AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze janvier deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de Me HAAS, de la société civile professionnelle PIWNICA, MOLINIE, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Michel,
- LA SOCIETE DES TRANSPORTS INTERNATIONAUX ET OPERA, civilement responsable
- Y... Roger,
- LA SOCIETE JET AIR SERVICE FRANCE, civilement
responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel PARIS, 9ème chambre, en date du 19 janvier 2005, qui, sur renvoi après cassation, a condamné le premier, pour importation sans déclaration de marchandises prohibées, à des pénalités douanières et, solidairement avec les trois autres, au paiement des droits fraudés ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'entre mars 1992 et décembre 1993 la société Chelsi a importé des vêtements originaires des Etats-Unis qu'elle avait achetés auprès des sociétés Texwear Sports et Bonjour Shoes; que ces importations ont été effectuées par l'intermédiaire des sociétés Jet Air Service France et Transports Internationaux et Opéra (STIO), commissionnaires en douane; que, lors d'un contrôle a posteriori, l'administration des Douanes a constaté qu'outre les factures sur la base desquelles la valeur en douane avait été déclarée, les opérations d'importation avaient donné lieu à l'établissement de factures complémentaires, établies par la société Texwear Sports ou la société Bonjour Shoes, faisant état de frais accessoires tels que tri, fret, manipulation, manutention, conseil, communication, coordination, comptabilité; qu'estimant que le montant de ces factures aurait dû être intégré dans la valeur déclarée, l'administration des Douanes a fait citer Michel X..., Roger Y... et Camillo Z..., respectivement dirigeants des sociétés Chelsi, STIO et Jet Air Service France, du chef d'importations sans déclaration de marchandises prohibées, les sociétés précitées étant citées en qualité de solidairement responsables ;
En cet état :
I - Sur le pourvoi de Roger Y... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II - Sur les autres pourvois :
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour la société STIO, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 414, 447, 450, 377 bis, 369 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription et condamné solidairement la société STIO, avec Michel X... et la société JAS au paiement des droits fraudés évalués à la somme de 384 834,67 euros, soit 2 524 350 francs, la solidarité étant limitée pour la société STIO à 22 474,64 euros soit 147 424 francs ;
"aux motifs qu'il résulte de l'article 450 du Code des douanes que, lorsqu'une des parties a saisi la Comission de consultation et d'expertise douanière (CCED) d'une consultation sur l'espèce, l'origine ou la valeur des marchandises, le cours des prescriptions de l'action en répression des infractions douanières et de l'action en paiement des droits est suspendu de plein droit à compter de la saisine, jusqu'à l'émission de l'avis, et pendant un délai maximum de 12 mois imparti à la commission pour statuer ;
qu'il ne peut être valablement soutenu que cette suspension se limite aux seules parties présentes à la procédure devant la commission, dès lors que la consultation porte sur des faits en relation avec les poursuites visant l'ensemble des prévenus ainsi que les solidairement responsables ; qu'en l'espèce, tous les prévenus étaient recherchés comme auteur d'une seule et même infraction ; que, dès lors, l'effet suspensif se produit à l'égard de tous ; que, dans ces conditions, le prévenu et le solidairement responsable ayant été cités devant le tribunal correctionnel de Bobigny le 29 septembre 1998, à la suite de l'interruption de la prescription, tant par le procès-verbal de constat du 16 novembre 1994 que du procès-verbal de notification des infractions du 28 juin 1995, déjà évoqués ci-dessus, et du fait de la suspension de la prescription pendant une année supplémentaire, ni la prescription de l'action fiscale ni celle de l'action en recouvrement des droits n'étaient acquises à la date de la délivrance des citations ;
"1 ) alors qu'aux termes de l'article 450 c) du Code des douanes, l'avis de la commission de consultation et d'expertise douanière doit être notifié aux parties dans un délai maximal de douze mois pendant lequel le cours des prescriptions visées aux articles 351 et 354 du présent Code est suspendu ; qu'il en résulte que la suspension de prescription ne joue qu'à l'encontre des parties présentes devant la commission à qui son avis doit être notifié ; qu'en l'espèce, les seules parties présentes devant cette commission étaient la société Chelsi, Michel X... et l'administration des Douanes ; que ni Roger Y... ni la société STIO n'ont été invités à saisir cet organe ni a fortiori n'ont été avisés de sa saisine et de son avis ; que, dès lors, la prescription n'a pu être suspendue à leur encontre ; que l'arrêt qui a décidé le contraire a violé les textes susvisés ;
