AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... de son désistement de pourvoi ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 132-8 du Code du travail ;
Attendu que la société Lyonnaise des eaux a dénoncé le 19 janvier 1993 un accord du 22 juin 1947 portant statut du personnel, prévoyant que les salariés bénéficieraient d'avantages particuliers consistant notamment en un sursalaire familial et une indemnité de congé parental ; qu'elle a conclu le 20 janvier 1993 un accord de substitution ;
que par arrêt du 9 février 2000 (Bull.V n° 59), la Cour de Cassation a cassé sans renvoi l'arrêt rendu le 30 octobre 1997 par la cour d'appel de Versailles qui avait débouté les organisations syndicales de leur demande tendant à voir déclarer nul et de nul effet l'accord du 20 janvier 1993, a dit n'y avoir lieu à renvoi et a déclaré cet accord nul ;
qu'à la suite de cette décision, la société a conclu le 7 mars 2000 un accord dit de sauvegarde et le 22 juin 2000 un accord définitif reprenant pour l'essentiel les dispositions de l'accord annulé ; que M. Y... et d'autres salariés, invoquant la nullité de l'accord de substitution du 20 janvier 1993, ont demandé le paiement de sommes correspondant aux avantages précités résultant de l'accord de 1947 dont ils avaient été privés à la suite de la substitution ;
Attendu que pour débouter les salariés de leurs prétentions l'arrêt retient que la Cour de Cassation n'a pas décidé que la nullité de l'accord du 20 janvier 1993 avait un effet rétroactif, que s'agissant d'un contrat à exécution successive ayant produit des effets irréversibles la nullité ne peut jouer que pour l'avenir, sauf à faire bénéficier les appelants à la fois des avantages de l'ancien accord et de ceux de l'accord annulé, et qu'en outre aucune solution de continuité n'est intervenue après la dénonciation de l'accord du 22 juin 1947, puisqu'un accord de substitution ayant pour objet le statut collectif du personnel a été signé le 20 janvier 1993, suivi de l'accord de sauvegarde du 7 mars 2000 et d'un accord définitif le 22 juin 2000 ;
Attendu cependant que l'annulation de l'accord conclu en vue de remplacer l'accord dénoncé équivaut à une absence d'accord de substitution et que lorsque la convention ou l'accord qui a été dénoncé n'a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans les délais précisés au troisième alinéa de l'article L. 132-8 du Code du travail, les salariés des entreprises concernés conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis en application de la convention ou l'accord dénoncé à l'expiration de ces délais ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, alors d'une part que l'accord nul du 20 janvier 1993 n'avait pu produire aucun effet et d'autre part qu'il résultait de ses constatations que les accords des 7 mars 2000 et 22 juin 2000 n'avaient pas été conclus dans les délais du troisième alinéa de l'article L. 132-8 du Code du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi incident dès lors que la cassation prononcée sur le pourvoi principal entraîne la cassation totale de l'arrêt ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 juin 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Suez lyonnaise des eaux aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille cinq.