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08/02/2006 | FRANCE | N°04-12864

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 08 février 2006, 04-12864


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° R 04-12.864 et n° V 04-14.455 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 janvier 2004), que M. X..., exploitant une entreprise de transports dans des locaux donnés à bail par la société Nauze, locaux assurés auprès de la société Axa, a loué auprès de la société Lixxbail, un véhicule fabriqué par la société Evobus GmbH et commercialisé par la société Evobus France, elle-même assurée auprès de la société Zurich ; que le 18

mars 2003 est survenu un incendie et un expert a été désigné en référé par le président du tri...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° R 04-12.864 et n° V 04-14.455 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 janvier 2004), que M. X..., exploitant une entreprise de transports dans des locaux donnés à bail par la société Nauze, locaux assurés auprès de la société Axa, a loué auprès de la société Lixxbail, un véhicule fabriqué par la société Evobus GmbH et commercialisé par la société Evobus France, elle-même assurée auprès de la société Zurich ; que le 18 mars 2003 est survenu un incendie et un expert a été désigné en référé par le président du tribunal de commerce de Bordeaux, le 22 mai 2003 ; que la société Evobus GmbH, la société Evobus France et la société Zurich ont demandé la récusation de l'expert au motif que ce dernier avait eu une connaissance antérieure de l'affaire pour avoir été requis par le procureur de la République de Bordeaux en mars 2003 aux fins de déterminer les causes du sinistre ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° R 04-12.864, pris en ses trois première branches et le moyen unique du pourvoi n° V 04-14.455, pris en sa première branche :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'il n'y avait pas lieu de faire droit à la demande de récusation de l'expert et de lui avoir adjoint un co-expert alors, selon le moyen :

1 / que "les techniciens peuvent être récusés pour les mêmes causes que les juges", donc "s'ils ont précédemment connu de la même affaire" ; qu'en énonçant que cette cause de récusation ne s'appliquait pas à l'expert parce qu'"il n'était pas juge", l'arrêt attaqué a violé l'article 234 et l'article 341 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'un expert peut être récusé "s'il a précédemment connu de l'affaire" ; qu'en écartant cette cause de récusation parce que l'expert a été "désigné par le parquet concomitamment de celle du juge judiciaire", la cour d'appel a rajouté au texte une condition qu'il ne contient pas et violé les articles 234 et 341 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / qu'en ne recherchant pas si, pour être récusé, l'expert n'avait pas précédemment connu de l'affaire, seule condition légale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 341 du nouveau Code de procédure civile ;

4 / qu'il résulte des dispositions combinées des articles 234 et 341-5 du nouveau Code de procédure civile, que les causes péremptoires de récusation énoncées par le second de ces articles sont applicables aux experts de sorte qu'en retenant, par fausse interprétation du renvoi à l'article 341 du nouveau Code de procédure civile, opéré par l'article 234 du même Code, pour rejeter la demande de récusation de l'expert , qu'il n'avait pas la qualité de juge, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;

Mais attendu que, selon les dispositions de l'article 341.5 du nouveau Code de procédure civile, auxquelles renvoie l'article 234 du même Code, l'expert ne peut être récusé que s'il a précédemment connu de l'affaire comme juge ou comme arbitre ou s'il a conseillé l'une des parties ; que l'arrêt énonce exactement que l'expert nétait pas intervenu dans les conditions de l'article 341 précité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique des pourvois n° R 04-12.864 et n° V 04-14.455, chacun pris en leur dernière branche :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'il n'y avait pas lieu de faire droit à la demande de récusation de l'expert et de lui avoir adjoint un co-expert alors, selon le moyen :

1 / que la récusation d'un expert peut être sollicitée en application des dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, quand il apparaît que le droit de tout justiciable à un procès équitable n'est pas garanti (art. 6.1) ; qu'en s'abstenant d'expliquer en quoi l'adjonction d'un co-expert unique, portant le nombre du collège à deux, satisfaisait objectivement l'exigence d'impartialité requise de tout expert judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des llbertés fondamentales ;

2 / que pour rejeter la demande de récusation de l'expert fondée sur sa connaissance antérieure de l'affaire en raison de sa désignation dans l'instance pénale engagée à raison des mêmes faits, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs inopérants tirés de la concomitance de la désignation pénale et civile dudit expert et de l'adjonction d'un co-expert, a violé par refus d'application l'article 341-5 du nouveau Code de procédure civile et l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que les dispositions de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne s'opposent pas à ce qu'un technicien soit désigné à la fois dans une enquête pénale en application de l'article 77-1 du Code de procédure pénale et dans une instance civile concernant les mêmes faits, en qualité d'expert ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Zurich assurances, la société Evobus France et la société Evobus GmbH aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Zurich assurances et Evobus France, les condamne, in solidum, à payer à M. X..., à la SCI Nauze et à la société Axa France IARD la somme globale de 2 000 euros ; rejette la demande de la société Evobus GmbH, la condamne à payer à M. X..., à la SCI Nauze et à la société Axa France IARD la somme globale de 2 000 euros ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X..., de la SCI Nauze et de la société Axa France IARD en tant que dirigé contre la société Lixxbail ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 04-12864
Date de la décision : 08/02/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° MESURES D'INSTRUCTION - Technicien - Récusation - Causes - Causes déterminées par la loi - Connaissance préalable de l'affaire - Exclusion - Cas.

1° MESURES D'INSTRUCTION - Technicien - Récusation - Demande - Rejet - Cas 1° RECUSATION - Causes - Causes déterminées par la loi - Connaissance préalable de l'affaire - Exclusion - Cas 1° EXPERT JUDICIAIRE - Obligations - Impartialité - Récusation - Causes.

1° Un expert ayant été désigné en référé à la demande des victimes d'un incendie, alors qu'il avait été précédemment requis par un procureur de la République, en application de l'article 77-1 du code de procédure pénale, pour déterminer les causes du sinistre, une cour d'appel énonce exactement, pour rejeter la demande de récusation le concernant, qu'il n'était pas intervenu dans les conditions de l'article 341 5° du nouveau code de procédure civile.

2° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 § 1 - Tribunal - Impartialité - Garantie - Reconnaissance - Cas - Désignation d'un expert judiciaire successivement dans une enquête pénale et dans une instance civile concernant les mêmes faits.

2° Les dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne s'opposent pas à ce qu'un technicien soit désigné à la fois dans une enquête pénale en application de l'article 77-1 du code de procédure pénale et dans une instance civile concernant les mêmes faits, en qualité d'expert.


Références :

2° :
1° :
2° :
Code de procédure pénale 77-1
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 6 § 1
Nouveau code de procédure civile 234, 341 5°

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 26 janvier 2004

Sur le n° 2 : Sur les causes de récusation d'un expert, à rapprocher : Chambre civile 2, 2005-10-13, Bulletin 2005, II, n° 249, p. 223 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 08 fév. 2006, pourvoi n°04-12864, Bull. civ. 2006 II N° 45 p. 39
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 II N° 45 p. 39

Composition du Tribunal
Président : Premier président : M. Canivet.
Avocat général : M. Kessous.
Rapporteur ?: M. Grignon Dumoulin.
Avocat(s) : SCP Coutard et Mayer, SCP Peignot et Garreau, SCP Célice, Blancpain et Soltner.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:04.12864
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