AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Lyon Mag et à M. X... du désistement de leur pourvoi formé contre l'association Contribuables associés ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que le magazine Lyon Mag a publié dans son édition du mois de décembre 2003 un article sous le titre "La vérité sur les comptes de l'Olympique lyonnais " ; que M. Y... président de ce club, estimant que cet article était diffamatoire tant à son égard qu'à celui de la société Olympique lyonnais, a assigné M. X..., pris en sa qualité de directeur de la publication et la SAS Lyon Mag, pour obtenir des dommages-intérêts ainsi que la publication du jugement à intervenir dans Le Progrès, L'Equipe et Le Monde ;
Attendu que pour condamner solidairement M. X... et la société Lyon Mag à payer la somme de 15 000 euros à la société Olympique lyonnais et la somme de 8 000 euros à M. Y... à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel a énoncé que le Tribunal avait justement considéré que le titre de l'article ne contenait l'imputation d'aucun fait à aucune personne déterminée ;
qu'au début de l'article est citée la phrase "je ne cautionnerai pas une entreprise financière qui mène tout droit à la banqueroute" présentée comme ayant été prononcée par Jérôme Z..., actionnaire de la SASP OL et dirigeant d'une importante société commerciale ; que l'attribution de cette phrase est assortie de réserve puisqu'est employé le conditionnel, mais que l'effet de cette réserve est annulé par l'affirmation que "en tout cas cette petite phrase a semé la stupeur dans les milieux économiques lyonnais", laquelle implique que cette citation est tenue pour authentique ; qu'il est évident pour le lecteur que l'entreprise financière concernée est la SASP OL ; que Jérôme Z... atteste n'avoir jamais prononcé ces paroles qui lui sont attribuées et il n'est pas démontré que les intimés ont pu légitimement penser qu'il les avait réellement dites ; que cette citation est en relation avec l'introduction qui la précède immédiatement où il est écrit "difficile de ne pas constater la fragilité de cette entreprise sur le plan économique" et avec les développements qui suivent où il est fait état de "magie comptable" ; que leur portée est renforcée par le mode indicatif employé et par la notoriété de Jérôme Z... ; que ce qui est qualifié de "magie comptable" est imputé à M. Y... qui aurait "trouvé une parade pour masquer" les pertes en "jonglant avec ses charges à répartir" ; que certes il est précisé qu'il s'agit "d'une parade tout à fait légale" mais qu'il est ensuite précisé que sans ce tour de passe-passe comptable l'OL serait largement déficitaire... comme les autres clubs français, ce qui suggère que cette pratique comptable est inhabituelle ; que cette citation faussement attribuée à J. Z... et cette présentation financière et comptable font entendre que la SAP OL est menacée d'être déclarée en redressement ou liquidation judiciaire et que cette situation est due à des actes commis par M. Y... susceptibles de constituer le délit de banqueroute ; qu'il ne résulte pas des déclarations du témoin A... la preuve que la SASP OL se trouverait prochainement en cessation des paiements ou que pourrait être relevé à l'encontre de M. Y... des faits prévus par l'article la loi du 29 juillet 1881 626-2 du Code de commerce ;
qu'il a donc été porté atteinte à la considération de la première et à l'honneur du second ; qu'il est encore reproché aux intimés d'avoir écrit "la société anonyme Olympique lyonnais s'est accaparé les actifs professionnels de l'association OL et une chose est sûre c'est qu'un ancien membre de l'association OL qui se sentirait lésé pourrait très bien ... engager une procédure judiciaire pour abus de confiance" ; que cela constitue l'imputation d'un délit précis qui est de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération de la SASP OL laquelle est seule visée ; qu'il ne résulte pas des déclarations du témoin A... la preuve qu'ont été commis par la SASP au préjudice de l'association OL des faits susceptibles d'être qualifiés d'abus de confiance et qu'il n'est pas établi que les intimés avaient connaissance d'éléments desquels ils pouvaient tirer la croyance légitime que de tels faits avaient été commis ; que la SASP OL est bien fondée à soutenir qu'elle a été diffamée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que ces allégations, qui ne dépassaient pas l'exercice du droit de libre critique, reposaient sur des éléments comptables justifiés, résultat d'une enquête sérieuse s'inscrivant dans le cadre légitime d'information du public par le journaliste et n'avaient donc pas de caractère diffamatoire dans le contexte dans lequel elles étaient énoncées, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Vu l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juillet 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon, en ce qu'elle a retenu la diffamation relativement aux énonciations suivantes : "je ne cautionnerai pas une entreprise financière qui mène tout droit à la banqueroute, difficile de ne pas constater la fragilité de cette entreprise sur le plan économique" et avec les développements qui suivent où il est fait état de "magie comptable", "la société anonyme Olympique lyonnais s'est accaparé les actifs professionnels de l'association OL et une chose est sûre c'est qu'un ancien membre de l'association OL qui se sentirait lésé pourrait très bien ... engager une procédure judiciaire pour abus de confiance" ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Et statuant à nouveau ;
Rejette les demandes de la société Olympique lyonnais et de M. Y..., ès qualités ;
Condamne la société Olympique lyonnais et M. B..., ès qualités, à payer les dépens exposés devant les juges du fond et devant la Cour de Cassation ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Olympique lyonnais et de M. Y..., ès qualités ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille cinq.