"2 )alors que la suspension de la prescription prévue par l'article 450 du Code des douanes vise à permettre à la commission de conciliation et d'expertise douanière d'examiner le dossier qui lui est soumis et donner son avis aux parties qui l'ont saisie à cette fin ; que, dès lors, cette suspension ne saurait s'étendre aux prévenus non parties devant cette commission ; que la cour d'appel qui a jugé le contraire a violé les textes susvisés ;
"3 ) alors que les poursuites de l'administration des Douanes ne sont pas subordonnées à l'avis préalable de la commission de conciliation et d'expertise douanière, et peuvent être engagées même si cette commission n'a pas encore rendu son avis ;
que celui-ci est purement consultatif sauf pour ce qui est des constatations techniques et matérielles ; qu'en tout état de cause, l'avis est versé au dossier en cas de poursuite pénale et fiscale et communiqué à tous les prévenus, qu'ils aient été parties devant la commission ou pas ; que, par suite, la suspension de la prescription, dépourvue de fondement dans cette hypothèse, ne saurait produire ses effets à l'égard des personnes non parties devant la commission de conciliation et d'expertise douanière ; que la cour d'appel, qui a décidé que cette suspension s'étendait à l'ensemble des prévenus et des personnes solidairement responsables même si elles n'ont pas été parties à la procédure ouverte devant la CCED, a violé les textes précités" ;
Attendu que la demanderesse ne saurait faire grief à l'arrêt d'avoir jugé que le cours de la prescription de l'action de l'administration des Douanes a été suspendu par la saisine de la commission de conciliation et d'expertise douanière (C.C.E.D.), à l'initiative de l'importateur pour le compte duquel elle avait fait les déclarations en douane, dès lors que la suspension de prescription prévue à l'article 450.1.c du Code des douanes s'applique à l'égard de toutes les personnes poursuivies pour des opérations portant sur les marchandises soumises à l'examen de cette commission ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Michel X..., pris de la violation des articles 442-1 du Code des douanes, 21 du décret n° 71-209 du 18 mars 1971 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité tirée de l'extinction des poursuites du fait de la renonciation de l'administration des Douanes à poursuivre Michel X... et a déclaré ce dernier coupable du délit d'importation sans déclaration de marchandises prohibées ;
"aux motifs que Michel X... invoque vainement la circonstance que l'Administration poursuivante n'a pas fait connaître ses conclusions dans le délai de deux mois prévu par l'article 21 du décret n° 71-209 du 18 mars 1971 après la saisine de la commission de conciliation et d'expertise douanière ; que, en effet, la régularité de la procédure devant cette commission échappant au contrôle du juge répressif, l'accomplissement en l'espèce de cette formalité, le 25 mars 1996, soit plus de deux mois après la saisine de la CCED intervenue le 28 juillet 1995, n'entraîne pas l'extinction des droits de poursuite de l'administration des Douanes ; qu'aucun texte ne prévoit que le non-respect par l'administration des Douanes du délai prévu par l'article 21 du décret du 18 mars 1971 serait constitutif d'une nullité ;
"alors, d'une part, que l'article 21 du décret n° 71-209 du 18 mars 1971 précise que, sauf s'il décide de ne pas donner suite à la constatation d'infraction qui lui est transmise par le service, le directeur général des douanes et droits indirects est tenu, dans un délai de deux mois à compter de la date de la saisine de la commission de conciliation, de notifier au redevable les conclusions de l'Administration ; qu'en affirmant que le silence de l'administration des Douanes devant la commission de conciliation ne serait pas de nature à entraîner l'extinction de ses droits de poursuite, au motif inopérant qu'aucun texte ne prévoit la sanction d'une " nullité ", la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"alors, d'autre part, que, si la régularité de la procédure devant la commission de conciliation et d'expertise douanière échappe au contrôle du juge répressif, le prévenu reste recevable à se prévaloir, devant la juridiction de jugement, de tout fait de l'Administration susceptible de constituer une cause d'extinction de l'instance ; qu'en refusant de rechercher si le fait, pour l'administration fiscale, de ne pas avoir fait valoir ses observations devant la CCED, cependant que l'article 21 du décret n° 71-209 du 18 mars 1971 sanctionne ce comportement comme