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31/01/2006 | FRANCE | N°03-16777

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 31 janvier 2006, 03-16777


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la Ville de Paris de son désistement envers la société Bouygues ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1988, la recette générale des finances de la Ville de Paris a délivré aux sociétés France Printemps, Prisunic, Compagnie des exploitations réunies (CER), Galeries Lafayette, Compagnie urbaine de négoce et d'investissement, La Samaritaine, LR Monoprix distribution, SMB et Bouygues (les sociétés) des avis d'échéance les in

vitant à lui payer la taxe municipale sur l'électricité pour la période comprise ent...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la Ville de Paris de son désistement envers la société Bouygues ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1988, la recette générale des finances de la Ville de Paris a délivré aux sociétés France Printemps, Prisunic, Compagnie des exploitations réunies (CER), Galeries Lafayette, Compagnie urbaine de négoce et d'investissement, La Samaritaine, LR Monoprix distribution, SMB et Bouygues (les sociétés) des avis d'échéance les invitant à lui payer la taxe municipale sur l'électricité pour la période comprise entre les mois de mars 1985 et juin 1987 ; que des commandements de payer leur ont été adressés au cours de l'année 1989 ; que, contestant son bien-fondé, les sociétés ont refusé d'acquitter cette taxe et déposé des réclamations contentieuses, avant d'assigner la Ville de Paris devant le tribunal de grande instance de Paris, qui a déclaré l'action en recouvrement prescrite pour les années 1985 et 1986, sur le fondement de l'article L. 178 du Livre des procédures fiscales ; que les jugements ont été cassés par arrêts de la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation du 1er février 1994, au motif que l'administration n'exerçait pas le droit de reprise et qu'était applicable en la cause la prescription de l'action en vue du recouvrement ; que, par jugements du 2 février 1998, le tribunal de grande instance de Nanterre, juridiction de renvoi, a constaté que le droit de reprise n'était pas applicable, dit que l'action en recouvrement de la Ville de Paris n'était pas prescrite mais suspendue par les demandes de sursis de paiement formées par les sociétés et invité les parties à conclure au fond ;

que, par jugement du 26 juin 2001, le tribunal de grande instance a ordonné la jonction des instances, rejeté les demandes et condamné les sociétés à payer la taxe litigieuse ; que, par arrêts du 12 février 2002, la Chambre commerciale a déclaré irrecevables les pourvois formés par les sociétés contre les jugements du 2 février 1998 au motif qu'ils étaient dirigés contre un jugement ayant simplement, avant dire droit au fond, écarté la prescription invoquée ; que les sociétés ont interjeté appel des jugements du 2 février 1998 et du 26 juin 2001 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la Ville de Paris reproche à l'arrêt d'avoir jugé recevables les appels dirigés contre les jugements du 2 février 1998, infirmé ces jugements et déclaré prescrites les actions en recouvrement par elle engagées, alors, selon le moyen :

1 / que les fins de non-recevoir tirées des règles relatives à l'organisation des voies de recours, qui touchent à l'ordre public, doivent être relevées d'office ; que si, en application de l'article 112-I et III de la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996, les jugements rendus en matière de contributions indirectes à compter du 1er mars 1998 sont susceptibles d'appel, en revanche, les jugements rendus antérieurement à cette date ne peuvent faire l'objet que d'un pourvoi en cassation, conformément à l'article L. 199 ancien du Livre des procédures fiscales ; qu'en s'abstenant de relever d'office l'irrecevabilité des appels en tant qu'ils étaient dirigés contre les jugements du 2 février 1998, les juges du fond ont violé les articles 125 du nouveau Code de procédure civile, L. 199 ancien du Livre des procédures fiscales et 112-I et III de la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 ;

2 / que s'il est vrai qu'eu égard à leur objet, les jugements du 2 février 1998 ne pouvaient faire l'objet d'un pourvoi en cassation qu'en même temps que les décisions à intervenir sur le fond, cette circonstance ne pouvait ouvrir la voie de l'appel, à l'encontre de décisions rendues en dernier ressort et seulement susceptibles de pourvois en cassation, dès lors que l'article 112-III vise tous les jugements quels qu'ils soient, rendus à compter du 1er mars 1998, et qu'en application d'un principe général, les décisions de justice sont soumises, quant aux voies de recours dont elles sont passibles, aux règles en vigueur au jour où elles sont rendues ;

qu'à cet égard également, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles 125 du nouveau Code de procédure civile, L. 199 ancien du Livre des procédures fiscales et 112-I et III de la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 ;

