AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Vu l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;
Attendu que la faute de la victime n'exonère totalement le gardien de sa responsabilité que si elle constitue une force majeure ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mlle X... a été heurtée par un train alors qu'elle se trouvait sur la voie d'évolution du dépôt d'Achères ; que, blessée, elle a fait assigner la SNCF en réparation de son préjudice ;
Attendu que, pour rejeter sa demande, l'arrêt énonce que l'état d'imprégnation alcoolique expliquait le comportement anormal de la victime ayant consisté à se tromper de train, à s'endormir puis à descendre sur la voie ferrée au lieu de le faire du côté du quai, et, enfin, à se diriger, non pas vers le point éclairé de la gare de triage, mais à l'opposé et à se trouver agenouillée sur le ballast face à la voie dans un lieu difficile d'accès et dans l'obscurité ; qu'aucune faute ne pouvait être retenue contre le conducteur de la rame du train, non plus qu'il ne pouvait être reproché à la SNCF un défaut d'organisation ; qu'en réalité, la cause de l'accident résidait exclusivement dans le comportement imprévisible et insurmontable de la victime qui exonérait totalement la SNCF de la présomption de responsabilité pesant sur elle ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à la SNCF de s'assurer de l'absence de passagers dans la rame avant de la diriger vers le dépôt, en sorte que n'étaient pas caractérisées l'imprévisibilité et l'irrésistibilité du comportement de la victime pouvant justifier l'exonération totale du gardien de la chose instrument du dommage, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mai 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la SNCF aux dépens ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille cinq.