valant renonciation à exercer des poursuites contre le redevable, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité tirée du caractère tardif de la notification des conclusions de l'administration des Douanes dans le cadre de la procédure engagée devant la C.C.E.D., la cour d'appel prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, l'inobservation du délai dans lequel l'administration des Douanes doit notifier ses conclusions devant la C.C.E.D. ne vaut pas renonciation implicite aux poursuites et n'entraîne pas la forclusion ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Michel X..., pris de la violation des articles 362-2, 365, 368 du Code des douanes, 3 de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945, 7 et 7 bis du décret n° 56-222 du 29 février 1956 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité tirée de ce que la citation à comparaître avait été délivrée par un agent des douanes territorialement incompétent et a déclaré Michel X... coupable du délit d'importation sans déclaration de marchandises prohibées ;
"aux motifs que " c'est à tort que Michel X... oppose qu'il résulterait des dispositions combinées des articles 362-2 et 368 du Code des douanes, s'agissant de la délivrance des citations, une compétence territoriale des agents des douanes qui n'a pas été respectée en l'espèce ; que les agents de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (agence de poursuites et de recouvrement) ont une compétence nationale à laquelle ne déroge, à l'évidence, ni l'article 368 du Code des douanes, qui détermine les actes de procédure que les agents des douanes peuvent à l'instar des huissiers de justice accomplir, ni l'article 362-2 de ce même Code, qui vise la notification des jugements et actes de procédure devant les juridictions civiles " ;
"alors que l'article 365 du Code des douanes, spécialement applicable à la procédure devant les juridictions répressives, emporte une dérogation à la compétence nationale des agents des douanes lorsque ceux-ci agissent non dans le cadre de leur activité d'enquête et de renseignement, mais en leur qualité de partie poursuivante, précisément lorsqu'ils décident de ne pas recourir aux services d'un huissier et de procéder eux-mêmes à la délivrance de la citation à la personne intéressée ; qu'en déclarant régulière la citation délivrée, par des agents attachés à la direction des douanes à Paris, à un prévenu dont le domicile était situé en Seine-et-Marne, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu que Michel X... ne saurait prétendre que la citation lui a été délivrée par un agent des douanes territorialement incompétent, dès lors qu'il résulte des pièces de procédure que cet agent exerçait ses fonctions au sein de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et qu'il avait ainsi compétence sur l'ensemble du territoire national ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour Michel X..., pris de la violation des articles 55 de la loi du 25 janvier 1985, 343 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable l'action de l'administration des Douanes visant au paiement de droits et taxes, amendes et confiscations douanières ;
"aux motifs que Michel X... prétend qu'en raison du défaut de production de l'administration douanière à la liquidation judiciaire de la société Chelsi, au demeurant constant, l'action des douanes est irrecevable concernant les sanctions douanières et les droits éludés, dès lors qu'il n'a été actionné qu'en qualité de représentant légal de la société Chelsi à l'égard de laquelle les créances sont éteintes, et non pour un fait personnel ;
que, cependant, il résulte de l'examen des procès-verbaux, de la notification d'infraction et des citations qu'il est reproché à Michel X... d'avoir, à l'époque où il était gérant de la société Chelsi, commis de fausses déclarations de valeur à l'importation ayant pour but ou pour effet d'obtenir une exonération à l'exportation, pour le compte de la société Chelsi ; qu'il est ainsi établi qu'il lui est reproché des faits personnels susceptibles d'entraîner pour Michel X... à titre personnel des condamnations pécuniaires ;
