AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 septembre 2003), la société Transmontagne exploitait le service des remontées mécaniques des stations du Val-d'Allos dans le cadre d'un contrat de délégation de service public consenti par le syndicat mixte du Val-d'Allos (SMVA) ; que ce service a été confié, à compter du 4 décembre 1999, à la société Rémy Loisirs ; que celle-ci a considéré que la reprise du contrat de travail de M. X..., directeur d'exploitation des stations du Val-d'Allos, engagé par la société sortante ne lui incombait pas ; qu'estimant avoir été victime d'un licenciement abusif par le nouvel exploitant, M. X... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la condamnation de la société Rémy Loisirs au paiement de diverses indemnités pour rupture abusive de son contrat de travail ;
Attendu que la société Rémy Loisirs fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle était tenue de poursuivre le contrat de travail de M. X... en application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail et condamné celle-ci à verser à celui-là diverses indemnités de rupture alors, selon le moyen :
1 / que la délégation de service public étant un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, le simple remplacement du délégataire par un autre n'ayant aucun lien de droit avec lui, sans reprise entre-temps du personnel de l'activité en cause par le délégant, ne saurait caractériser une modification dans la "situation juridique" de l'employeur ; que, dès lors, en considérant que, du seul fait que l'activité de gestion des remontées mécaniques, objet des deux délégations de service public successives, formait une entité économique distincte et avait été poursuivie dans les mêmes conditions par les deux sociétés délégataires, la seconde, qui n'avait pourtant aucun lien de droit avec la première à laquelle elle avait immédiatement succédé lorsque le contrat de celle-ci avait été résilié par le délégant, était tenue de reprendre les contrats de travail de tout le personnel affecté à cette activité, en application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail, auquel n'avait pu déroger le cahier des charges de la délégation prévoyant que cette reprise ne jouerait pas pour le directeur d'exploitation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2 / qu'en laissant sans réponse les conclusions par lesquelles la société Rémy Loisirs faisait valoir qu'en toute hypothèse, il résultait du contrat de travail de M. X..., qui n'avait pas été recruté par la société Transmontagne comme directeur d'exploitation du site du Val-d'Allos, mais comme directeur d'exploitation chargé en cette qualité de la gestion de ce site, qu'il était en réalité un salarié du siège de la société Transmontagne en mission au Val-d'Allos pour la durée de la délégation de service public consentie à cette société, ce qui confirmaient la circonstance que les cotisations sociales le concernant étaient versées à l'URSSAF de Venissieux et non de Digne comme pour les autres salariés des remontées mécaniques, celle qu'il ne figurait pas sur le registre des entrées et sorties du personnel du Val-d'Allos et celle qu'il était demeuré salarié de la société Transmontagne après la résiliation de la délégation de service public, tous faits dont la preuve était rapportée, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / qu'en retenant, pour juger que la société Rémy Loisirs était tenue de reprendre le contrat de travail de M. X..., que le lieu de travail et de résidence de celui-ci était au Val-d'Allos, que ses fonctions étaient celles de directeur d'exploitation du site du Val-d'Allos, qu'il était donc bien affecté à l'entité économique transférée et qu'il importait peu que son contrat de travail ait comporté une clause de mobilité qui n'avait d'ailleurs pas été mise en oeuvre, la cour d'appel, qui s'est ainsi déterminée par des considérations inopérantes au regard de l'argumentation développée par la société Rémy Loisirs dans ses conclusions, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 et L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail ;
Mais attendu que, selon l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail tel qu'interprété au regard de la directive n° 98/50/CE du Conseil du 29 juin 1998, les contrats de travail en cours sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise en cas de transfert d'une entité économique conservant son identité, dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que cet article reçoit ainsi application en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur ; que tel est le cas lorsque l'exécution d'un marché de prestation de services par un nouveau titulaire s'accompagne du transfert d'une entité économique constituée d'un ensemble de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre et dont l'identité est maintenue ;
Et attendu que la cour d'appel a constaté, d'une part, que l'attribution du service des remontées mécaniques des stations du Val-d'Allos consenti par le SMVA à un nouveau concessionnaire avait entraîné la transmission à la société Rémy Loisirs de l'exploitation du réseau d'engins de remontées existant ou à créer, de l'entretien, du balisage et de la surveillance du réseau de pistes existant ou à créer et de l'organisation et de la mise en oeuvre d'un système de secours aux usagers du domaine skiable ; d'autre part, que pour effectuer ces tâches, les délégataires successifs disposaient de l'ensemble des biens meubles et immeubles, corporels et incorporels nécessaires à l'exploitation du service ; qu'elle a retenu que M. X..., avant le transfert du service, avait été spécialement et exclusivement affecté à l'exploitation des stations du Val-d'Allos par la société sortante ; que la cour d'appel a pu déduire de ses constatations et énonciations, d'une part, qu'une entité économique disposant de moyens spécifiquement affectés à la poursuite d'une finalité économique propre avait été transférée à la société Rémy Loisirs et, d'autre part, que le contrat de travail de M. X... devait être repris par cette société et qu'à défaut la rupture de ce contrat lui était imputable ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Rémy Loisirs aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille cinq.