AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Jarry plastique et M. X..., ès qualités ;
Donne acte à la Société normande de transit aux Antilles de sa nouvelle dénomination ;
Attendu qu'une machine appartenant à la société Jarry plastique a été endommagée sur le port d'Anvers (Belgique) au cours de son transfert de quai à quai, avant son embarquement ; que pour obtenir réparation de son préjudice, elle a fait assigner le 7 décembre 1994, devant le tribunal de commerce de Rouen, la Société normande de transit et de consignation (SNTC), commissionnaire de transport, et la Compagnie générale maritime (CGM), transporteur maritime ; que, par acte du 26 décembre 1994, la CGM a appelé en garantie la société Stertrans, qu'elle avait chargé du transfert, et son substitué M. Y..., assuré par la société Sun Alliance ; que, le 29 décembre 1994, la SNTC a exercé une action récursoire contre CGM et contre la société Derruder, le transporteur terrestre ; que, pour sa part, la société Stertrans a appelé en garantie M. Y... et son assureur ; qu'enfin, peu avant la saisine du tribunal de commerce de Rouen, la CGM avait fait assigner, le 5 décembre 1994, la société Stertrans ainsi que M. Y... et son assureur, devant le tribunal de commerce d'Anvers pour interrompre la prescription ; qu'en première instance, la juridiction française a fait droit aux demandes de la société Jarry plastique, et, s'agissant de l'action en garantie exercée par la CGM à l'encontre de la société Stertrans et de M. Y..., le Tribunal a rejeté l'exception de litispendance au profit du tribunal d'Anvers que ces derniers avaient opposée, et, sur le fond, a jugé bien fondés les appels en garantie et les actions récursoires ; que l'arrêt infirmatif attaqué a dit que la SNTC était tenue d'indemniser la société Jarry plastique et a décidé que le tribunal de commerce de Rouen devait se dessaisir, en faveur du tribunal de commerce d'Anvers, du litige relatif aux actions récursoires et en garantie ;
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société SNTC fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle était tenue d'indemniser la société Jarry plastique sans caractériser un fait imputable à ses substitués et sans s'interroger sur les limitations de responsabilité auxquelles elle pouvait prétendre en sa qualité de garante de ceux-ci, privant ainsi de base légale sa décision au regard de l'article L. 132-6 du Code commerce ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le sinistre avait eu lieu au cours du transport de quai à quai alors que le camionneur avait heurté la voûte d'un pont et que la société SNTC était intervenue comme commissionnaire de transport de bout en bout, la cour d'appel en a justement déduit que cette société était responsable des faits des transporteurs qu'elle avait choisi sauf son recours contre eux ; que les griefs sont inopérants ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles 4 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;
Attendu que pour décider que le tribunal de commerce de Rouen devait se dessaisir en faveur du tribunal de commerce d'Anvers du litige concernant les actions récursoires et les actions en garantie, l'arrêt retient qu'en application des articles 21 et 22 de la Convention de Bruxelles du 27 décembre 1968, modifiée, l'ensemble de ce litige devait être rassemblé devant le premier juge saisi tant pour cause de litispendance que de connexité ;
Qu'en relevant d'office un moyen de droit sans avoir au préalable invité toutes les parties à présenter leurs observations, alors qu'elle n'était saisie que d'une exception de litispendance et de connexité opposée par la société Stertrans ainsi que par M. Y... et son assureur à l'action en garantie que la société CGM avait formée à leur encontre et que cette dernière société n'avait jamais conclu à la compétence de la juridiction belge pour connaître de l'action récursoire exercée à son encontre par la société SNTC, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé les textes susvisés ;
Et sur la quatrième branche du premier moyen principal et sur la première branche du pourvoi incident :
Vu l'article 21 de la Convention de Bruxelles du 27 décembre 1968, modifiée ;
Attendu que pour rechercher si les conditions d'une litispendance étaient réunies au sens de la disposition susvisée, l'arrêt retient que les conditions procédurales permettant de conclure à une litispendance devaient être appréciées selon la loi nationale de chacune des juridictions concernées ;
Qu'en se prononçant par ces motifs, alors que l'identité de litige, qui suppose réunies l'identité de parties, de cause et d'objet, se définit par des termes devant recevoir une interprétation communautaire autonome donnée par la Cour de justice des Communautés européennes (notamment au point 11 de l'arrêt Gubish Maschinen Fabrik AG C/ Palumbo du 8 décembre 1987, aff. 144/86), et non par référence à un droit national, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches des pourvois :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a décidé que le tribunal de commerce de Rouen devait se dessaisir en faveur du tribunal de commerce d'Anvers du litige concernant les actions récursoires et les actions en garantie, l'arrêt rendu le 17 mai 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille cinq.