"alors que, si Michel X... avait fait l'objet d'une notification, à titre personnel, dans le procès-verbal du 29 mai 1995, notification à laquelle l'administration des Douanes n'a pas entendu donner suite puisqu'elle a gardé le silence devant la commission de conciliation, en revanche, il n'a été cité, le 5 octobre 1998, qu'en sa qualité de représentant légal de la société Chelsi, de sorte que, la créance envers cette dernière étant éteinte faute de production - ce qu'admet la cour d'appel -, Michel X... ne pouvait être redevable d'une quelconque somme d'argent envers l'administration des Douanes, de sorte que l'action de cette dernière était irrecevable ; que, en déclarant l'action recevable, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu qu'il résulte des pièces de procédure que Michel X... a été personnellement cité à comparaître devant le tribunal correctionnel du chef d'importation sans déclaration de marchandises prohibées ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen de cassation, proposé pour Michel X..., pris de la violation des articles 3 et 8 du règlement 1224/80/CEE du 28 mai 1980, 28, 29 et 32 du Code des douanes communautaire, 414, 426 3, 435, 447 du Code des douanes, 1134 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, dénaturation, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X... coupable du délit d'importation sans déclaration de marchandises prohibées et, en répression, l'a condamné à payer à l'administration des douanes une amende de 2 706 424,50 euros, ainsi qu'une somme de 2 706 424,50 euros à titre de confiscation de la marchandise de fraude qui n'a pu être saisie, et l'a, en outre, condamné, solidairement avec les commissionnaires en douane, au paiement des droits fraudés évalués à la somme de 384 834,67 euros ;
"aux motifs qu'il ressort des termes du contrat passé entre la société Texwear Sport INC. dénommée le " négociateur " et la société Chelsi dénommée le " vendeur " que l'activité du premier est de négocier et d'acheter des produits de marque, neufs ou d'occasion ou comportant des défauts, auprès de qui bon lui semble, et, après triage, vérification et emballage, de les revendre au second ; qu'il travaille sous sa propre responsabilité et doit garantir le second de tout vice de marchandise ; qu'en contrepartie de la livraison de la marchandise, le " négociateur " percevra du " vendeur " une rémunération correspondant, d'une part, au prix de la marchandise et, d'autre part, à des frais de commission de l'ordre de 15 à 20 % englobant les services d'achat, de sélection, de tri, de manipulation, de consultation, de coordination, de gestion des inventaires, de remballage, de stockage, de transport et d'authentification des produits ; qu'il apparaît à la lecture de ce contrat que la société Chelsi laisse une totale liberté à Texwear pour acquérir la marchandise en son nom, sous son entière responsabilité, auprès de ses propres fournisseurs, ce qui exclut que cette société puisse être considérée comme ayant représenté la société Chelsi auprès de ces derniers, ainsi que l'imposent les dispositions susrappelées du règlement communautaire ; qu'au surplus Michel X... n'a jamais démontré ni même allégué, au cours de l'enquête, qu'il ait connu un seul de ses fournisseurs, ni même le prix d'achat obtenu par Texwear ; que Texwear, qui a acheté d'importantes quantités de marchandises pendant une période assez brève, a exigé des garanties bancaires, ouverture de lettre de crédit revolving, ce qui démontre qu'elle assumait tous les risques financiers ; que les commissions et frais accessoires réclamés par le " négociateur " sont globalisés sans délai ni justification précise ; que, surtout, leur montant est particulièrement élevé, de l'ordre de la moitié du prix total de la marchandise, dans certains cas 136 à 139 %, dépassant très largement les limites contractuelles
; qu'il s'ensuit que Texwear, qui n'a représenté qu'elle-même et assuré les risques financiers des opérations auxquelles elle se livrait, doit être regardée comme un vendeur de marchandises, et non pas comme un commissionnaire à l'achat ;
qu'il en est de même pour la société Bonjour Shoes avec laquelle les transactions s'effectuaient dans les mêmes conditions ; que, dès lors, les prétendus commissions et frais accessoires réglés au moyen de factures complémentaires se rattachaient directement à la marchandise et devaient être réintégrés à la valeur en douane déclarée ;
"alors, d'une part, que le fait pour un intermédiaire d'acheter en son nom propre des marchandises, auprès de qui bon lui semble, sous son entière responsabilité, en vue de la revente à son mandant pour le compte de qui il intervient, n'est pas incompatible avec la notion de " commission d'achat " telle que définie par l'article 8 du règlement 1224/80 CEE du 28 mai 1980, cette notion s'entendant des sommes versées par un importateur à son agent pour le service qui a consisté à le représenter en vue de l'achat des marchandises à évaluer, lesquelles sont exclues du calcul de la valeur en douane de la marchandise ; qu'en se bornant, dès lors, à relever que les sociétés Texwear et bonjour Shoes jouissaient d'une liberté totale pour acquérir la marchandise en leurs noms et que la société importatrice Chelsi n'avait pas connaissance du prix d'achat obtenu par ses agents auprès de ses fournisseurs, cependant qu'il lui appartenait seulement de rechercher si les marchandises en question avaient été sélectionnées, inspectées et achetées par les sociétés Texwear et Bonjour Shoes pour le compte de la société Chelsi, la cour d'appel, qui a ajouté, à l'exception prévue par le règlement communautaire, une condition restrictive qui n'y figurait pas, a violé ledit règlement dans sa rédaction alors applicable, et les textes visés au moyen ;
