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14/02/2006 | FRANCE | N°05-83899

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 février 2006, 05-83899


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze février deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de Me CARBONNIER, de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, et de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocats en la Cour et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Germaine, épouse Y...,

contre

l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 26 mai 2005, qui, pour provoc...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze février deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de Me CARBONNIER, de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, et de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocats en la Cour et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Germaine, épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 26 mai 2005, qui, pour provocation non publique à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale, l'a condamnée à 1 500 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite de propos tenus lors d'une réunion de la commission permanente du conseil régional de la Région Rhône-Alpes, Germaine Y... a été citée par le procureur de la République devant le tribunal de police du chef de provocation non publique à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale ; que le tribunal l'a condamnée à une amende et à payer des dommages-intérêts à la Région Rhône-Alpes, à la ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), à l'association SOS Racisme, à la ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen, à la fédération départementale du Rhône et au comité régional du mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples (MRAP), constitués partie civile ; que Germaine Y... a interjeté appel ; que, devant la cour d'appel, elle a soutenu que ses propos ne mettaient en cause aucune communauté, que les juridictions de l'ordre judiciaire étaient incompétentes pour allouer des dommages-intérêts dès lors qu'elle avait la qualité d'agent public et que les faits poursuivis n'étaient pas détachables de ses fonctions ; qu'elle a également fait valoir que la Région Rhône-Alpes, qui ne tirait d'aucune disposition de la loi un droit particulier à être indemnisée, ne justifiait pas d'un préjudice personnel et direct ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article R. 625-7 du Code pénal ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments la contravention dont elle a déclaré la prévenue coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 2-1 du Code de procédure pénale et du principe de séparation des pouvoirs ;

Sur le moyen, pris en sa première branche ;

Attendu que le moyen, qui se borne à reprendre l'argumentation que, par une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel a écartée à bon droit, ne saurait être accueilli ;

Sur le moyen, pris en sa troisième branche ;

Attendu que, faute d'avoir été proposé devant les juges du fond, le moyen, mélangé de fait, est nouveau et, comme tel, irrecevable ;

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche ;

Vu l'article 2 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention n'est recevable que si le dommage a été causé directement par l'infraction ;

Attendu que, pour condamner Germaine Y... à payer des dommages-intérêts à la Région Rhône-Alpes, l'arrêt retient que la prévenue, en tenant les propos poursuivis, au cours d'une réunion de la commission permanente du conseil régional, a porté une atteinte sérieuse à l'image de la Région, qui, en application des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, est recevable à se constituer partie civile pour demander réparation du préjudice moral qu'elle a subi ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que ne peut qu'être indirect, pour une Région, le préjudice résultant du discrédit que lui porteraient les propos tenus par l'un des ses membres, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 26 mai 2005, en ses seules dispositions ayant condamné Germaine Y... à payer 1 euro à titre de dommages- intérêts et une somme en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale à la Région Rhône-Alpes, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

FIXE à 1 500 euros la somme que Germaine Y... devra payer à l'association SOS Racisme, à la ligue des droits de l'homme et à l'association LICRA au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Valat conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-83899
Date de la décision : 14/02/2006
Sens de l'arrêt : Cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION CIVILE - Recevabilité - Collectivités territoriales - Région - Provocation à la haine ou à la discrimination raciale - Propos tenus par un de ses membres - Préjudice direct (non).

ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice direct - Collectivités territoriales - Région - Provocation à la haine ou à la discrimination raciale - Propos tenus par un de ses membres (non)

COLLECTIVITES TERRITORIALES - Région - Action civile - Recevabilité - Provocation à la haine ou à la discrimination raciale - Propos tenus par un de ses membres - Préjudice direct (non)

Ne peut qu'être indirect le préjudice subi par une région en raison de propos, provoquant à la haine ou à la discrimination raciale, tenus par un de ses membres.


Références :

code de procédure pénale 2, 3

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 26 mai 2005

A rapprocher : Chambre criminelle, 2000-09-12, Bulletin criminel 2000, n° 264, p. 777 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 fév. 2006, pourvoi n°05-83899, Bull. crim. criminel 2006 N° 36 p. 143
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 36 p. 143

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : Mme Commaret.
Rapporteur ?: M. Valat.
Avocat(s) : Me Carbonnier, SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Masse-Dessen et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.83899
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