AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 décembre 2004), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ, 5 décembre 2002, pourvoi n° 01-00.224) que, saisi par M. X..., le président d'un tribunal de grande instance, statuant en référé, a, par ordonnance du 12 janvier 2000, désigné un collège d'experts pour rechercher l'existence possible d'un lien de causalité entre l'injection de vaccins contre l'hépatite B, fournis par la société Pasteur vaccins, aux droits de laquelle vient la société Sanofi Pasteur MSD (la société), et la sclérose en plaques développée ultérieurement par M. X... ; que, le 4 mai 2000, la société a demandé au juge chargé du contrôle des expertises, le remplacement de l'un des membres du collège d'experts, M. Y..., en exposant que ce dernier avait entretenu des relations professionnelles avec la société Smithkline Beecham, devenue Glaxosmithkline, qui fabrique également un vaccin contre l'hépatite B ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable la demande de récusation, alors, selon le moyen, qu'une partie peut justifier une demande de récusation écartée par les premiers juges par des faits nouveaux survenus après le jugement et mettant gravement en cause l'impartialité de l'expert et son obligation de réserve ;
qu'au cas d'espèce, la société produisait aux débats divers éléments de preuve établissant que, postérieurement à sa demande de récusation rejetée par le premier juge en juin 2000, le docteur Y... avait donné de multiples témoignages de sa partialité et porté gravement atteinte à son obligation de réserve ; qu'ainsi l'intéressé l'avait assignée en tierce opposition à un arrêt l'ayant récusé, en faisant valoir la perte économique qui en résultait pour lui, tout en demandant la publication de l'arrêt à intervenir ; que, le même docteur Y... avait, par la voie d'écrits publics ou privés, diffusés sur les ondes, par voie de presse ou sur son site Internet, dénoncé la vaccination contre l'hépatite B et tenu des propos allant au-delà de l'argumentation scientifique, puisqu'il avait conseillé aux personnes vaccinées de porter plainte pour publicité trompeuse et accusé les autorités sanitaires et les laboratoires pharmaceutiques de collusion, insinuant que ces derniers se seraient livrés à des manoeuvres corruptrices ; qu'en déclarant tardive la demande de récusation présentée par la société au seul motif qu'elle avait été faite concomitamment au dépôt du prérapport du docteur Y..., sans aucunement se prononcer sur l'incidence que pouvaient avoir les faits susvisés, survenus postérieurement, sur la capacité du docteur Y... à remplir une fonction d'expert impartial dans le présent litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 122, 234, alinéa 3, 563 et 564 du nouveau Code de procédure civile et 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que la cour d'appel qui n'était saisie que de l'examen du recours contre l'ordonnance du magistrat chargé du contrôle des expertises en date du 25 mai 2000, rejetant la demande de récusation de l'expert, n'avait pas à se prononcer sur des faits survenus postérieurement à cette demande et au dépôt du rapport d'expertise ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique, pris en ses autres branches :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable la demande de récusation, alors, selon le moyen :
2 / qu'aux termes de l'article 234, alinéa 3, du nouveau Code de procédure civile, si le technicien s'estime récusable il doit immédiatement le déclarer au juge qui l'a commis ou au juge qui est chargé du contrôle de l'expertise ; qu'en affirmant que la société Aventis Pasteur MSD n'aurait pas satisfait à son obligation de demander la récusation du docteur Y... dès la révélation de la cause de récusation, par lettre de celui-ci en date du 3 avril 2000 sans rechercher si, dans cette lettre, intervenue en cours d'opérations d'expertise et non adressée au juge, le docteur Y... avait explicité suffisamment l'importance et la persistance des relations qu'il avait entretenues avec la société Smithkline Beecham pour permettre à la société Aventis Pasteur MSD d'apprécier immédiatement la cause de récusation, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 122 et 234 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / qu'il résultait des pièces versées à la procédure que c'était par télécopie du 3 mai 2000, que la société Pasteur vaccins avait été informée par le conseil de la société Smithkline Beecham de l'exacte teneur des liens professionnels liant celle-ci au docteur Y..., ce dont il résultait que la lettre de récusation, dictée le 3 mai et expédiée le 5 mai 2000 après accord de la société Pasteur vaccins, ne pouvait être considérée comme tardive sans entacher de plus fort la décision de la cour d'appel d'un défaut de base légale au regard du texte susvisé ;
4 / qu'en présence des révélations de la télécopie du 3 mai 2000 adressée par la société Smithkline Beecham, la simple coïncidence des dates d'envoi de la demande de récusation et de réception du prérapport, le 5 mai 2000, n'était pas de nature à établir que la société Aventis Pasteur MSD aurait récusé le docteur Y... "seulement après avoir connu l'orientation donnée par les experts judiciaires à leur mission" ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a à nouveau entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des textes susvisés ;
5 / que la cour d'appel ne pouvait déclarer tardive la demande de récusation du docteur Y..., dans la procédure d'expertise concernant M. X... au motif que la société Aventis Pasteur aurait déjà connu l'orientation donnée par les experts à leur mission dans le prérapport concernant M. Z... ; qu'en se prononçant par ce motif inopérant, la cour d'appel a violé l'article 234 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale, le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve dont la cour d'appel a déduit la tardiveté de la demande de récusation ;
D'où il suit que le moyen, qui en ses deux dernières branches critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sanofi Pasteur MSD aux dépens ;
Vu les articles 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du nouveau Code de procédure civile, donne acte à la SCP Defrenois et Levis de ce qu'elle renonce à percevoir l'indemnité de l'Etat ; condamne la société Sanofi Pasteur MSD à payer à la SCP Defrenois et Levis la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre janvier deux mille six.