"alors, d'autre part, que, dans ses écritures d'appel, l'exposant insistait sur la spécificité de la prestation confiée à la société Texwear, consistant à rechercher, inspecter et trier pour son compte, sur le marché parallèle existant aux Etats-Unis de distribution de jeans de marque Levis Strauss, des jeans présentant des défectuosités plus ou moins perceptibles, ce qui justifiait de la part de la société Texwear une facturation de cet ensemble de services distincte du prix de vente du produit lui-même, qui n'avait pas, en tant que telle, à entrer en ligne de compte pour le calcul de la valeur en douane des marchandises importées, et en conséquence distincte des commissions et frais de courtage inclus dans la valeur en douane ; qu'en s'abstenant de rechercher si les factures adressées par la société Texwear ne correspondaient pas à des services réellement accomplis, rendus nécessaires par la spécificité des contraintes du marché américain de distribution de jeans de marque Levis Strauss et des risques importants de contrefaçon, la cour d'appel n'a pas donné de base à sa décision ;
"alors, enfin, que le fait d'offrir une garantie bancaire équivaut, pour celui qui en est l'auteur, à assumer les risques financiers de la transaction concernée par cette garantie ; que, contrairement dès lors à ce qu'énonce l'arrêt attaqué, la mise à disposition d'une lettre de crédit à l'année au profit des intermédiaires américains, ce qui leur permettait de régler les fournisseurs directement avec les fonds de la société Chelsi, avait pour effet de démontrer que cette dernière assumait seule les risques financiers de l'opération ; qu'en énonçant, dès lors, à tort, que les factures émises par les sociétés Texwear et Bonjour Shoes ne correspondaient pas à des " commissions d'achat " au sens de l'article 3 du règlement 1224/80 du 28 mai 1980, faute pour la société Chelsi d'assumer les risques financiers de l'opération, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les textes visés au moyen" ;
Sur le cinquième moyen de cassation, proposé pour Michel X..., pris de la violation des articles 3 et 8 du règlement 1224/80/CEE du 28 mai 1980, 5, chapitre 2 du règlement 1967/79/CEE du 24 juillet 1979, 220-2 du Code des douanes communautaire, 414, 426 3, 435, 447 du Code des douanes, 121-3 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X... coupable du délit d'importation sans déclaration de marchandises prohibées et, en répression, l'a condamné à payer à l'administration des Douanes une amende de 2 706 424,50 euros, ainsi qu'une somme de 2 706 424,50 euros à titre de confiscation de la marchandise de fraude qui n'a pu être saisie, et l'a en outre condamné, solidairement avec les commissionnaires en douane, au paiement des droits fraudés évalués à la somme de 384 834,67 euros ;
"aux motifs que l'importation de marchandises sans valeur déclarée obéit à un régime déclaratif, fondé sur l'exactitude et la sincérité des mentions portées dans la déclaration par le déclarant ; qu'il s'ensuit que chaque opération de dédouanement ne donne pas lieu à un contrôle approfondi par les agents de l'Administration, et qu'il est, de ce fait, prévu un contrôle a posteriori par l'article 78 du Code des douanes communautaire ; que le prévenu ne peut valablement soutenir que l'administration des Douanes a commis une faute exonératoire de sa responsabilité ;
"alors, d'une part, que le délit d'importation sans déclaration de marchandises prohibées est un délit intentionnel ;
qu'en reprochant au prévenu de ne pas avoir intégré le montant des factures réglées distinctement aux intermédiaires américains en paiement de services dont la matérialité n'était pas contestée, sans caractériser l'élément intentionnel de l'infraction, et notamment sans rechercher si Michel X... n'était pas en droit de considérer que cette pratique était régulière au regard de la solution consacrée par l'arrêt C-299/90 rendu le 25 juillet 1991 par la Cour de justice des communautés européennes, compte tenu du fait que les douanes elles-mêmes n'avaient élevé aucune contestation sur la valeur déclarée des marchandises lors des contrôles physiques qu'elles avaient été amenées à pratiquer à l'occasion des opérations de dédouanement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors, d'autre part, que, s'il n'est pas contestable que l'administration des Douanes a toujours la possibilité d'effectuer des