AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, après avertissement délivré aux parties :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 juin 2003), que dans ses déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune établies au titre des années 1989 à 1995, M. X... a inscrit à l'actif imposable des sommes correspondant aux droits à percevoir des éditions Gallimard à raison de la commercialisation de son oeuvre, et a déduit chaque année au passif une somme représentant l'impôt sur le revenu qu'il aurait à supporter sur ces droits ; que l'administration fiscale considérant les sommes portées au passif comme un impôt potentiel au 1er janvier de l'année d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune, en a refusé la déduction ; que M. X... a, alors, fait valoir que les sommes figurant à l'actif sous l'intitulé "compte courant maison Gallimard" n'auraient pas davantage dû y figurer s'agissant de droits d'auteur exonérés en application des dispositions de l'article 885 I du Code général des impôts ; que l'administration a écarté cette analyse au motif que ces sommes ne représentaient pas la valeur de capitalisation des droits d'auteur visée par cet l'article, mais des créances relatives aux produits des droits d'auteur ; qu'elle a mis en recouvrement les rappels de droits dus pour les seules années 1993 à 1995 abandonnant la procédure pour les années antérieures ; que M. X... a formé une réclamation en sollicitant la décharge de cette imposition supplémentaire, et la restitution des sommes payées en trop de 1989 à 1995 à raison de l'inclusion dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune des sommes désignées sous l'intitulé "compte courant maison Gallimard" ; qu'après le rejet de sa réclamation, M. X... a saisi le tribunal, qui n'a pas accueilli sa demande ;
Attendu que le directeur général des impôts fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé le jugement, alors, selon le moyen, que selon les dispositions de l'article 885 I du Code général des impôts, les droits de la propriété littéraire et artistique ne sont pas compris dans les bases d'imposition de l'impôt de solidarité sur la fortune de leur auteur ; que la propriété littéraire et artistique est le droit reconnu au créateur d'une oeuvre littéraire ou artistique sur sa création ; qu'il s'agit d'un droit de propriété incorporel, mobilier, exclusif et opposable à tous ; que ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral, mais aussi d'ordre patrimonial ; que le droit patrimonial est le monopole donné à l'auteur de tirer de l'oeuvre un profit pécuniaire en l'utilisant à quelque fin que ce soit ;
que ce droit d'exploitation comprend le droit de représentation et le droit de reproduction ; que si ces droits dotés d'une valeur patrimoniale ne sont pas assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune, les bénéfices retirés de leur exploitation ne profitent pas de cette exonération ; qu'en assimilant les droits de la propriété littéraire et artistique aux sommes retirées de leur exploitation pour justifier l'exonération des revenus tirés de l'activité littéraire de M. X..., la cour d'appel a violé l'article 885 I précité ;
Mais attendu que l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant au redevable ; que les revenus de ce dernier, imposables par ailleurs, n'entrent dans celle-ci que pour leur fraction non consommée ;
Attendu que l'arrêt relève qu'il résulte de la réponse de la société Gallimard à l'administration fiscale que les sommes que devait percevoir M. X..., inscrites à son compte d'auteur au 1er janvier de chaque année, ne constituaient pas des sommes disponibles sur un compte courant, mais l'état des revenus tirés de son activité littéraire qui devaient lui être versés ;
Qu'il en résulte que cette créance de revenus n'entre pas dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune ;
Que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le directeur général des impôts aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, le condamne à payer à M. X... la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille cinq.