AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA SOCIETE LACAMPAGNE,
- X... Gisèle,
- X... Gérard, parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PAU, en date du 30 novembre 2004, qui, dans l'information suivie, sur leur plainte, contre personne non dénommée du chef d'usure, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant constaté l'extinction de l'action publique par l'abrogation de la loi pénale ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 3 , du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles L. 313-5-1 et L. 313-5-2 du Code monétaire et financier, 575-2.3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions et défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu du chef du délit d'usure commis au préjudice de la société Lacampagne et des époux X..., dirigeants et cautions solidaires ;
"aux motifs que la question de l'applicabilité d'une sanction pénale à l'octroi d'un prêt usuraire à une entreprise est désormais réglée par l'article 32 de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, relative à l'initiative économique, repris par l'article L. 313-3 du Code de la consommation qui prévoit en son dernier alinéa que les dispositions de cet article et des articles L. 313-4 à L. 313-6 ne s'appliquent pas aux prêts accordés à une personne morale se livrant à une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle non commerciale ; que l'article L. 313-5 est le texte qui incrimine le fait de consentir à autrui un prêt usuraire ;
qu'en conséquence l'octroi d'un prêt usuraire à l'une de ces personnes n'est plus sanctionné pénalement ; que cette mesure favorable aux banques est décrite par la circulaire d'application du 18 décembre 2003 comme ayant pour objectif de faciliter l'accès au crédit pour certaines entreprises ; qu'ainsi, la société Lacampagne entrant dans la définition de l'article L. 313-3 du Code de la consommation, il n'y a lieu à suivre ;
"alors que dans leur mémoire la société Lacampagne et les consorts X... faisaient valoir (p. 6, 7 et 9) que l'article L. 313-5-1 du Code monétaire et financier, cité in extenso, avait maintenu le délit d'usure pour les découverts aux entreprises, nonobstant les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 313-3 du Code de la consommation ; qu'ils ajoutaient qu'en l'espèce les taux pratiqués étaient usuraires dès lors qu'il convenait de prendre en compte les minima de frais forfaitaires dans le calcul du TEG ; que c'est à tort que la chambre de l'instruction n'a pas répondu à ce moyen péremptoire" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 28 septembre 1993, Gisèle X..., présidente de la société Lacampagne, et son époux Gérard X..., directeur commercial, ont porté plainte avec constitution de partie civile contre la Caisse régionale du crédit agricole des Pyrénées-Atlantiques, du chef d'usure, en reprochant à cette banque d'avoir consenti à la société, courant 1986 à 1992, un crédit en compte courant et une ligne d'escompte de traites et mobilisation de créances à des taux usuraires ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction constatant l'extinction de l'action publique par l'abrogation de la loi pénale, l'arrêt relève qu'en application du dernier alinéa de l'article L. 313-3 du Code de la consommation, résultant de l'article 32 de la loi du 1er août 2003, l'octroi d'un prêt usuraire à "une personne morale se livrant à une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle non commerciale" n'est plus sanctionné pénalement par l'article L. 313-5 dudit Code ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dés lors que pour les découverts en compte accordés à des personnes morales, prévus par l'article L. 313-5-1 du Code monétaire et financier, un prêt conventionnel usuraire encourt la seule sanction civile de restitution des perceptions excessives, en application de l'article L. 313-5-2 du même Code, la chambre de l'instruction, qui a répondu aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a justifié sa décision ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Challe conseiller rapporteur, M. Dulin, Mmes Thin, Desgrange, MM. Rognon, Chanut, Mme Nocquet, M. Beauvais conseillers de la chambre, M. Soulard, Mmes Degorce, Labrousse conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Fréchède ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;