contrôles a posteriori, celle-ci peut être privée de son droit de poursuite contre le redevable s'il est établi que, malgré le nombre et l'importance des importations effectuées par le redevable, la valeur déclarée des marchandises importées n'a donné lieu à aucune objection de la part des services qui les ont contrôlées ; que prive sa décision de base légale la cour d'appel qui se borne à évoquer le droit pour l'administration des Douanes à effectuer des contrôles a posteriori, sans rechercher si ne constituait pas une faute le fait pour cette dernière d'avoir durablement confirmé la sincérité de l'origine, de l'espèce et de la valeur des marchandises importées lors de contrôles physiques effectués à l'occasion des opérations de dédouanement, cependant qu'aucune manoeuvre ou dissimulation n'étaient par ailleurs reprochées à Michel X..., qui avait agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer Michel X... coupable des faits reprochés, l'arrêt relève qu'il résulte du contrat passé par la société Chelsi avec les sociétés Texwear Sports et Bonjour Shoes que le rôle de ces dernières était de négocier et d'acheter des produits de marque, neufs ou d'occasion et, après triage, vérification et emballage, de les revendre à la première ; que les sociétés Texwear Sports et Bonjour Shoes travaillaient sous leur propre responsabilité et devaient garantir la société Chelsi de tout vice de la marchandise ;
Que les juges ajoutent qu'en contrepartie de la livraison, les sociétés Texwear Sports et Bonjour Shoes percevaient de la société Chelsi une rémunération correspondant, d'une part, au prix de la marchandise et, d'autre part, à des frais de commission englobant les services d'achat, de sélection, de tri, de manipulation, de consultation, de coordination, de gestion des inventaires, de remballage, de stockage, de transport et d'authentification des produits ; que la société Chelsi laissait une totale liberté à Texwear Sports et à Bonjour Shoes pour acquérir la marchandise en leur nom, sous leur entière responsabilité, auprès de leurs propres fournisseurs, ce qui exclut que ces sociétés puissent être regardées comme ayant représenté Chelsi auprès de ces derniers ;
Qu'ils relèvent également que les sociétés Texwear Sports et Bonjour Shoes, qui ont acheté d'importantes quantités de marchandises pendant une période assez brève, ont exigé des garanties bancaires et l'ouverture de lettres de crédit revolving, ce qui démontre qu'elles assumaient tous les risques financiers ;
Que les juges retiennent encore que les commissions et frais accessoires réclamés par le négociateur étaient globalisés sans délai ni justification précise et que leur montant correspondait approximativement à la moitié du prix de la marchandise, dépassant très largement les limites fixées dans les contrats ; qu'ils en déduisent que les sociétés Texwear Sports et Bonjour Shoes doivent être regardées comme des vendeurs et non comme des commissionnaires d'achat ; qu'ils relèvent enfin que la mauvaise foi du prévenu résulte du montage frauduleux mis en place par ses soins ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation et qui établissent, d'une part, que les sommes litigieuses ne constituaient pas des commissions d'achat au sens de l'article 3, paragraphe 1, du règlement 1224/80/CEE du Conseil, du 28 mai 1980, d'autre part, que Michel X... n'a pas rapporté la preuve de sa bonne foi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'il s'ensuit que les moyens ne peuvent être accueillis ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour la société Jet Air Service France, pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 201 et 220.2 du Code des douanes communautaire, 369.4 et 377 bis du Code des douanes, 515, alinéa 3, 551, 591 et 593 du Code de procédure pénale, du principe de double degré de juridiction ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société JAS France, solidairement avec Michel X... et la société STIO, au paiement des droits éludés évalués à 384 834,67 euros, la solidarité étant limitée pour la société JAS France à 319 942,61 euros ;