Mais attendu que la voie de recours contre le jugement qui, statuant sur le fondement de l'article L. 199 du Livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure à l'article 112-I de la loi du 30 décembre 1996, et qualifié de ce fait en dernier ressort, a écarté une fin de non-recevoir sans mettre fin à l'instance est celle qui est ouverte au jour où le jugement sur le fond est rendu ; que celui-ci ayant été prononcé postérieurement au 1er mars 1998, date d'entrée en vigueur de l'article 112-I, précité, instituant l'appel de ces jugements, seul peut être formé un appel contre ces deux décisions ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 274 et l'article L. 277 du Livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable ;

Attendu que, pour déclarer prescrite l'action en recouvrement de la Ville de Paris au motif qu'elle n'avait accompli aucun acte interruptif depuis 1988 et, pour certaines sociétés, depuis mai 1989, jusqu'aux commandements délivrés en 1998, soit plus de quatre ans après le dernier acte interruptif, l'arrêt retient que, si la présentation d'une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement suspend l'exigibilité de l'impôt, elle ne met le comptable dans l'impossibilité d'agir en recouvrement que pour autant que des garanties ont été offertes ou demandées et acceptées ou que des mesures conservatoires ont été prises par le comptable dans les termes de l'article L. 277 du Livre des procédures fiscales afin de garantir le recouvrement de l'imposition litigieuse ; qu'en l'espèce, aucune offre de garanties n'a été formulée par l'une quelconque des sociétés et aucune garantie n'a été demandée ni aucune mesure conservatoire n'a été prise par le comptable ; que, dans ce contexte, la suspension de l'exigibilité des impositions née de la réclamation assortie d'une simple demande de sursis de paiement ne peut, au regard de l'inaction du comptable, caractériser l'impossibilité à agir qui constitue une cause valable de suspension de la prescription ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le comptable public étant dans l'impossibilité d'agir en recouvrement de la taxe contestée à compter de la demande de sursis de paiement, bien qu'elle ne fût assortie d'aucune offre de garanties ni suivie d'aucune invitation du comptable à constituer ces garanties, le délai de prescription de l'action en vue du recouvrement avait cessé de courir à son encontre, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les pourvois incidents éventuels :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mai 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne les sociétés France Printemps, LRMD, venant aux droits de la société Prisunic, Compagnie des exploitations réunies (CER), Galeries Lafayette, Compagnie urbaine de négoce et d'investissement, La Samaritaine, LR Monoprix distribution, Monoprix, venant aux droits de la société SMB, aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés France Printemps et Compagnie des exploitations réunies (CER) et condamne les sociétés France Printemps, LRMD, venant aux droits de la société Prisunic, Compagnie des exploitations réunies (CER), Galeries Lafayette, Compagnie urbaine de négoce et d'investissement, La Samaritaine, LR Monoprix distribution, Monoprix, venant aux droits de la société SMB à payer à la Ville de Paris la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 03-16777
Date de la décision : 31/01/2006
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Recouvrement (règles communes) - Procédure - Action en justice - Prescription - Délai - Point de départ - Détermination.

Le délai de prescription de l'action en recouvrement du comptable public cesse de courir à son encontre à compter de la demande de sursis de paiement, même si celle-ci n'est assortie d'aucune offre de garanties ni suivie d'aucune invitation de sa part à l'intention de l'auteur de la demande de sursis de paiement à constituer ces garanties.


Références :

Livre des procédures fiscales L274, L277

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 27 mai 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 31 jan. 2006, pourvoi n°03-16777, Bull. civ. 2006 IV N° 24 p. 26
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 IV N° 24 p. 26

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Tricot.
Avocat général : Avocat général : M. Main.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Truchot.
Avocat(s) : Avocats : Me Foussard, SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier, SCP Thomas-Raquin et Bénabent.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:03.16777
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