AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 14 janvier 2004), que par acte du 27 septembre 1995, les époux X..., propriétaires d'une exploitation agricole ont donné congé à Mme Y..., seul preneur subsistant en place, pour le 1er octobre 1997, date d'échéance du bail, aux fins de reprise personnelle au profit de Mme X... ; que le 4 janvier 1996, la preneuse a contesté le congé devant le tribunal paritaire de baux ruraux ; qu'à la suite de son décès, ses enfants, Mmes Marie Josée, Claudine et Nathalie Y... et M. Jean-Marie Y... (les consorts Y...) ont poursuivi la procédure ; que par arrêté du 6 mai 1996, le préfet a accordé une autorisation d'exploiter les terres en cause à Mme X... ; que par jugement du 12 novembre 1996, le tribunal paritaire de baux ruraux a sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive de la juridiction administrative saisie d'un recours contre cette autorisation ; que par jugement du 27 janvier 1998, le tribunal administratif a annulé l'autorisation d'exploiter pour vice de forme ; qu'une deuxième autorisation d'exploiter a été délivrée à Mme X... par le préfet le 7 août 1998 ; que par jugement du 14 mai 1999, le tribunal paritaire de baux ruraux a, de nouveau, sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive à intervenir ; que par jugement du 28 septembre 1999, le tribunal administratif a annulé cette autorisation d'exploiter au motif qu'elle n'avait pas été prise au vu des circonstances de fait et de droit existant à sa date ; que par lettre du 22 février 2000, le préfet a précisé à Mme X... qu'aucune autorisation d'exploiter n'était nécessaire ; que le 3 février 2001, les consorts Y... ont formé un recours devant le tribunal administratif contre cette décision ;
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de surseoir à statuer dans l'attente de la décision administrative définitive sur ce recours des consorts Y..., alors selon le moyen :
1 / que l'obligation de surseoir à statuer prévue par l'article L. 411-58, alinéa 5, du Code rural ne concerne que l'hypothèse où l'autorité administrative, saisie par le bénéficiaire de la reprise avant la date d'effet du congé, lui a accordé ou refusé l'autorisation d'exploiter, et ne saurait concerner celle où, comme en l'espèce, il existe une contestation sur le point de savoir si une telle autorisation est ou non nécessaire ; que la cour d'appel a donc méconnu sa compétence pour se prononcer sur cette contestation et violé le texte susvisé en considérant qu'il lui faisait obligation de surseoir à statuer dès lors que les preneurs évincés avaient saisi le juge administratif d'un recours contre une décision du préfet disant que la reprise n'était pas soumise à autorisation ;
2 / que la circonstance qu'une partie allègue devant le juge civil que le juge administratif est saisi d'un recours en appréciation de la légalité d'un acte administratif individuel, ne constitue pas par elle-même une question préjudicielle motivant un sursis à statuer, laquelle n'est caractérisée que si l'exception d'illégalité présente un caractère sérieux et porte sur une question dont la solution est nécessaire au règlement du litige ; que, dès lors, en l'espèce, en motivant sa décision de surseoir à statuer par le seul constat de ce que les preneurs évincés avaient déposé un recours devant la juridiction administrative contre une décision du préfet disant que la reprise n'était pas soumise à autorisation, tandis qu'elle était compétente pour déterminer si une telle autorisation était nécessaire, la cour d'appel a en toute hypothèse violé, outre l'article L. 411-58, alinéa 5, du Code rural, les articles 49 et 378 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les preneurs avaient déposé le 3 février 2001 un recours devant le tribunal administratif contre la décision du 22 février 2000 par laquelle le préfet avait dit n'y avoir lieu à autorisation, la cour d'appel a décidé discrétionnairement de surseoir à statuer ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les époux X... à payer aux consorts Y... la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille cinq.