"aux motifs que la relaxe de Camillo Z..., dirigeant de la société JAS France, est devenue définitive, faute de pourvoi de l'administration des Douanes contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 14 mars 2002 ; que, si les dispositions de l'article 377 bis du Code des douanes ne s'appliquent pas en cas de relaxe prononcée pour absence de fraude matériellement établie, il en va différemment en cas de relaxe sur la bonne foi ; qu'en effet, la relaxe sur l'intention ne fait pas disparaître l'élément matériel de l'infraction et ses conséquences pécuniaires ; que, tel est le cas en l'espèce, Roger Y... et Camillo Z... ayant été relaxés au titre de leur bonne foi ; que la matérialité du délit réputé importation de marchandises prohibées est caractérisée ; que l'article 220.2 du Code des douanes communautaire prévoit que les droits de douane ne sont pas recouvrés a posteriori lorsque le montant des droits légalement dû n'a pas été pris en compte par suite d'une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait pas raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane ; qu'au sens de ce texte et de l'article 210 du Code des douanes, le redevable ou le débiteur, est constitué à la fois du déclarant et de la personne pour le compte de laquelle il déclare ; que, dans ces conditions, la bonne foi du redevable prévue à cet article s'entend cumulativement de celle du commissionnaire et de la personne pour le compte de laquelle il a procédé à la déclaration en douane ; qu'il est acquis en l'espèce que Michel X... était d'une parfaite mauvaise foi ; que la confiance légitime du redevable n'est digne de protection que si ce sont les autorités compétentes "elles-mêmes" qui ont créé la base sur laquelle reposait sa confiance ; que, tel n'est pas le cas en l'espèce, l'importateur étant parfaitement avisé de la minoration de la valeur déclarée ; que, dès lors, l'application de l'article 220.2 du Code des douanes communautaire doit être écartée ; que l'article
201 du Code des douanes communautaire dispose que " le débiteur est le déclarant ; en cas de représentation indirecte, la personne pour le compte de laquelle la déclaration est faite est également le débiteur ; que, dès lors, le déclarant est la personne physique ou morale qui souscrit la déclaration en douane pour autrui ; qu'en l'espèce, les déclarants en douane étaient les sociétés JAS France et STIO ; qu'en conséquence, Roger Y... et Camillo Z... ayant été reconnus de bonne foi, ils ne peuvent faire l'objet d'une condamnation en application des articles 377 bis et 369 du Code des douanes, ces derniers n'étant ni débiteur légal, ni redevable ; qu'en conséquence, seules les sociétés JAS France et STIO seront tenues au paiement des sommes fraudées prévu à l'article 377 bis du Code des douanes ;
"alors, d'une part, qu'en première instance, la société JAS avait été citée à comparaître en qualité de solidairement responsable de Camillo Z..., son dirigeant, prévenu ; qu'en l'état de la complète mise hors de cause de ce dernier, tant sur le plan pénal que sur le plan civil, la société JAS France ne pouvait pas être condamnée à un titre quelconque, la circonstance qu'elle ait été citée devant la cour d'appel de renvoi en qualité de solidairement responsable de Michel X... devant rester sans portée à cet égard par application du principe de double degré de juridiction ;
"alors, d'autre part, que, pour l'application de l'article 220.2 du Code des douanes communautaire, la bonne foi doit être appréciée distinctement pour chacun des redevables des droits éludés ; que, par suite, la cour d'appel ne pouvait pas se fonder sur la mauvaise foi de l'importateur pour exclure celle du commissionnaire en douane et écarter, au profit de ce dernier, l'application de ce texte ;
"alors, enfin, qu'en considérant que l'administration des Douanes n'avait pas créé " elle-même " la base sur laquelle avait reposé la confiance légitime du commissionnaire, sans rechercher si la minoration du prix de vente déclaré des marchandises importées n'aurait pas dû être décelée à l'occasion des multiples contrôles tant physiques que documentaires dont ces marchandises avaient fait l'objet et, partant, si le comportement de l'Administration n'avait pas joué un rôle déterminant dans la croyance légitime du commissionnaire de la régularité des opérations, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Attendu qu'après avoir constaté que Camillo Z... avait été définitivement relaxé en raison de sa bonne foi, l'arrêt énonce, pour condamner la société qu'il dirigeait au paiement des droits fraudés, conformément à la demande de l'administration des Douanes formée devant le tribunal puis la cour d'appel, que ladite société avait la qualité de déclarant et que l'absence de prise en compte des droits ne résulte pas d'une erreur des autorités douanières ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a fait l'exacte application des articles 369.4 du Code des douanes, 201.3 du Code des douanes communautaire et 5, paragraphe 2, du règlement 1697/79/CEE du Conseil, du 24 juillet 1979, applicable à l'époque des faits ;
Qu'ainsi le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Soulard conseiller rapporteur, MM. Challe, Dulin, Mme Desgrange, MM. Rognon, Chanut, Mme Nocquet conseillers de la chambre, M. Lemoine, Mmes Degorce, Labrousse conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Charpenel ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;