LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, qui est recevable :
Vu les articles 53 IV, alinéas 1 et 2, et 53 VI, alinéa 2, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 ;
Attendu que, selon l'article 53 IV, alinéa 1er, de la loi susvisée, saisi d'une demande d'indemnisation d'un préjudice causé par l'exposition à l'amiante, le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le fonds) doit, dans son offre d'indemnisation, indiquer l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, ainsi que le montant des indemnités qui reviennent au demandeur compte tenu des prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice ; que, selon l'article 53 VI, alinéa 2, de cette même loi, le fonds intervient à titre principal devant les juridictions civiles, y compris celles du contentieux de la sécurité sociale, notamment dans les actions en faute inexcusable ; qu'ainsi la cour d'appel, saisie d'un recours fondé sur l'article 53 V de ladite loi, devant laquelle est présentée une demande d'indemnisation complémentaire pour faute inexcusable de l'employeur en application de l'article 53 IV, alinéa 2, de la même loi, doit surseoir à statuer sur cette demande et inviter son auteur ou le fonds à engager devant le tribunal des affaires de sécurité sociale compétent la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur en vue d'obtenir la fixation de la réparation due en application des dispositions du code de la sécurité sociale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Jacques X... est décédé le 6 mars 2001 des suites d'un mésothéliome diagnostiqué le 5 janvier 1999 et reconnu comme maladie professionnelle causée par l'exposition à l'amiante ; que sa veuve, Mme Jacqueline X..., et son fils, M. Christophe X..., (les consorts X...), agissant en leur nom personnel et en qualité d'ayants droit de la victime, ont demandé au fonds l'indemnisation de leurs préjudices personnels et des préjudices subis par Jacques X... ; que le fonds, après leur avoir versé des provisions, leur a notifié des offres d'indemnisation ; que, refusant celles-ci, les consorts X... ont saisi la cour d'appel d'une action contre la décision du fonds ;
Attendu que, pour condamner le fonds à verser à Mme X..., pour faute inexcusable de l'employeur, une indemnisation complémentaire sous forme d'une majoration de sa rente de conjoint survivant à hauteur de 9 882 euros par an, la cour d'appel, après avoir rappelé les dispositions de l'article 53 IV, alinéa 2, de la loi du 23 décembre 2000, et analysant les pièces et témoignages recueillis au cours d'une enquête de police, énonce qu'il résulte de ces éléments qu'il existe une forte présomption de faute inexcusable de l'employeur à l'origine du mésothéliome contracté par Jacques X... du fait de l'inhalation de fibres d'amiante pendant sa vie professionnelle ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle n'avait pas le pouvoir de se prononcer sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, et qu'il lui incombait de surseoir à statuer sur la demande d'indemnisation complémentaire réclamée de ce chef au fonds et d'inviter les parties à saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale compétent, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) à payer à Mme Jacqueline Y..., veuve X..., à titre de complément d'indemnisation pour faute inexcusable de l'employeur, une rente viagère annuelle de 9 882 euros, l'arrêt rendu le 21 février 2005, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, signé par M. Guerder, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du nouveau Code de procédure civile, en remplacement de M. Bizot, conseiller rapporteur empêché, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille six.