AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze décembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, et de Me LUC-THALER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Christophe,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 4 mai 2004, qui, pour refus de recevoir un billet ayant cours légal, l'a condamné à 150 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles R. 642-3 du Code pénal, 1243 du Code civil, L. 112-5 et L. 311-1 du Code monétaire et financier, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Jean-Christophe X... coupable de la contravention de refus de recevoir des pièces de monnaie ou des billets ayant cours légal et en conséquence l'a condamné à une amende de 150 euros ;
"aux motifs que le prévenu a reconnu, lors de son audition par les gendarmes, que la caissière puis M. Y..., chef du magasin LIDL de Dieulouard, ont refusé le billet de 500 euros présenté par la cliente, Marcelle Z..., en paiement de ses achats ; qu'il a expliqué qu'en sa qualité de responsable dudit magasin, il faisait appliquer une consigne de sa direction qui interdit d'accepter les billets de 500 euros pour des petits paiements ; qu'il a ajouté :
"nous sommes conscients d'être en infraction avec la législation en vigueur, mais le risque d'escroquerie est trop grand et c'est pour cette raison que la société LIDL préfère adopter cette résolution " ;
qu'il s'ensuit que le prévenu a délibérément et en connaissance de cause refusé un billet litigieux, ce, bien que les gendarmes intervenus sur place n'aient constaté sur le billet présenté aucun signe de contrefaçon ; que la thèse de l'impossibilité de rendre la monnaie invoquée par le prévenu ne peut être retenue dès lors que, d'une part, cet argument de défense n'est nullement corroboré par les déclarations faites aux enquêteurs par le prévenu, et que, d'autre part, aucune constatation matérielle des enquêteurs ne conforte une impossibilité matérielle de rendre la monnaie sur le billet présenté par Marcelle Z... ; qu'enfin, l'article L. 112-5 du Code monétaire et financier qui énonce qu'il appartient au débiteur de faire l'appoint ne justifie pas le refus d'un directeur de supermarché de prendre en paiement le billet de 500 euros présenté par la cliente et de rendre la monnaie à concurrence du montant des achats ;
"alors qu'aux termes de l'article L. 112-5 du Code monétaire et financier, en cas de paiement en billets ou pièces, il appartient au débiteur de faire l'appoint ; qu'en retenant Jean-Christophe X... dans les liens de la prévention pour avoir refusé de recevoir un billet de banque dont la valeur excédait le montant des achats, la cour d'appel a violé ensemble l'article L. 112-5 du Code monétaire et financier et les articles visés au moyen" ;
Vu l'article L.112-5 du Code monétaire et financier, ensemble l'article R. 642-3 du Code pénal ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, en cas de paiement en billets et pièces, il appartient au débiteur de faire l'appoint ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-Christophe X..., responsable de magasin, est poursuivi pour avoir refusé de recevoir d'une cliente un billet de 500 euros en paiement d'achats d'un montant de 51,13 euros ;
Attendu que, pour le déclarer coupable de la contravention prévue par l'article R.642-3 du Code pénal, l'arrêt relève que le prévenu a délibérément et en connaissance de cause refusé le billet litigieux et énonce que l'article L.112-5 du Code monétaire et financier qui impose au débiteur de faire l'appoint ne justifie pas le refus d'un directeur de supermarché d'accepter en paiement un billet de 500 euros présenté par une cliente et de rendre la monnaie ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nancy, en date du 4 mai 2004, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nancy, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Challe conseiller rapporteur, M. Dulin, Mmes Thin, Desgrange, MM. Rognon, Chanut, Mme Nocquet conseillers de la chambre, MM. Soulard, Lemoine, Mmes Degorce, Labrousse conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;