AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à l'Agence de développement rural et d'aménagement foncier du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. X... et la SCP X... Lillaz ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa,10 juin 2004), que, par acte notarié du 3 novembre 1997, la société EIE Tiare a vendu à la société Tiare Beach une unité foncière d'une superficie de 141 ha 95 ca ;
que l'Agence de développement rural et d'aménagement foncier (ADRAF) a assigné ces deux sociétés et la Banque calédonienne d'investissement en nullité de la vente opérée en infraction à son droit de préemption ;
Attendu que l'ADRAF fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen :
1 / qu'il résulte de l'article R. 143-2 du Code rural qu'un terrain initialement situé dans une zone agricole conserve sa vocation agricole, et reste soumis au droit de préemption de l'ADRAF, tant qu'il n'a pas fait l'objet, avant la date de son aliénation, d'une utilisation effective sans rapport avec un usage agricole ; qu'ayant constaté que les terrains litigieux, s'ils ont été par le passé le support de projets à vocation touristique et s'ils ont été classés en zone touristique, n'ont fait l'objet, avant leur aliénation, d'aucune utilisation effective à usage touristique, la cour d'appel en déniant à de tels terrains le caractère de terrains à vocation agricole soumis au droit de préemption de l'ADRAF, a violé l'article 40 de la loi du 3 janvier 1991 ;
2 / que le classement par l'autorité administrative d'une zone agricole et pastorale en zone touristique ne retire pas aux terrains situés sur cette zone leur vocation agricole ; qu'en conséquence, en se déterminant en fonction du classement par la commune de Paita de la zone litigieuse en zone touristique, la cour d'appel a violé l'article 40 de la loi du 3 janvier 1991 ;
3 / que la vocation agricole du terrain sur lequel s'exerce le droit de préemption de l'ADRAF s'apprécie au jour de la vente de ce terrain ; que, dès lors, en se fondant sur des projets d'utilisation des terrains antérieurs de vingt ans à la vente ainsi que sur le classement du terrain en zone naturelle d'urbanisation future littorale, intervenue le 22 janvier 2002, postérieurement à la vente, et donc sans incidence sur l'existence du droit de préemption de l'ADRAF, la cour d'appel a violé l'article 40 de la loi du 3 janvier 1991 ;
Mais attendu qu'ayant exactement relevé qu'à défaut de texte définissant en Nouvelle-Calédonie la notion de terrains à vocation agricole et désignant une autorité publique chargée de définir ces zones, il appartient au juge de rechercher si, selon le sens commun, les terrains litigieux ont cette vocation, la cour d'appel, qui a recherché si le terrain avait toujours une vocation agricole au jour de sa vente, a retenu que les autorités politiques et administratives s'étaient engagées dès le début des années 80 à ce que les terrains en cause fassent l'objet d'un vaste projet d'aménagement touristique, que cette vocation s'était concrétisée par le classement systématique de ses terrains en zone touristique, qu'en 1985 divers travaux d'infrastructure avaient déjà été réalisés et des bâtiments avaient déjà été édifiés et que l'arrêt des travaux sur de longues périodes, en raison des événements ou, plus récemment, à l'époque de la vente litigieuse, en raison de revendications coutumières, ne saurait avoir redonné "par défaut" aux terrains une vocation agricole pastorale qu'ils avaient perdue depuis plus de quinze ans ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Agence de développement rural et d'aménagement foncier aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne l'Agence de développement rural et d'aménagement foncier à payer à la société tiare Beach la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille six.