme et de la notion de promptitude que ce texte suppose ;

"alors, en outre, que porte nécessairement atteinte aux intérêts de la partie qu'il concerne le défèrement devant un juge d'instruction, sous la contrainte et en état de détention arbitraire, d'une personne qui aurait dû comparaître libre sur convocation d'un juge d'instruction, conformément à la procédure de droit commun en vigueur, dans les délais et selon les formalités prévus par les textes ; qu'en estimant qu'il n'en avait pas été ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes et principes susvisés ;

"alors, enfin, que, à l'expiration du délai de vingt heures, les parties ayant dû être remises en liberté immédiatement, le mandat de dépôt décerné ultérieurement par le juge des libertés n'a pu "régulariser" la procédure, ni couvrir l'atteinte à la liberté commise, en sorte que la nullité encourue affecte nécessairement la validité du titre de détention décerné dans la même procédure, irrémédiablement viciée dès l'origine ; que l'arrêt devait donc annuler l'ensemble des actes intervenus, y compris le mandat de dépôt décerné contre des individus irrégulièrement détenus" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans une information suivie par le juge d'instruction de Nîmes, du chef, notamment, de blanchiment en bande organisée, les demandeurs, demeurant dans le département de l'Essonne, ont été entendus et placés en garde à vue par un officier de police judiciaire en application de l'article 154 du Code de procédure pénale ; qu'à l'issue de cette mesure, le juge d'instruction a décerné contre eux des mandats d'amener qui leur ont été notifiés le 7 avril 2005 entre 5 heures 55 et 6 heures 20 ; que, sans être présentés au procureur de la République du lieu d'arrestation, ils ont été immédiatement transférés à la maison d'arrêt de Nîmes où ils sont arrivés entre 15 heures et 16 heures ; que le juge d'instruction a procédé, le lendemain 8 avril 2005 à partir de 10 heures, à leurs interrogatoires de première comparution ; qu'à l'exception de Manuel X..., demeuré témoin assisté, ils ont été mis en examen ;

que le juge des libertés et de la détention a placé Lucas X... sous contrôle judiciaire et, les autres, sous mandat de dépôt ; que, seul, Lucas X..., né le 6 avril 1980, a relevé appel de cette décision qui a été confirmée, le 21 avril 2005, par la chambre de l'instruction devant laquelle la nullité du titre de détention n'a pas été soulevée ;

Attendu que, par requêtes déposées le 28 avril 2005, Antonio X... et Lucas X..., né le 6 mars 1971, ont saisi la chambre de l'instruction aux fins d'annulation des mandats d'amener délivrés contre eux par le juge d'instruction, le 7 avril 2005, ainsi que des actes subséquents, en faisant valoir qu'ils n'avaient pas comparu devant le magistrat mandant dans le délai prévu par l'article 803-3 du Code de procédure pénale ; que, par mémoires complémentaires, Lucas X..., né le 17 février 1959, Lucas X..., né le 6 avril 1980, Rosario X..., Guy Y... et Manuel X... ont présenté la même demande d'annulation ;

Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à annulation de pièces de la procédure, l'arrêt énonce, notamment, que les modalités d'exécution du mandat d'amener, qui n'est pas un titre de détention, ne sont pas prescrites à peine de nullité et ne constituent pas le support nécessaire de la mise en examen, du placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire ; que les juges ajoutent que, lors de leurs interrogatoires de première comparution, tous les demandeurs, qui étaient assistés de leurs avocats, n'ont formulé aucune observation ;

Attendu qu'en cet état, s'il est vrai que selon les articles 126 et 127 du Code de procédure pénale, les demandeurs, qui avaient été arrêtés à plus de 200 kilomètres du siège du juge d'instruction et qui n'avaient pas été conduits devant le procureur de la République du lieu de l'arrestation, auraient dû comparaître devant le juge d'instruction dans les 24 heures suivant la notification des mandats, l'arrêt n'encourt cependant pas les griefs du moyen dès lors que les mises en examen n'ont pas pour support des actes accomplis pendant la période de retenue arguée d'illégalité ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

I - Sur les pourvois de José X... et de Maria de Los Angeles X... :

Les déclare IRRECEVABLES ;

II - Sur les pourvois des autres demandeurs :

Les REJETTE ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Valat conseiller rapporteur, M. Joly, Mme Anzani, MM. Beyer, Pometan, Mmes Palisse, Guirimand, M. Beauvais conseillers de la chambre, Mme Ménotti conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Fréchède ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-86058
Date de la décision : 14/02/2006
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité et rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INSTRUCTION - Mandat - Mandat d'amener - Exécution - Régularité - Conditions - Inobservation - Portée.

Selon les articles 126 et 127 du code de procédure pénale, la personne faisant l'objet d'un mandat d'amener, trouvée à plus de 200 kilomètres du siège du juge mandant, doit, si elle n'est pas présentée au procureur de la République du lieu d'arrestation, comparaître devant le juge d'instruction dans les vingt-quatre heures suivant la notification du mandat. En cas de dépassement du délai, la nullité de la mise en examen n'est cependant pas encourue dès lors que cet acte n'a pas pour support des actes accomplis pendant la période de retenue arguée d'illégalité.


Références :

Code de procédure pénale 126, 127, 803-2, 803-3

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes (chambre de l'instruction), 03 octobre 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 fév. 2006, pourvoi n°05-86058, Bull. crim. criminel 2006 N° 39 p. 150
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 39 p. 150

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Fréchède.
Rapporteur ?: M. Valat.
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.86058
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