AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la fin de non recevoir soulevée par la défense :
Vu les articles 87, alinéa 2 et 607 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt qui, statuant sur contredit, s'est prononcé sur la compétence et a renvoyé les parties devant le tribunal d'instance pour qu'il soit statué sur le fond du litige, a mis fin à l'instance devant la cour d'appel ; que le pourvoi est recevable ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. Le X... a été engagé à compter du 17 décembre 1993 par la société Thaeron Fils, entreprise d'ostréiculture et de négoce de la mer, en qualité d'ouvrier ostréicole, selon contrat saisonnier qui s'est poursuivi par un contrat à durée indéterminée ; qu'à la suite d'un arrêt de travail pour maladie, il a été déclaré inapte à la navigation par la commission médicale régionale d'aptitude physique à la navigation de la circonscription de Bretagne ; que, soutenant que son employeur devait procéder à son reclassement ou à son licenciement ou, à défaut, reprendre le paiement de ses salaires, il a saisi le tribunal d'instance de Quimper ; que la société Thaeron a opposé l'incompétence de cette juridiction au profit du conseil de prud'hommes ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 18 décembre 2003), statuant sur contredit, d'avoir retenu la compétence du tribunal d'instance et d'avoir renvoyé les parties devant ce tribunal pour qu'il soit statué sur le fond du litige, alors, selon le moyen :
1 ) que seuls relèvent de la compétence du tribunal d'instance les litiges nés entre armateurs et marins en ce qui concerne les contrats d'engagement régis par le Code du travail maritime ; que le Code du travail maritime impose que le contrat d'engagement maritime ait été passé par écrit, et que ses clauses aient été inscrites ou annexées au rôle d'équipage après avoir été visées par l'autorité maritime ; qu'à défaut, le contrat doit été requalifié en contrat de travail de droit commun, relevant donc de la compétence du conseil de prud'hommes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat de travail à durée indéterminée n'avait pas été formalisé par écrit ni soumis au visa de l'administrateur des affaires maritimes ; qu'en retenant cependant l'existence d'un contrat d'engagement maritime et la compétence du tribunal d'instance, la cour d'appel a violé ensemble l'article 2 du décret n° 59-13-37 du 20 novembre 1959, ensemble les articles 4, 9, 10-1 et 13 du Code du travail maritime, L. 511-1 du Code du travail et R. 321-6, 5 du Code de l'organisation judiciaire ;
2 / que seuls relèvent de la compétence du tribunal d'instance les litiges nés entre armateurs et marins en ce qui concerne les contrats d'engagement régis par le Code du travail maritime ; qu'exerce la profession de marin toute personne engagée par un armateur en vue d'occuper à bord d'un navire français un emploi permanent relatif à la marche, à la conduite, à l'entretien et à l'exploitation du navire ; qu'en l'espèce, l'exposante soulignait que le travail de M. Le X..., engagé en qualité d'ouvrier ostréiculteur afin d'aider à la réalisation et au suivi des commandes, s'effectuait principalement à terre, et qu'il n'utilisait le bateau qu'à marée haute pour gagner les parcs ostréicoles, et versait à cet égard aux débats un descriptif de la semaine de M. Le X... ; qu'en se bornant, pour retenir que M. Le X... avait la qualité de marin, à constater qu'à marée haute, il naviguait pour semer, draguer ou prélever des huîtres à partir du navire de fonction équipé d'une grue et d'une drague, et que dans son courrier du 7 mai 2002, l'employeur aurait reconnu que son salarié exerçait "une activité maritime", sans rechercher si cette occupation était permanente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 du décret n° 59-13-37 du 20 novembre 1959, ensemble les articles ter du Code du travail maritime, L. 511-1 du Code du travail, R. 321-6, 5 du Code de l'organisation judiciaire, et ter du décret n° 67-690 du 7 août 1967 ;
