AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze janvier deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Fernando,
- Y... Vito, contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 17 février 2005, qui, pour transfert de capitaux sans déclaration, les a condamnés à une amende douanière et à la confiscation de la somme saisie ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit en demande, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article préliminaire du Code de procédure pénale, des articles 121-3 du Code pénal et 465 du Code des douanes, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré deux touristes (Fernando X... et Vito Y..., les demandeurs) coupables du délit prévu par l'article 465 du Code des douanes et les a condamnés de ce chef à une peine d'amende de 28 400 euros ;
"aux motifs qu'il leur avait été demandé en langue italienne s'ils avaient des valeurs à déclarer et qu'ils avaient répondu négativement tandis que la visite des bagages avait permis la découverte de la somme de 109 600 euros dissimulée dans une enveloppe et celle de 4 109 euros dans une poche de Fernando X... ; qu'il ressortait, par ailleurs, des déclarations de ce dernier que la somme trouvée sur lui provenait de celle plus importante découverte dans le coffre et dont il connaissait l'existence ; qu'il était ainsi établi qu'il avait participé avec Vito Y... à la non-déclaration d'une opération de transfert de fonds portant sur la totalité de la somme saisie, d'une valeur supérieure au montant de 7 600 euros et ce, en connaissance de cause ;
"alors que le délit de non-déclaration d'une valeur supérieure à 7 600 euros prévu par l'article 465 du Code des douanes est une infraction intentionnelle qui suppose que les contrevenants, au moment de leur participation, aient connaissance du caractère délictueux du fait auquel ils s'associent ; qu'en l'espèce, les prévenus ont toujours affirmé avoir ignoré que, dans le cadre du traité de Rome prévoyant la libre circulation des capitaux, la législation française imposait néanmoins de déclarer le transfert de fonds supérieur à la somme de 7 600 euros ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a aucunement caractérisé l'élément intentionnel prévu par la loi" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.2 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, 131-21 du Code pénal, 465-II du Code des douanes pris en sa rédaction issue du décret n° 2004-759 du 27 juillet 2004, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la confiscation de la somme non déclarée de 113 600 euros précédemment consignée ;
"aux motifs que, en vertu des nouvelles dispositions de l'article 465-II du Code des douanes dans sa rédaction moins sévère issue du décret n° 2004-759 du 27 juillet 2004, la somme consignée pouvait être confisquée si l'auteur de l'infraction portant sur l'absence de déclaration des sommes excédant 7 500 euros était ou avait été l'auteur d'une ou de plusieurs infractions prévues et réprimées par le présent Code ou s'il participait ou avait participé à la commission de plusieurs infractions ou s'il y a des raisons plausibles de penser qu'il avait commis des infractions ou plusieurs infractions prévues et réprimées par le Code des douanes ou qu'il avait participé à la commission de telles infractions ; qu'en l'espèce, aux termes du procès-verbal des agents des douanes, l'équipe cynophile avait effectué un marquage olfactif au niveau de la banquette arrière droite lorsque le véhicule conduit par Vito Y... avait été inspecté ; que, par ailleurs, selon les déclarations de celui-ci, il aurait reçu la somme litigieuse de son père qui avait quitté l'Italie pour ne pas être incarcéré à la suite de problèmes liés aux stupéfiants et se trouvait actuellement assigné à résidence ;
qu'il en résultait qu'il était établi que Vito Y... était en possession d'un véhicule et d'une somme d'argent laissant présumer qu'il était ou avait été l'auteur d'un trafic de stupéfiants ou de blanchiment, peu important, en l'admettant démontré, un classement sans suite de ce chef par le parquet dont la décision à ce titre n'avait pas autorité de la chose jugée ;
"alors que, seule une personne légalement reconnue coupable d'une infraction prévue par la loi au moment où elle a été commise, peut être condamnée à la confiscation douanière, laquelle constitue une peine complémentaire ; que les nouvelles dispositions de l'article 465-II du Code des douanes issues du décret n° 2004-759 du 24 juillet 2004 prévoyant que la confiscation de la somme non déclarée pourra être ordonnée par le tribunal qui statue sur l'infraction douanière de non-déclaration de plus de 7 600 euros si, pendant la durée de la consignation, il y a notamment des raisons plausibles de penser que l'auteur de l'infraction a commis une infraction ou plusieurs infractions prévues ou réprimées par le Code des douanes ou qu'il a participé à la commission de plusieurs infractions de ce type, sanctionnent un simple suspect pour sa participation à d'autres infractions douanières non légalement démontrées ; que ces dispositions ne sont pas compatibles avec les principes conventionnels susvisés et qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé les droits de la défense" ;
Attendu que l'article 465.II, 2ème alinéa, du Code des douanes, permettant aux juges qui ont caractérisé le délit de transfert de capitaux sans déclaration de prononcer la confiscation de la somme saisie si certaines circonstances de fait sont réunies, n'est pas contraire aux dispositions des article 6.2 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Soulard conseiller rapporteur, MM. Challe, Dulin, Mme Desgrange, MM. Rognon, Chanut, Mme Nocquet conseillers de la chambre, M. Lemoine, Mmes Degorce, Labrousse conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Charpenel ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;