3 / que seuls relèvent de la compétence du tribunal d'instance les litiges nés entre armateurs et marins en ce qui concerne les contrats d'engagement régis par le Code du travail maritime ; qu'est un contrat d'engagement maritime au sens du Code du travail maritime le contrat qui a pour objet un service à accomplir à bord d'un navire en vue d'une expédition maritime ; que ne répond pas à cette définition le contrat en vertu duquel un ouvrier ostréicole, navigue, à marée haute seulement, sur une rivière, constituerait-elle un bras de mer, afin de semer, draguer et prélever des huîtres, même si le navire est exposé aux risques et périls de la mer ; qu'en se bornant, pour retenir l'existence d'un contrat d'engagement maritime, à constater qu'à marée haute, M. Le X... "naviguait sur la rivière du Belon qui constitue un bras de mer pour semer, draguer ou prélever des huîtres (...) dans une zone soumise à l'influence directe des courants et des marées ainsi que des conditions climatiques maritimes" de sorte que "le navire était exposé aux risques et périls de la mer", la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'accomplissement par M. Le X... d'un service en vue d'une expédition maritime, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 du décret n° 59-13-37 du 20 novembre 1959, ensemble les articles 1- du Code du travail maritime, L. 511-1 du Code du travail, et R. 321-6, 5 du Code de l'organisation judiciaire ;
4 ) qu'en retenant, pour admettre la compétence du tribunal d'instance, que M. Le X... était inscrit à l'ENIM en qualité de marin embarqué et affilié au régime des marins pécheurs, que toutes les cotisations sociales avaient été réglées auprès des organismes maritimes, que l'avis d'inaptitude à la navigation émis par les médecins des gens de mer n'avait pas été remis en cause par l'employeur et que ce dernier n'avait pas davantage formulé d'objection lorsque le salarié avait saisi l'administrateur des affaires maritimes, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 du décret n° 59-13-37 du 20 novembre 1959, ensemble les articles 1- du Code du travail maritime, L. 511-1 du Code du travail, R. 321-6, 5 du Code de l'organisation judiciaire et 1- du décret n° 67-690 du 7 août 1967 ;
5 / qu'en tout état de cause que seuls relèvent de la compétence du tribunal d'instance les litiges nés entre armateurs et marins en ce qui concerne les contrats d'engagement régis par le Code du travail maritime ; que, selon l'article 4 du Code du travail maritime, le contrat de louage de services conclu entre un armateur et un marin est régi, en dehors des périodes d'embarquement du marin, par les dispositions du Code du travail ; qu'en outre, la situation du marin devenu inapte à la navigation est régie par le Code du travail ; qu'en déclarant cependant que le litige dont ils étaient saisis, relatif au reclassement de M. Le X... après la déclaration d'inaptitude à la navigation dont il avait fait l'objet après un arrêt de travail, était de la compétence du tribunal d'instance, quand ce litige n'était pas régi par le Code du travail maritime, les juges du fond ont violé l'article 2 du décret n° 59-13-37 du 20 novembre 1959, ensemble les articles 4 du Code du travail maritime, L. 511-1 du Code du travail et R. 321-6, 5 du Code de l'organisation judiciaire ;
Mais attendu, d'abord, que selon l'article 2 du décret du 20 décembre 1958, les litiges qui s'élèvent, en ce qui concerne les contrats d'engagement régis par le Code du travail maritime entre les armateurs ou leurs représentants et les marins, à l'exception des capitaines, sont portés devant le tribunal d'instance ; ensuite, qu'il résulte des dispositions combinées de l'article L. 742-1 du Code du travail et de l'article 1er du code du travail maritime que le contrat de louage de services conclu entre un armateur et un marin, intitulé contrat d'engagement, est régi par le Code du travail maritime ; enfin, que selon l'article 3 de ce dernier Code, est considéré comme marin, pour l'application de la présente loi, quiconque s'engage, envers l'armateur ou son représentant pour servir sur un navire ;
Et attendu quayant constaté que l'activité de M. Le X... consistait à naviguer sur la rivière de Belon, qui constitue un bras de mer, à marée haute, pour semer, draguer, ou prélever des huîtres à partir d'une embarcation, immatriculée et francisée, équipée d'une grue et d'une drague, qui répond à la définition du navire au sens du décret du 7 août 1967 et que cette embarcation, armée par la société Thaeron, naviguant dans une zone soumise à l'influence directe des courants et des marées ainsi qu'aux conditions climatiques marines, était exposée aux risques et périls de la mer, ce qui justifiait que l'ostréiculteur ait recours à un marin, la cour d'appel en a exactement déduit que les rapports entre les parties étaient soumis au Code du travail maritime ;
Qu'il est indifférent pour la compétence que le contrat d'engagement n'ait pas été établi selon les conditions de forme prévues par les articles 4, 10-1 et 13 du Code du travail maritime ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Thaeron fils aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille cinq.